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04/12/2014 | FRANCE | N°14PA02179

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 04 décembre 2014, 14PA02179


Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2014, présentée pour M. B... C..., demeurant..., par MeA... ; M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1309029/2-3 du 21 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juin 2013 par lequel le préfet des Yvelines lui a fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et en fixant son pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindr

e au préfet des Yvelines de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'u...

Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2014, présentée pour M. B... C..., demeurant..., par MeA... ; M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1309029/2-3 du 21 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juin 2013 par lequel le préfet des Yvelines lui a fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et en fixant son pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à MeA..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- le préfet était tenu de respecter la procédure contradictoire telle qu'elle est définie par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 dès lors qu'il a visé cet article dans la décision contestée ;

- le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle ;

- l'arrêté litigieux méconnait les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet ne pouvait légalement prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour en application des dispositions du 7° et 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les stipulations des articles 3 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses conséquences sur la situation du requérant ;

- le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant un délai de départ volontaire ;

Vu la décision du 10 avril 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a admis M. C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet des Yvelines, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2014 le rapport de M. Gouès, premier conseiller ;

1. Considérant que M. C...relève appel du jugement du 21 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant que l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 prévoit que : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière. " ;

3. Considérant que la circonstance que le préfet ait visé l'article ci-dessus reproduit dans la décision litigieuse ne saurait signifier qu'il a entendu mettre en oeuvre la procédure contradictoire définie au premier alinéa ; qu'il a, au contraire, rappelé l'ensemble des dispositions de cet article qui prévoient son inapplicabilité aux décisions soumises à une procédure contradictoire particulière, comme c'est le cas des décisions portant obligation de quitter le territoire français ainsi que des décisions qui l'accompagnent en application des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 doit être écarté ;

4. Considérant que l'arrêté contesté précise qu'" il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, dans la mesure où il se déclare marié et père de deux enfants se trouvant au Mali avec son épouse, ses parents, un frère et deux soeurs alors qu'il n'a aucune famille en France ; " ; qu'il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d' un traitement approprié dans le pays de renvoi " ;

6. Considérant que si M. C...soutient qu'il est atteint d'asthme chronique et que le Mali ne dispose pas des structures médicales et des médicaments nécessaires au traitement de cette maladie, il n'établit pas, ni même ne soutient, que le défaut de traitement de sa pathologie aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que les certificats médicaux qu'il produit, qui font seulement état de sa nécessité de soins médicaux pour traiter son asthme, ne permettent pas d'établir que le préfet a méconnu les dispositions précitées en prenant à son encontre l'arrêté contesté ;

7. Considérant qu'indépendamment de l'énumération faite par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article

L. 311-7 soit exigée. " ; que, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment

M. C...ne pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

9. Considérant que M. C...fait valoir que le centre de ses intérêts se trouve aujourd'hui en France où il a rejoint des membres de sa famille en situation régulière et qu'il bénéficie de perspectives sérieuses d'embauche ; que toutefois, il n'apporte aucun élément permettant de justifier de ces affirmations ; que par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. C... possède encore de solides attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans et où résident son épouse, ses enfants, ses parents et une partie de sa fratrie ; qu'il s'ensuit que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'ainsi le préfet des Yvelines n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. C...ne pouvant, pour les mêmes motifs, prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Yvelines pouvait légalement prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français ; que la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que si M. C...se prévaut de son état de santé et de la situation de guerre que traverse le Mali, il n'établit pas qu'il serait personnellement exposé, en cas de retour, à des peines ou traitements prohibés par les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité de la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l' étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ; "

12. Considérant que pour refuser à M. C...un délai de départ volontaire, le préfet des Yvelines a considéré que le risque de fuite était établi aux motifs qu'il ne pouvait justifier être entré régulièrement en France et n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; que M. C...ne produit aucun élément permettant de contester ces affirmations ; qu'ainsi il entrait bien dans le champ d'application des dispositions susmentionnées du 3° du paragraphe II de l'article L. 511-1 précité ; que le préfet des Yvelines pouvait légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire et n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ; que, de même, les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C...et son avocat demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. B... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2014 à laquelle siégeaient :

Mme Vettraino, président de chambre,

M. Romnicianu, premier conseiller,

M. Gouès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 4 décembre 2014.

Le rapporteur,

S. GOUESLe président,

M. VETTRAINO

Le greffier,

F. TROUYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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N° 14PA02179


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02179
Date de la décision : 04/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: M. Serge GOUES
Rapporteur public ?: Mme BONNEAU-MATHELOT
Avocat(s) : TERREL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-12-04;14pa02179 ?
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