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26/03/2015 | FRANCE | N°14PA02258

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 26 mars 2015, 14PA02258


Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2014, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303296/3-3 du 25 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé sa décision du 11 octobre 2012 refusant à M. A...D...le renouvellement d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination et, d'autre par

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Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2014, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303296/3-3 du 25 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé sa décision du 11 octobre 2012 refusant à M. A...D...le renouvellement d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour " vie privée et familiale " valable un an dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Le préfet de police soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté comme ayant méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la carte de séjour " étranger malade " dont a bénéficié M. D...et obtenu le renouvellement en exécution d'un jugement rendu le 31 octobre 2007 par le Tribunal administratif de Paris ne lui donnait pas vocation à s'installer durablement sur le territoire français ;

- M. D...ne verse au dossier aucune pièce susceptible de démontrer qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants et ne justifie pas le séjour régulier de sa belle-soeur en France, cette circonstance ne lui conférant en tout état de cause aucun un droit au séjour ;

- si M. D...soutient que sa femme et lui-même sont dans l'impossibilité de quitter le territoire français au motif que son beau-père et sa belle-soeur souffrent de graves problèmes de santé, il ne démontre à aucun moment que leur présence auprès de ces derniers serait indispensable ;

- il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il existerait des obstacles à ce que l'intéressé recompose sa cellule familiale en Géorgie, alors même que sa femme et ses enfants ont acquis la nationalité lituanienne ;

- la circonstance que l'épouse de M. D... exerce une activité professionnelle en France ne saurait conférer à l'intéressé un droit au séjour ;

- M. D...ne peut prétendre être dans l'impossibilité de se réinsérer dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 43 ans et où résident ses deux premiers enfants ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2014, présenté par M. D...par Me C... qui conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à défaut sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du même code, ou de manière subsidiaire sur le fondement des articles L. 121-3 et L. 122-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- l'autorité signataire ne justifie pas d'une délégation de signature régulière ;

- le préfet de police aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;

- le préfet de police a procédé à un examen de sa demande seulement sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il avait également fait une demande sur le fondement des articles L. 313-11 11° et L. 121-3 et L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est parfaitement intégré sur le territoire français où il réside depuis son arrivée aux côtés de son épouse et de leurs deux enfants qui sont en situation régulière sur le territoire français, que les enfants sont scolarisés en France depuis 2003 et suivent les enseignements du conservatoire de musique, que l'ensemble de la famille est parfaitement intégrée en France où elle dispose de son propre logement et procède chaque année à la déclaration de ses revenus, que son épouse travaille depuis plus de deux ans dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée conclu avec la paroisse Saint-Philippe du Roule en qualité d'employée et subvient aux besoins de sa famille ; qu'il a tissé de très nombreux liens sociaux et amicaux sur le territoire français où il exerce l'activité d'artiste peintre et a déjà organisé plusieurs expositions ; que son beau-frère et son beau-père témoignent également d'une parfaite intégration en France ;

- son beau-père atteint de la maladie de Parkinson ainsi que sa belle-soeur atteinte de troubles psychiatriques ont besoin de sa présence et de celle de son épouse ;

- compte tenu du fait qu'il est de nationalité géorgienne et que son épouse est de nationalité lituanienne, la cellule familiale ne peut se reconstituer dans son pays d'origine, son épouse et ses deux enfants ayant automatiquement perdu la nationalité géorgienne il y a six ans et ne disposant plus d'un droit au séjour dans ce pays ;

- la décision méconnaît les stipulations des articles 3-1, 8, 9 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision méconnaît les articles L. 121-3 et L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisque son épouse, en sa qualité de ressortissante lituanienne, est citoyenne de l'Union européenne et bénéficie donc à ce titre d'un droit au séjour sur le territoire français, et ce d'autant plus qu'elle exerce une activité professionnelle en France ;

- la décision méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il souffre d'une hépatite C chronique active pour laquelle il bénéficie d'une prise en charge médicale depuis son arrivée en France ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision n° 2014/036370 en date du 23 octobre 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a admis M. D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2015, le rapport de Mme Julliard, première conseillère ;

1. Considérant que M.D..., ressortissant géorgien né le 25 juillet 1960, et entré en France en 2003 selon ses déclarations, a bénéficié de deux titres de séjours successifs, en tant qu'étranger malade, valables, respectivement, à compter du 16 juin 2005 et du 27 septembre 2006 ; qu'il a par la suite obtenu un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " expirant le 30 octobre 2008, ainsi qu'un nouveau titre de séjour similaire valable du 22 février 2010 au 21 février 2011 et renouvelé jusqu'au 21 février 2012 ; que M. D... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour dans le cadre des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté du 11 octobre 2012, le préfet de police a rejeté sa demande ; que par un jugement du 25 mars 2014 dont le préfet de police relève appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté comme ayant méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l' ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il est constant qu'à la date de sa demande de renouvellement de sn titre de séjour, M. D..., entré en France en 2003, séjournait sur le territoire français, souvent de manière régulière, depuis plus de dix ans ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il s'était marié en 2002 avec Mme G...F..., ressortissante lituanienne résidant régulièrement sur le territoire français ; que leurs deux plus jeunes enfants, Liza et Aleksandre, nés respectivement en 1996 et 1998 et de nationalité lituanienne, sont scolarisés depuis 2003 en France ; que, par ailleurs, il ressort des pièces fournies au dossier que M. D... qui est artiste-peintre, expose régulièrement ses oeuvres à Paris depuis son entrée en France ; que son beau-père, entré sur le territoire en 1996 et titulaire d'une carte de résident renouvelée jusqu'en 2019, souffre de la maladie de Parkinson ; qu'il n'est pas contesté que la présence de sa fille et de son beau-fils lui est précieuse dans sa vie quotidienne ; que la belle-soeur du requérant, Mme B...F..., de nationalité française, souffre de troubles psychiatriques et que son état de santé nécessite également la présence de sa soeur et de son beau-frère pour s'occuper de ses enfants lors de ses séjours à l'hôpital ; que, dans ces conditions, compte-tenu de la particularité des circonstances ci-dessus exposées et eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. D..., ainsi qu'à ses possibilités d'intégration dans la société française lui permettant de contribuer à l'entretien de ses enfants, et alors même qu'il ne serait pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside au moins un autre de ses enfants, l'arrêté du 11 octobre 2012 a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'il a ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 octobre 2012 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête du préfet de police dirigée contre le jugement annulant son arrêté et lui enjoignant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour " vie privée et familiale " valable un an, n'implique aucune mesure d'injonction ;

Sur les conclusions de M. D...présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que son avocat, MeC..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me C...la somme de 1 500 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Julliard, première conseillère,

- MmeE..., première conseillère,

Lu en audience publique, le 26 mars 2015.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

F. POLIZZI

Le greffier,

N. ADOUANE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 14PA02258


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02258
Date de la décision : 26/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POLIZZI
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : WINTER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-26;14pa02258 ?
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