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04/05/2015 | FRANCE | N°14PA05052

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 04 mai 2015, 14PA05052


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions verbales par lesquelles le préfet de police, d'une part, a prolongé le délai de remise aux autorités polonaises, d'autre part, a refusé son admission provisoire au séjour au titre de l'asile.

Par un jugement n° 1400217/3-3 du 9 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2014 sous forme dématérialisée,

M. C..., représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) de saisir la Cour de justice de l'Union ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions verbales par lesquelles le préfet de police, d'une part, a prolongé le délai de remise aux autorités polonaises, d'autre part, a refusé son admission provisoire au séjour au titre de l'asile.

Par un jugement n° 1400217/3-3 du 9 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2014 sous forme dématérialisée, M. C..., représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle de savoir si le 2 de l'article 20 du règlement n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, devenu le §2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Conseil, doit être interprété en ce sens que l'Etat membre qui entend proroger le délai de transfert d'un demandeur d'asile doit notifier, dans les forme et conditions prévues à l'article 26 de ce dernier règlement, une décision écrite et motivée ;

2°) d'annuler le jugement n° 1400217/3-3 du 9 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui permettre de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande d'asile et de l'admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

-c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision préfectorale de proroger le délai de remise à l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile n'avait pas à être motivée, ni même notifiée au demandeur d'asile ;

-les décisions contestées sont entachées d'erreur d'appréciation dès lors qu'il ne peut être regardé comme ayant pris la fuite, alors surtout que la convocation qui lui a été adressée l'informait qu'il serait placé en rétention administrative ;

La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 et le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auvray ;

- et les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public.

1. Considérant que M. B... C..., de nationalité géorgienne, né le 4 septembre 1982 à Gyrjaani, a sollicité le 22 avril 2013 son admission au séjour au titre de l'asile ; qu'après avoir estimé que cette demande relevait de la compétence de la Pologne, en application de l'article 16, paragraphe 1, point c) du règlement du 18 février 2003, et avoir reçu, le 18 juin 2013, l'accord de cet Etat pour reprendre en charge l'examen de la demande d'asile formulée par l'intéressé, le préfet de police a, par arrêté du 18 juillet 2013, refusé à M. C... l'admission au séjour au titre de l'asile, muni ce dernier d'un laissez-passer européen permettant sa remise aux autorités polonaises et lui a accordé un délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire national ; que M. C...a de nouveau sollicité son admission au séjour au titre de l'asile en se présentant à la préfecture de police le 19 décembre 2013, soit plus de six mois après l'accord marqué par la Pologne pour reprendre en charge l'examen de sa demande d'asile ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 20 du règlement du Conseil du 18 février 2003 alors en vigueur : " 1. La reprise en charge d'un demandeur d'asile conformément à l'article 4, paragraphe 5, et à l'article 16, paragraphe, 1, points c), d) et e), s'effectue selon les modalités suivantes : (...) e) l'Etat membre requérant notifie au demandeur d'asile la décision relative à sa reprise en charge par l'Etat responsable. Cette décision est motivée. Elle est assortie des indications de délai relatives à la mise en oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, les informations relatives au lieu et à la date auxquels le demandeur doit se présenter s'il se rend par ses propres moyens dans l'Etat membre responsable. Cette décision est susceptible d'un recours ou d'une révision (...) Si nécessaire, le demandeur d'asile est muni par l'Etat membre requérant d'un laissez-passer conforme au modèle adopté selon la procédure visée à l'article 27, paragraphe 2 (...) 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans un délai de six mois, la responsabilité incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande d'asile a été introduite. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert ou à l'examen de la demande en raison d'un emprisonnement du demandeur d'asile ou à dix-huit mois au maximum si le demandeur d'asile prend la fuite (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 du règlement de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement du Conseil du 18 février 2003 : " 1. L'Etat membre responsable est informé sans délai de tout report du transfert dû, soit à une procédure de recours ou révision ayant un effet suspensif, soit à des circonstances matérielles telles que l'état de santé du demandeur, l'indisponibilité du moyen de transport ou le fait que le demandeur s'est soustrait à l'exécution du transfert. 2. Il incombe à l'Etat membre qui, pour un des motifs visés à l'article 19, paragraphe 4, et à l'article 20, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 343/2003, ne peut procéder au transfert dans le délai normal de six mois prévu à l'article 19, paragraphe 3, et à l'article 20, paragraphe 1, point d), dudit règlement, d'informer l'Etat responsable avant l'expiration de ce délai. A défaut, la responsabilité du traitement de la demande d'asile et les autres obligations découlant du règlement (CE) n° 343/2003 incombent à cet Etat membre conformément aux dispositions de l'article 19, paragraphe 4, et de l'article 20, paragraphe 2, dudit règlement (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etat (...) Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4° " ;

