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06/05/2015 | FRANCE | N°14PA02485

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 06 mai 2015, 14PA02485


Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2014, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1317023/5-3 du 30 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mme D...B..., d'une part en annulant l'arrêté du 29 octobre 2013 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, en lui enjoignant de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans

un délai de trois mois, et enfin, en mettant à la charge de l'Etat la somme...

Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2014, présentée par le préfet de police ; le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1317023/5-3 du 30 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mme D...B..., d'une part en annulant l'arrêté du 29 octobre 2013 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, en lui enjoignant de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois, et enfin, en mettant à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Le préfet de police soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que son arrêté avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car si Mme B...affirme être entrée en France le 18 avril 2011, elle ne justifie ni de la date, ni de la régularité de son entrée en France et son séjour y a été constamment irrégulier ;

- ce n'est que le 8 janvier 2013 que Mme B...a sollicité auprès de la préfecture de police son admission au séjour ;

- son union avec M. B...le 18 août 2012 à Paris revêt un caractère particulièrement récent et la communauté de vie depuis 2011 n'est pas démontrée par les pièces versées au dossier ;

- la circonstance qu'elle aurait suivi des cours de français ne saurait attester ni de son intégration, ni en tout état de cause de l'intensité de ses liens familiaux en France, étant observé qu'elle n'exerce aucune activité professionnelle et qu'elle a conservé toute sa famille en Chine où résident sa mère, sa soeur et son fils, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 39 ans et où elle exerçait la profession d'infirmière ;

- Mme B...ne justifie nullement d'un enracinement en France faisant obstacle à son éloignement temporaire du territoire français, étant précisé que l'arrêté litigieux ne lui interdit aucunement de revenir régulièrement en France munie d'un visa de long séjour en qualité de conjointe de Français ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2015, présenté pour Mme B...par Me A... ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 2015, le rapport de Mme Julliard, première conseillère ;

1. Considérant que MmeB..., ressortissante chinoise, née le 19 juin 1971, est entrée en France le 18 avril 2011 selon ses déclarations et y a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, demande rejetée par décision du 29 octobre 2013 du préfet de police ; que ce dernier relève appel du jugement du 30 avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision comme entachée d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant que Mme B...soutient qu'elle est entrée en France le 18 avril 2011 et s'y est mariée le 18 août 2012 avec un ressortissant français ; que, toutefois, le mariage de Mme B... était récent à la date de l'arrêté attaqué ; que l'intéressée, arrivée en France un peu plus d'un an avant son mariage, ne saurait justifier d'une vie conjugale antérieure à celui-ci par la seule production d'une déclaration de vie commune établie le 6 octobre 2011 à la mairie du 19ème arrondissement à Paris et d'une attestation du 9 juin 2011 d'une chargée de clientèle certifiant que le nom de Mme B... avait été porté au contrat EDF souscrit par M. B... ; que, par suite, eu égard à la brièveté de sa vie conjugale à la date de la décision attaquée ainsi qu'à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressée, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que Mme B...n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère, sa soeur et son fils et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 40 ans ; que, dès lors, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant que saisie par l'effet dévolutif de l'appel, il appartient à la Cour de statuer sur l'ensemble des moyens soulevés dans le cadre de l'appel et de la première instance ;

Sur la demande de Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris :

5. Considérant que l'arrêté contesté vise les textes dont il est fait application et mentionne de manière suffisamment précise les faits qui le motivent ; qu'en particulier, il indique que l'intéressée est arrivée en France le 18 avril 2011 ; qu'il précise que Mme B...a fait l'objet d'un précédent refus de titre de séjour sur le même fondement et qu'elle a été invitée à retourner dans son pays d'origine afin de solliciter auprès des autorités consulaires françaises un visa de long séjour en qualité de conjointe de Français ; qu'il mentionne que malgré cette décision, Mme B...s'est maintenue sur le territoire français en situation irrégulière ; qu'il fait état de son mariage le 18 août 2012 avec M. B...à Paris mais précise que les documents qu'elle présente à l'appui de sa demande pour justifier d'une communauté de vie effective en France avec son conjoint ne sont ni assez probants, ni assez nombreux ; qu'ainsi, cet arrêté est suffisamment motivé au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

6. Considérant qu'aux termes du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ; qu'aux termes de l'article L. 211-2-1 dudit code : " (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. / Dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, par dérogation à l'article L. 311-1, le visa délivré pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois au conjoint d'un ressortissant français donne à son titulaire les droits attachés à la carte de séjour temporaire prévue au 4° de l'article L. 313-11 pour une durée d'un an " ;

7. Considérant que si Mme B... prétend être entrée régulièrement sur le territoire français sous couvert de son passeport revêtu d'un visa Schengen délivré par le consulat d'Italie à Bejing et valable du 12 avril 2011 au 6 mai 2011, elle n'en justifie pas par les pièces qu'elle produit ; que, par suite, elle ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant à l'étranger, marié en France à un ressortissant français et résidant en France depuis plus de six mois, en sollicitant un titre de séjour en tant que conjoint de Français, de présenter au préfet une demande de visa de long séjour ; qu'elle ne peut, par suite, soutenir qu'elle remplirait les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 29 octobre 2013 portant refus de délivrance à Mme B...d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de destination, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 30 avril 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E...épouse B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2015, à laquelle siégeaient :

M. Bouleau, premier vice-président,

M. Polizzi, président assesseur,

Mme Julliard, première conseillère,

Lu en audience publique, le 6 mai 2015.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA02485


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02485
Date de la décision : 06/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : BONTÉ SAMUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-05-06;14pa02485 ?
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