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10/04/2015 | FRANCE | N°14PA01862

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 avril 2015, 14PA01862


Vu la requête, enregistrée le 25 avril 2014, présentée par le préfet de police qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1312868/6-1 du 14 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, annulé à la demande de MmeC..., les décisions en date du

22 août 2013 par lesquelles il a prorogé le délai de remise aux autorités polonaises et a refusé son admission au séjour au titre de l'asile ;

2°) de rejeter la demande de Mme B...veuve C...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Le préfet de police soutient :

- que c'es

t à tort que le tribunal a écarté la fin non recevoir qu'il avait opposée à la demande de Mme C.....

Vu la requête, enregistrée le 25 avril 2014, présentée par le préfet de police qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1312868/6-1 du 14 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, annulé à la demande de MmeC..., les décisions en date du

22 août 2013 par lesquelles il a prorogé le délai de remise aux autorités polonaises et a refusé son admission au séjour au titre de l'asile ;

2°) de rejeter la demande de Mme B...veuve C...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Le préfet de police soutient :

- que c'est à tort que le tribunal a écarté la fin non recevoir qu'il avait opposée à la demande de Mme C...tendant à l'annulation de la décision portant prolongation de la durée de transfert de l'intéressée vers la Pologne, alors que ce délai est automatiquement prorogé à dix huit mois lorsque l'étranger est considéré comme ayant pris la fuite, ce qui est le cas en l'espèce, et qu'il n'y a pas de décision distincte de la décision initiale de remise à l'autorité responsable de l'examen de la demande d'admission au séjour au titre de l'asile intervenue le 28 février 2013 ;

- que c'est à tort que le tribunal a considéré que l'examen de la demande d'admission au séjour présentée le 22 août 2013 était désormais de la compétence de la France, alors que le délai initial de six mois avait été prorogé du fait de la volonté manifeste de l'intéressée de se soustraire à l'exécution de la décision de remise aux autorités polonaises dont elle faisait l'objet par décision du 28 février 2013 ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 octobre 2014, présenté pour Mme C...par Me A...qui conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par le préfet de police sont infondés et demande la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu la décision du 9 octobre 2014 du bureau d'aide juridictionnelle déclarant irrecevable la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme C...;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

Vu la loi n°79-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2015:

- le rapport de Mme Stahlberger, président,

- et les conclusions de M.Boissy, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeC..., ressortissante géorgienne née en 1963, entrée en France le 11 septembre 2012, a sollicité le 12 décembre 2012 son admission au séjour au titre de l'asile ; que, la consultation du fichier Eurodac ayant fait apparaître que la demande d'asile de

Mme C...était susceptible de relever de la compétence de la Pologne, le préfet de police a saisi les autorités polonaises afin qu'elles prennent en charge l'examen de la demande de l'intéressée, ce qu'elles ont accepté le 23 janvier 2013 ; qu'en conséquence, par un arrêté du

28 février 2013, le préfet a refusé l'admission au séjour de Mme C...et lui a accordé un délai d'un mois pour quitter le territoire français, en la munissant d'un laissez-passer à cet effet ; que Mme C...s'est toutefois maintenue sur le territoire français et s'est de nouveau présentée en préfecture le 22 août 2013 afin de se voir délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile ; que, par une décision verbale du même jour, les services préfectoraux ont rejeté cette demande au motif que, le délai de transfert en Pologne ayant été porté de six à dix-huit mois, l'examen de sa demande relevait toujours de la compétence des autorités polonaises ; que le préfet de police relève appel du jugement 14 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris, saisi par l'intéressée, a annulé sa décision de porter à dix-huit mois le délai durant lequel il pouvait être procédé au transfert de Mme C...à destination de la Pologne et de la décision verbale refusant de l'admettre au séjour ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si :

1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre État en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres États (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 19 du règlement du Conseil du 18 février 2003, susvisé : "1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge d'un demandeur, l'État membre dans lequel la demande d'asile a été introduite notifie au demandeur la décision de ne pas examiner la demande, ainsi que l'obligation de le transférer vers l'État membre responsable. / (...) 3. Le transfert du demandeur de l'État membre auprès duquel la demande d'asile a été introduite vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national du premier État membre, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge (...) / L'État membre responsable informe l'État membre requérant, selon le cas, de l'arrivée à bon port du demandeur d'asile ou du fait qu'il ne s'est pas présenté dans les délais impartis ./ 4. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, la responsabilité incombe à l'État membre auprès duquel la demande d'asile a été introduite. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement du demandeur d'asile ou à dix-huit mois au maximum si le demandeur d'asile prend la fuite. (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 du règlement de la Commission du 2 septembre 2003, susvisé : " (...) 3. Lorsque, pour un des motifs visés à l'article 19, paragraphe 4, (...) du règlement (CE) n° 343/2003, un État membre entreprend de procéder au transfert après le délai normal de six mois, il lui incombe d'engager au préalable les concertations nécessaires avec l'État membre responsable. (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque le transfert du demandeur d'asile n'est pas exécuté dans le délai de six mois pour l'un des motifs visés au paragraphe 4 de l'article 19 du règlement (CE) n° 343/2003, l'État membre auprès duquel la demande d'asile à été introduite a la faculté de le proroger dans les limites d'un an ou dix-huit mois au plus, selon les cas, après avoir préalablement recueilli l'accord des autorités de l'État membre responsable ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le préfet, la prorogation de ce délai n'est pas une conséquence automatique de l'emprisonnement ou de la fuite du demandeur d'asile mais procède d'une décision de l'autorité préfectorale ; qu'une telle décision, qui a notamment pour effet d'empêcher l'admission de l'intéressé au séjour, fait grief à celui-ci, quand bien même cette admission pourrait être refusée pour un autre motif ; qu'il suit de là que les conclusions tendant à l'annulation de cette décision présentées par Mme C...étaient recevables, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif ;

5. Considérant que la notion de fuite au sens de l'article 19 du règlement précité doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative dans le but de faire obstacle à l'exécution d'une mesure d'éloignement le concernant ; que la circonstance que Mme C...n'a pas spontanément donné suite à l'invitation qui lui était faite, par l'arrêté du 28 février 2013, de quitter la France dans le délai d'un mois ne saurait suffire à caractériser un comportement de fuite ; que, si le préfet soutient que Mme C...n'a pas déféré à la convocation, qui lui avait été donnée de se présenter en préfecture le 29 avril 2013 afin de mettre à exécution son transfert vers la Pologne, le fait de s'abstenir de donner suite à cette unique convocation, en l'absence de toute autre initiative de l'administration vis-à-vis de l'intéressée, ne suffit pas à établir que Mme C...se serait intentionnellement et systématiquement soustrait à l'exécution de la mesure de réadmission dont elle faisait l'objet,;, à la date où est intervenue la décision implicite de prolongation du délai de transfert ; que, dès lors, la décision de porter le délai de réadmission à dix-huit mois et, par voie de conséquence, le refus d'admission au séjour au titre de l'asile opposé à Mme C...sont entachés d'illégalité ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions sus mentionnées et lui a fait injonction d'examiner la demande d'admission au séjour présentée par Mme C...;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Mosser, président de la formation de jugement,

Mme Stahlberger, président,

M.Chaylan, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 avril 2015.

Le rapporteur,

E. STAHLBERGERLe président,

G. MOSSER

Le greffier,

J. BOUCLY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 14PA01862


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01862
Date de la décision : 10/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MOSSER
Rapporteur ?: Mme Evelyne STAHLBERGER
Rapporteur public ?: M. BOISSY
Avocat(s) : POULY CHRISTOPHE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-04-10;14pa01862 ?
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