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11/06/2015 | FRANCE | N°14PA03618

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 11 juin 2015, 14PA03618


Vu la requête, enregistrée le 4 août 2014, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Berthilier, avocat ; Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400975 du 27 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2013 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au pré

fet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant l...

Vu la requête, enregistrée le 4 août 2014, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Berthilier, avocat ; Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400975 du 27 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2013 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 7° ou du 11° de l'article L. 313-11 ou de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au plus tard dans le mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou à titre subsidiaire, de saisir pour avis la commission du titre de séjour de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au plus tard dans le mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'arrêté préfectoral ne précise pas la durée prévisible de son traitement et si son état de santé lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi, ce qui laisse supposer que l'avis du médecin-chef est incomplet et que la procédure est donc irrégulière ;

- le préfet de police aurait dû saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'elle avait produit des pièces établissant la réalité de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ;

- la durée de son séjour en France, dont elle justifie, constitue un motif d'admission exceptionnelle au séjour ;

- elle ne pourrait accéder au Sénégal à un traitement médical approprié, en raison de l'éloignement des structures médicales du lieu de son domicile et du coût du traitement, en l'absence d'un système effectif de protection sociale ;

- l'arrêté préfectoral porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que son frère et sa soeur, auprès desquels elle vit maintenant depuis plus de quinze ans, résident régulièrement en France et constituent désormais sa seule famille ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2015 :

- le rapport de M. Dalle, président ;

1. Considérant que MmeB..., ressortissante sénégalaise, relève appel du jugement du 27 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 17 décembre 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis (...) à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé, pris pour l'application de ces dispositions : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " A Paris, le médecin agréé ou le médecin praticien hospitalier visé à l'article 1er adresse son rapport médical, sous pli confidentiel, au médecin désigné par le préfet de police. Celui-ci émet l'avis comportant l'ensemble des précisions mentionnées à l'article 4 ci-dessus et le transmet au préfet de police (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a pris son arrêté au vu d'un avis rendu le 27 mai 2013 par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, précisant que si l'état de santé de Mme B...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que si l'avis du 27 mai 2013 du médecin chef du service médical de la préfecture de police ne précisait pas la durée prévisible du traitement ni si l'état de santé de Mme B...lui permettait de voyager sans risque vers son pays, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 17 décembre 2013 dès lors, d'une part, que le médecin-chef de la préfecture de police n'est tenu d'indiquer la durée prévisible du traitement que dans le cas où l'intéressé ne peut suivre un traitement approprié dans son pays d'origine et qu'une telle obligation ne s'imposait donc pas en l'espèce, d'autre part, que la mention sur la possibilité pour un ressortissant étranger de voyager sans risque vers son pays d'origine n'est requise dans l'avis médical que si celui-ci fait ressortir par ailleurs des interrogations quant à la capacité de l'étranger à supporter le voyage et que tel n'était pas non plus le cas en l'espèce ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans " ;

5. Considérant que Mme B...n'établit pas, par les pièces insuffisamment probantes qu'elle verse au dossier, en particulier pour l'année 2007 et pour le premier semestre de l'année 2008, avoir résidé de manière habituelle et continue sur le territoire national depuis plus de dix ans ; que le moyen tiré du défaut de saisine préalable de la commission du titre de séjour doit dès lors être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'à la supposer même établie, la circonstance que Mme B... résiderait en France de manière continue depuis 2002 n'est pas, en tant que telle, constitutive d'un motif exceptionnel d'admission au séjour, au sens de l'article L. 313-14 précité ; que le préfet de police n'a donc pas méconnu cet article, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation, en rejetant la demande de titre de séjour présentée par Mme B...sur le fondement de ces dispositions ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que Mme B...fait valoir que souffrant d'une pathologie ophtalmologique, elle ne pourra pas effectivement bénéficier de soins dans son pays d'origine dès lors qu'ils ne sont pas dispensés dans le village dont elle est originaire et qu'en outre, ses moyens financiers sont insuffisants ; que, toutefois, les pièces qu'elle a versées au dossier ne permettent pas d'établir qu'un traitement approprié à son état ne pourrait être dispensé au Sénégal alors qu'à l'inverse, il ressort des pièces produites en première instance par le préfet de police que le Sénégal dispose de cabinets et de médecins spécialisés en ophtalmologie, ainsi que de l'équipement et des infrastructures permettant notamment de prendre en charge les pathologies ophtalmologiques relatives à la cornée, à la cataracte, au glaucome ou encore à l'oculoplastique ; que les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11, dans leur rédaction issue de la loi du 16 juin 2011, ne font pas obligation au préfet de police d'examiner l'accessibilité effective aux soins mais seulement l'existence d'une possibilité de traitement médical approprié dans le pays d'origine ; qu'en tout état de cause, Mme B...n'apporte aucune précision sur sa situation financière personnelle ; que la circonstance que le village où elle réside soit éloigné de Dakar, où se concentrent les structures médicales, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision contestée ; que, par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour au regard de son état de santé, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

9. Considérant que Mme B...invoque l'ancienneté de sa présence en France et fait valoir que ses attaches privées et familiales se situent désormais en France ; que, toutefois, elle n'établit pas, ainsi qu'il a été dit, la réalité de l'ancienneté de sa présence sur le territoire national ; qu'elle est célibataire et sans charge de famille ; qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales au Sénégal, où résident un de ses frères et une de ses soeurs et où elle a au moins vécu jusqu'à l'âge de cinquante-deux ans ; que la circonstance qu'un autre de ses frères et une autre de ses soeurs résident régulièrement en France ne suffit pas à caractériser une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... de mener une vie privée et familiale normale ; que le préfet de police n'a donc pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation familiale de MmeB..., ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Monchambert, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 11 juin 2015.

Le rapporteur,

D. DALLE Le président,

S. MONCHAMBERT

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03618


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03618
Date de la décision : 11/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SCP BERTHILIER-TAVERDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-06-11;14pa03618 ?
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