La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/03/2015 | FRANCE | N°14PA05246

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 12 mars 2015, 14PA05246


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité d'entreprise de la société Kodak et le syndicat CGT Kodak ont demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision en date du 18 juin 2014 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant projet de licenciement collectif pour motif économique établi par la société Kodak.

Par un jugement n° 1407596 du 12 novembre 2014, le Tribunal administratif de Me

lun a annulé la décision attaquée.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité d'entreprise de la société Kodak et le syndicat CGT Kodak ont demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision en date du 18 juin 2014 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant projet de licenciement collectif pour motif économique établi par la société Kodak.

Par un jugement n° 1407596 du 12 novembre 2014, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision attaquée.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 14PA05246 le 16 décembre 2014 et un mémoire enregistré le 13 février 2015, appuyés de pièces complémentaires enregistrées au greffe de la Cour le 16 février 2015, la société par actions simplifiée à associé unique Kodak, représentée par Me Pola, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1407596 du 12 novembre 2014 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par le comité d'entreprise de la société Kodak et le syndicat CGT Kodak devant le Tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge du comité d'entreprise de la société Kodak et du syndicat CGT Kodak la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est fondé sur le moyen tiré d'un défaut de motivation de la décision litigieuse, alors que ce moyen de légalité externe n'était pas soulevé et n'est pas d'ordre public ;

- la décision litigieuse est en tout état de cause suffisamment motivée ;

- l'administration a notamment examiné la pertinence du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens du groupe auquel elle appartient ;

- les mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi sont en adéquation avec les moyens dont dispose le groupe, lesquels sont limités, et présentent un caractère suffisant ;

- les autres moyens soulevés par le comité d'entreprise de la société Kodak et le syndicat CGT Kodak devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2015, le comité d'entreprise de la société Kodak et le syndicat CGT Kodak, représentés par Me Porcheron, concluent au rejet de la requête et à ce que la société Kodak leur verse la somme de 2 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les moyens soulevés par la société Kodak ne sont pas fondés ;

- ils reprennent l'ensemble de leurs moyens de première instance.

La requête a été communiquée au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui n'a pas présenté de mémoire.

II. Par un recours enregistré sous le n° 15PA00183 le 14 janvier 2015 et un mémoire enregistré le 6 février 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1407596 du 12 novembre 2014 du Tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

- son recours en appel n'est pas tardif ;

- la décision d'homologation litigieuse est suffisamment motivée, conformément aux dispositions de l'article L. 1233-57-4 du code du travail ;

- la pertinence du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens du groupe auquel appartient la société Kodak a bien été contrôlée, ainsi qu'il ressort de la décision litigieuse qui vise l'article L. 1233-57-3 du code du travail, qui fait référence au document unilatéral faisant état des difficultés économiques et financières de l'entreprise et qui précise que le document unilatéral prévoit des mesures en cas de mobilité à l'étranger, synonyme de reclassement dans une société étrangère du groupe ;

- l'absence de communication au comité d'entreprise de l'ensemble des échanges entre l'administration et la direction de l'entreprise n'a pas affecté la régularité de la procédure ;

- l'administration a vérifié qu'aucune irrégularité de procédure n'avait eu pour effet d'empêcher les membres du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de délibérer et de rendre un avis en connaissance de cause ;

- la décision litigieuse n'est pas entachée d'erreur d'appréciation quant à la définition des critères d'ordre et des catégories professionnelles concernées par le plan social.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2015, le comité d'entreprise de la société Kodak et le syndicat CGT Kodak, représentés par Me Porcheron, concluent au rejet du recours et à ce que l'Etat leur verse la somme de 2 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le recours en appel formé par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social est tardif ;

- les moyens soulevés par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ne sont pas fondés ;

- ils reprennent l'ensemble de leurs moyens de première instance.

Par un mémoire, enregistré le 12 février 2015, la société par actions simplifiée à associé unique Kodak, représentée par Me Pola, conclut à l'annulation du jugement n° 1407596 du 12 novembre 2014 du Tribunal administratif de Melun et à ce qu'il soit mis à la charge du comité d'entreprise de la société Kodak et du syndicat CGT Kodak la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les instances n° 14PA05246 et n° 15PA00183 doivent être jointes et renvoie aux écritures et pièces qu'elle a déposées dans l'instance n° 14PA05246.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bernard,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- les observations de Me Pola, avocat de la société Kodak,

- et les observations de Me A..., substituant Me Porcheron, avocat du comité d'entreprise de la société Kodak et du syndicat CGT Kodak.