4. Considérant que M. C... soutient que le préfet de police aurait dû l'admettre au séjour à titre provisoire au titre de l'asile au terme du délai de six mois pour exécuter son transfert auprès des autorités polonaises au double motif que la décision de prolongation du délai de ce transfert, porté de six à dix-huit mois, ne lui avait pas été notifiée et n'était pas motivée et qu'il ne pouvait pas être regardé comme ayant pris la fuite au sens du règlement susvisé du 18 février 2003 ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que les autorités françaises ont informé les autorités polonaises, avant l'expiration du délai de six mois ayant couru à compter de l'acceptation par celles-ci de la réadmission de M. C...en Pologne, que le transfert ne pourrait être effectué dans ce délai ; que, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, aucune disposition du règlement du Conseil du 18 février 2003 ni, d'ailleurs, du règlement de la Commission du 2 septembre 2003, ne fait obligation aux autorités des Etats membres de notifier à l'étranger concerné la décision par laquelle elles décident de porter de six à dix-huit mois le délai de transfert d'un demandeur d'asile en application de l'article 20, paragraphe 2, de ce règlement du 18 février 2003 ; que ces autorités sont seulement tenues, en application de l'article 9-2 du règlement de la Commission du 2 septembre 2003, d'informer l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de l'impossibilité de procéder au transfert de l'intéressé avant l'expiration du délai normal de six mois ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient M. C..., le préfet de police n'avait pas l'obligation de lui notifier, ni de motiver, la décision par laquelle il a porté à dix-huit mois le délai de transfert vers la Pologne; qu'au demeurant l'intéressé indique que cette décision lui a été révélée lorsqu'il s'est présenté à la préfecture pour déposer une demande d'asile et qu'il a alors été informé que sa demande d'asile relevait toujours de la compétence des autorités polonaises du fait, précisément, de la prolongation du délai de transfert ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 20 du règlement du Conseil en date du 18 février 2003 que la décision par laquelle l'autorité administrative prévoit le transfert d'un demandeur d'asile vers l'Etat membre responsable cesse de plein droit d'être applicable, si elle n'a pas été exécutée, à l'expiration d'un délai de six mois, lequel peut être porté à dix-huit mois dans le cas où l'intéressé prend la fuite ; que la notion de fuite au sens de ce texte doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative dans le but de faire obstacle à l'exécution d'une mesure de transfert le concernant ; que le caractère intentionnel et systématique d'un tel comportement s'apprécie au regard, d'une part, des diligences accomplies par l'autorité administrative pour assurer l'exécution de la mesure de réadmission dans le délai de six mois, d'autre part, des dispositions prises par l'intéressé pour s'y conformer ; que si le fait pour l'intéressé de ne pas déférer à l'invitation de l'autorité publique de se présenter à la police de l'air et des frontières pour organiser les conditions de son départ à la suite d'un refus d'admission constitue un indice d'un tel comportement, il ne saurait suffire à établir que son auteur a pris la fuite au sens du règlement du 18 février 2003 ; que l'article 7 du règlement de la Commission du 2 septembre 2003 prévoit que le transfert d'un demandeur d'asile vers l'Etat responsable s'effectue notamment, soit à l'initiative du demandeur, une date limite étant fixée, soit sous la forme d'un départ contrôlé, le demandeur étant accompagné jusqu'à l'embarquement par un agent de l'Etat requérant, et le lieu, la date et l'heure de son arrivée étant notifiés à l'Etat responsable dans un délai préalablement convenu ; que, dans les deux cas, le demandeur d'asile est muni d'un laissez-passer lui permettant de se rendre dans l'Etat responsable et de s'identifier lorsqu'il se présente au lieu et dans le délai qui lui ont été indiqués lors de la notification de la décision relative à sa reprise en charge par l'Etat responsable ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...qui s'est vu, dès le 18 juillet 2013, remettre un laissez-passer lui permettant de rejoindre la Pologne et assigner un délai d'un mois pour quitter le territoire français par le préfet de police, n'a pris aucune disposition pour exécuter la décision de remise aux autorités polonaises jusqu'à l'expiration du délai de remise initial de six mois ; qu'il n'a fait état de quelconques difficultés pour rejoindre la Pologne ; qu'il est constant qu'il a été informé qu'en cas de non-présentation aux prochaines convocations par les services de la préfecture, l'accord initial de reprise en charge des autorités polonaises pourrait être porté à dix-huit mois ; que le préfet de police a convoqué en vain l'intéressé à deux reprises, pour le 1er octobre 2013, puis pour le 24 octobre 2013, par deux courriers dont le premier envoyé par pli recommandé avec accusé de reception a été présenté le 10 septembre 2013 à l'adresse de domiciliation communiquée par l'intéressé; qu'en outre, il est constant que c'est le 19 décembre 2013 que M. C...s'est spontanément présenté à la préfecture pour solliciter son admission provisoire au séjour au titre de l'asile, soit le lendemain de l'expiration du délai initial de six mois ; que l'intéressé, qui par ailleurs reproche à l'autorité préfectorale son manque de diligences à faire exécuter la mesure de transfert, ne peut utilement soutenir qu'il aurait été dissuadé de déférer aux convocations au motif qu'elles mentionnaient qu'il serait placé en rétention administrative en vue, précisément, d'assurer son transfert effectif vers la Pologne ; que, dans ces conditions, M. C...doit être regardé comme s'étant intentionnellement et systématiquement soustrait à l'exécution de la mesure de réadmission dont il faisait l'objet ; que c'est dès lors à bon droit que le préfet de police a regardé l'intéressé comme étant en fuite au sens des dispositions de l'article 20, paragraphe 2, du règlement du Conseil du 18 février 2003 et a, par suite, refusé une nouvelle fois de l'admettre au séjour provisoire au titre de l'asile au motif que l'examen de sa demande d'asile relevait encore des autorités polonaises à la date de la décision contestée ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin de saisir, à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne, que les conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administratif, formulées par M.C..., ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2015 à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Auvray, président-assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 4 mai 2015.

Le rapporteur,

B. AUVRAYLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA05052


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA05052
Date de la décision : 04/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : POULY CHRISTOPHE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-05-04;14pa05052 ?
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