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06/05/2015 | FRANCE | N°14PA01799

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 06 mai 2015, 14PA01799


Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2014, présentée pour Mme A...F...épouseD..., demeurant..., par Me Pouly ; Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1316546/3-3 du 8 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2013 par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, d'autre part, à ce qu'il soit fait injonction audit préfet de lui délivrer une carte de séjour " ressortissant de l'Union européenne " pour une durée de cinq ans

;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'enjoindr...

Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2014, présentée pour Mme A...F...épouseD..., demeurant..., par Me Pouly ; Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1316546/3-3 du 8 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2013 par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, d'autre part, à ce qu'il soit fait injonction audit préfet de lui délivrer une carte de séjour " ressortissant de l'Union européenne " pour une durée de cinq ans ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui renouveler sa carte de séjour " ressortissant de l'Union européenne " pour une durée de cinq ans ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme D...soutient que :

- en application de l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle a résidé régulièrement et de manière ininterrompue sur le territoire français durant les cinq dernières années, elle bénéficie d'un plein droit au séjour permanent, sans que ne puisse lui être opposée l'hypothèse qu'elle constituerait une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale français ;

- le seul fait qu'elle bénéficie de l'allocation de solidarité aux personnes âgées et de la couverture maladie universelle ne sauraient la faire regarder comme constituant une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale français ;

- la carte de séjour " ressortissant de l'Union européenne non actif " qui lui a été délivrée pour cinq années n'a pas été obtenue frauduleusement ce qui la place en situation régulière sur le territoire pendant cette période : la remise de ce document est créatrice de droit et ne peut faire l'objet d'un retrait de la part du préfet ;

- il convient de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle : " La carte de séjour délivrée en application de l'article 10 de la directive CE 2004/38 du 29 avril 2004 a-t-elle pour effet de régulariser le séjour du citoyen européen alors même que, pendant la durée de validité de ce titre, celui-ci ne remplirait plus les conditions de sa délivrance ' La possession de cette carte de séjour suffit-elle à faire regarder comme régulier le séjour du citoyen européen sur le territoire de l'Etat qui lui a délivré ' " ;

- la prise en charge financière par son fils ne fait pas obstacle au bénéfice de certaines prestations sociales : on ne peut faire grief à un ressortissant européen de bénéficier d'une aide sociale pour le priver d'un autre droit fondamental auquel il a droit comme la liberté de circulation et d'installation ;

- le préfet a commis une erreur de droit en appréciant sa situation sur le fondement de l'alinéa 2 de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non de l'alinéa 4 du même article ;

- la décision porte atteinte au respect de sa vie privée et familiale : elle méconnaît les stipulations de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que le 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2004/38/CE du Conseil du 29 avril 2004 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2015 :

- le rapport de Mme Chavrier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Pouly, avocat de MmeD... ;

1. Considérant que MmeD..., née le 9 juillet 1935, de nationalité roumaine, entrée sur le territoire français le 23 septembre 2002 selon ses déclarations, a sollicité le renouvellement de sa carte de séjour en tant que ressortissante de l'Union européenne sur le fondement des articles L. 122-1 et R. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par une décision du 7 juin 2013, le préfet de police a rejeté sa demande ; que, par un jugement en date du 8 avril 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme D... tendant à l'annulation de cette décision; que Mme D...relève régulièrement appel de ce jugement ;

2. Considérant que le droit des citoyens de l'Union européenne et de leurs familles de séjourner librement sur le territoire des Etats membres est régi par la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 ; que cette directive rappelle le principe selon lequel " le droit fondamental et personnel de séjour dans un autre Etat membre est conféré directement aux citoyens de l'Union par le traité et ne dépend pas de l'accomplissement de procédures administratives " ; qu'il s'ensuit que les titres de séjour délivrés par les Etats membres aux ressortissants communautaires, lesquels ne déterminent pas leur droit au séjour, n'ont qu'un effet déclaratif et ne sont donc pas créateurs de droits ; que la directive précise en son considérant n° 10 : " Il convient cependant d'éviter que les personnes exerçant leur droit de séjour ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil pendant une première période de séjour. L'exercice du droit de séjour des citoyens de l'Union et des membres de leur famille, pour des périodes supérieures à trois mois, devrait, dès lors, rester soumis à certaines conditions. " ;