Une note en délibéré présentée pour la société Kodak dans chacune des affaires a été enregistrée le 10 mars 2015.

Considérant ce qui suit :

1. La requête de la société Kodak, enregistrée sous le n° 14PA05246, et le recours du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, enregistré sous le n° 15PA00183, sont dirigés contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu, en conséquence, de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Pour annuler la décision du 18 juin 2014 en litige, homologuant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Kodak, le Tribunal administratif de Melun a considéré qu'il ne ressortait ni des termes de cette décision ni des pièces du dossier que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France aurait contrôlé la pertinence des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi au regard des moyens dont disposaient la société et le groupe auquel elle appartient et que la décision en litige était par suite entachée d'erreur de droit. Ainsi, le motif d'annulation retenu par les premiers juges porte non sur l'insuffisante motivation de la décision du 18 juin 2014 mais sur l'erreur de droit commise par l'auteur de cette décision au regard de la portée du contrôle qu'il devait exercer sur le plan de sauvegarde de l'emploi en vertu des dispositions, citées au point 3 ci-dessous, de l'article L. 1233-57-3 du code du travail. Dans ces conditions, le moyen tiré par la société Kodak de ce que le jugement attaqué serait fondé sur le moyen tiré d'un défaut de motivation de la décision litigieuse, qui n'était pas soulevé et qui n'est pas d'ordre public, ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre ". Aux termes de l'article L. 1233-24-4 du même code : " A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité d'entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur ". Aux termes de l'article L. 1233-57-1 du même code : " (...) le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4 [est] transmis à l'autorité administrative pour (...) homologation du document ". Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige : " En l'absence d'accord collectif (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1, et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / (...) ".

4. Il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'administration, saisie d'une demande d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi élaboré unilatéralement par un employeur, d'apprécier si les mesures prévues par ce plan sont à la fois adaptées au regard de l'objectif de reclassement des salariés dont le licenciement ne peut être évité et proportionnées au regard des moyens de l'entreprise, de l'unité économique et sociale ou du groupe auquel elle appartient le cas échéant.

5. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la décision en litige se borne à indiquer que " la diversité et la qualité des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi sont de nature à faciliter la reprise d'emploi, et que le PSE prévoit des aides supérieures aux dispositifs légaux et à nombre de PSE mis en oeuvre par d'autres entreprises sur le département " sans mentionner, même succinctement, que l'administration a procédé, comme l'exigent les dispositions précitées du 1° de l'article L. 1233-57-3 du code du travail, à une analyse du caractère proportionné des mesures envisagées au regard des moyens du groupe auquel appartient la société Kodak. A cet égard, les seules circonstances que la décision en litige vise l'article L. 1233-57-3 du code du travail et mentionne l'existence de mesures en cas de mobilité à l'étranger et que la société Kodak ait transmis à l'administration les données économiques et financières relatives à sa situation et à celle du groupe auquel elle appartient ne permettent pas d'établir que l'administration a exercé le contrôle qui lui a été confié par le code du travail. Si les requérants soutiennent que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a néanmoins procédé à l'analyse des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi par rapport aux moyens du groupe auquel appartient la société Kodak, cette allégation n'est toutefois étayée par aucun commencement de preuve. La décision d'homologation du 18 juin 2014 en litige est par conséquent entachée d'erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours et de la requête ni de statuer sur la fin de non recevoir opposée par les défendeurs, la société Kodak et le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 18 juin 2014 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France homologuant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Kodak.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du comité d'entreprise de la société Kodak et du syndicat CGT Kodak, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la société Kodak demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Kodak une somme totale de 1 500 euros à verser au comité d'entreprise de la société Kodak et au syndicat CGT Kodak sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Kodak et le recours du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sont rejetés.

Article 2 : La société Kodak versera au comité d'entreprise de la société Kodak et au syndicat CGT Kodak une somme totale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée à associé unique Kodak, au comité d'entreprise de la société Kodak, au syndicat CGT Kodak et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Marino, président,

- Mme Dhiver, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mars 2015.

Le rapporteur,

A. BERNARDLe président,

Y. MARINO

Le greffier,

A. CLEMENT

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N°s 14PA05246, 15PA00183


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA05246
Date de la décision : 12/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : PROSKAUER ROSE LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-12;14pa05246 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award