3. Considérant que cette directive est transposée en droit interne par les dispositions des articles L. 121-1 et suivant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes de l'article L. 122-1 dudit code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant visé à l'article L. 121-1 qui a résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquiert un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français. " ; qu'aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : (...) /. 2°) S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille (...) de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) ; 4°) S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D... a obtenu trois cartes de séjour temporaires " vie privée et familiale " pour la période du 26 février 2004 au 13 août 2007 ; que du 18 juillet 2007 au 16 août 2012, elle a été dotée d'une carte de séjour portant la mention " ressortissant de l'Union européenne non actif " contre l'engagement de la prendre en charge pris par son fils de nationalité française, M. E...C..., lequel l'hébergeait et avait souscrit à son bénéfice une assurance santé ; que cette carte a été prolongée par un récépissé valable jusqu'au 5 novembre 2012 ; qu'il est constant, toutefois, qu'à compter de l'année 2008 M. C... a cessé de verser à sa mère la pension qui lui permettait de vivre sans dépendre du système social français ; qu'à partir de cette date, Mme D...a bénéficié de droit de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ainsi que de la couverture maladie universelle ;

5. Considérant, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de l'Union européenne d'une question préjudicielle, qu'il résulte des dispositions précitées de l'alinéa 2 de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont pas incompatibles avec les stipulations de la directive du 29 avril 2004, qu'un ressortissant européen ne réside régulièrement sur le territoire français au-delà d'une période de trois mois que s'il dispose d'une assurance maladie et de ressources lui permettant de subvenir à ses besoins sans être à la charge du système d'assistance sociale français ; que tel n'était plus le cas, à partir de 2008, de la requérante qui bénéficiait de prestations non contributives, sous la forme de l'allocation de solidarité aux personnes âgées et de la couverture maladie universelle ; que dans ces conditions, et, nonobstant la circonstance qu'elle avait bénéficié d'une carte de séjour en qualité de ressortissant européen, dès lors qu'ainsi que dit ci-dessus un tel titre n'est pas créateur de droit, le préfet de police pouvait à bon droit estimer qu'elle n'avait pas rempli la condition de séjour légal de cinq ans permettant, aux termes des dispositions précitées de l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'acquérir le droit au séjour permanent prévu par ces dispositions et lui refuser pour ce motif le titre qu'elle sollicitait en faisant valoir ce droit ;

6. Considérant qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le préfet de police était fondé à n'examiner la demande de Mme D...qu'au seul regard des dispositions du 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la date de sa demande de renouvellement de carte de séjour dès lors que les dispositions du 4° de cet article dont celle-ci se prévaut ne sauraient trouver à s'appliquer aux citoyens européens qui, comme c'est son cas, accompagnent ou rejoignent un ressortissant français ;

7. Considérant qu'eu égard à la situation particulière des ressortissants de l'Union européenne et du droit au séjour dont, ainsi que rappelé ci-dessus, ils disposent, la requérante ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir qu'elle se trouve placée dans une situation plus défavorable, au regard notamment de son droit au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il est protégé en application l'article 7 de la charte des droits fondamentaux, que celle des ressortissants de pays tiers qui ne bénéficient pas d'un tel droit ;

8. Considérant que, compte tenu des seuls effets qui s'attachent directement au refus de délivrer à Mme D...le titre reconnaissant un droit au séjour permanent qu'elle avait sollicité, et notamment qu'il lui est toujours possible de solliciter la délivrance d'un autre titre, cette décision n'a ni porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ni eu sur sa situation personnelle des conséquences d'une gravité dont le préfet de police aurait fait une appréciation manifestement erronée ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...F...épouse D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...F...épouse D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 5 février 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Chavrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 mai 2015.

Le rapporteur,

A-L. CHAVRIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 14PA01799


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01799
Date de la décision : 06/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Anne Laure CHAVRIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : POULY CHRISTOPHE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-05-06;14pa01799 ?
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