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11/06/2015 | FRANCE | N°14PA04468

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 11 juin 2015, 14PA04468


Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2014, présentée par le préfet de police qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1407539/2-2 du 29 septembre 2014 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, prises à l'encontre de M.A..., contenues dans son arrêté du 11 avril 2014 ;

2°) de rejeter les conclusions à fin d'annulation de ces décisions, présentées par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Le préfet de police sou

tient que :

- les dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjou...

Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2014, présentée par le préfet de police qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1407539/2-2 du 29 septembre 2014 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, prises à l'encontre de M.A..., contenues dans son arrêté du 11 avril 2014 ;

2°) de rejeter les conclusions à fin d'annulation de ces décisions, présentées par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Le préfet de police soutient que :

- les dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne faisaient pas obstacle à ce qu'il prenne une mesure d'éloignement à l'encontre de M. A..., mais seulement à ce qu'il exécute cette mesure avant la notification de la décision de rejet de l'OFPRA ;

- en tout état de cause, il justifie que cette décision de rejet a été notifiée à M. A...le 27décembre 2013, avant l'édiction de l'arrêté contesté ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée à M. A...qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n°52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2015 :

- le rapport de M. Dalle, président,

- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public ;

1. Considérant que M.A..., de nationalité iranienne, entré en France le 18 janvier 2010, selon ses déclarations, a sollicité le 8 octobre 2013 le réexamen de sa demande d'asile ; que, par une décision du 21 novembre 2013, le préfet de police, estimant que cette demande présentait un caractère dilatoire, a refusé de l'admettre provisoirement au séjour et l'a informé que sa demande d'asile ferait l'objet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) d'un traitement par priorité ; que par arrêté du 11 avril 2014, le préfet de police, à la suite du rejet par l'OFPRA de cette demande de réexamen, a refusé l'admission au séjour au titre de l'asile de M. A... et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que le préfet de police relève appel du jugement du 29 septembre 2014 du Tribunal administratif de Paris, en tant qu'il a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination contenues dans son arrêté du 11 avril 2014 ;

2. Considérant qu'en vertu du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile peut être refusée si " la demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente " ; qu'aux termes de l'article L. 742-5 : " Dans le cas où l'admission au séjour a été refusée pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, l'étranger qui souhaite bénéficier de l'asile peut saisir l'office de sa demande. Celle-ci est examinée dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 723-1. " ; et qu'enfin, aux termes de l'article L. 742-6 : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. / En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (...) " ;

3. Considérant que le préfet de police produit, pour la première fois en appel, la copie d'un avis de réception indiquant que le pli notifiant à M. A...la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 17 décembre 2013, par laquelle le directeur général de l'OFPRA a rejeté la demande d'asile que M. A...avait sollicitée, a été notifié au plus tard le 27 décembre 2013 ; que, dès lors, l'intéressé ne bénéficiait plus de son droit provisoire au séjour, en application des dispositions précitées de l'article L. 742-6, à la date à laquelle le préfet de police a, par l'arrêté contesté, refusé de lui accorder un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français en fixant son pays de destination ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 11 avril 2014, au motif qu'il n'était pas établi que la décision de l'OFPRA avait été notifiée à M.A... ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A...à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;

5. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 2013-01158 du 18 novembre 2013, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris n° 92 du 22 novembre 2013, le préfet de police a accordé à Mme D...C..., attachée d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, une délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions portant refus de titre de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que Mme D...C..., signataire de l'arrêté attaqué, n'aurait pas disposé d'une délégation de signature à l'effet de signer les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté préfectoral contesté mentionne l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que le requérant n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée en droit et en fait ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'à la supposer même établie, la circonstance que l'administration n'aurait pas délivré à M. A...une autorisation provisoire de séjour à la suite du jugement du 30 juin 2013 du Tribunal administratif de Montreuil, annulant une obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de l'intéressé le 21 février 2013 par le préfet de Seine-Saint-Denis, comme l'exigeaient les dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a aucune incidence sur la légalité de la décision du 21 novembre 2013 par laquelle le préfet de police, saisi le 8 octobre 2013 par M. A...d'une demande de réexamen de sa demande d'asile, a, sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4, rejeté la demande d'admission provisoire au séjour de l'intéressé ; que le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A...serait illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus d'admission provisoire au séjour du 21 novembre 2013 doit dès lors être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que, conformément aux dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution, après la décision de l'OFPRA rejetant une demande d'asile, qu'à l'encontre d'un étranger entrant dans le champ d'application du 2° au 4° de l'article L. 741-4 du même code ; qu'il incombe de ce fait au juge saisi de la contestation de la légalité d'une obligation de quitter le territoire français après la décision de l'OFPRA fondée sur le 4° de cet article, de s'assurer que l'étranger entre bien dans le cas visé par ces dispositions ;

9. Considérant que M. A...a présenté sa demande de réexamen trois ans après sa demande initiale, en produisant des éléments nouveaux, en particulier des lettres de son frère et de sa soeur datées des 8 mai et 5 juillet 2013, faisant état d'une perquisition à son domicile iranien et de harcèlements et de menaces téléphoniques ; que ces éléments, toutefois, ne présentent pas un caractère de vraisemblance suffisant et ont d'ailleurs été écartés par l'OFPRA dans sa décision du 17 décembre 2013 ; que dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de police, après examen de la situation de l'intéressé, a pu légalement refuser l'admission provisoire au séjour de M. A... au motif que sa demande de réexamen constituait un recours abusif aux procédures d'asile et un moyen de faire échec à une mesure d'éloignement au sens du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus, que, le préfet de police justifiant de la notification effective de la décision de l'OFPRA du 17 décembre 2013, rejetant la demande de réexamen de la demande d'asile de M.A..., le droit provisoire au séjour de celui-ci était expiré et le préfet était en droit, par l'arrêté attaqué, tant de rejeter la demande d'admission au séjour au titre de l'asile présentée par l'intéressé que de l'obliger à quitter le territoire français ; que le moyen invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire, tiré de l'exception d'illégalité du refus de séjour, ne peut donc qu'être écarté ;

11. Considérant, en sixième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées " ;

12. Considérant que, pour les motifs exposés au point 9 ci-dessus, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu les stipulations et dispositions précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en fixant l'Iran comme pays de destination doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 avril 2014, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire et en tant qu'il fixe le pays de destination ; que, par suite et dans cette mesure, ce jugement doit-être annulé et les conclusions présentées par M. A...devant ce tribunal, tendant à l'annulation desdites décisions, doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n°1407539 /2-2 du 29 septembre 2014 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris, tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination, contenues dans l'arrêté du préfet de police du 11 avril 2014, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2015, laquelle siégeaient :

- Mme Monchambert, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 11 juin 2015.

Le rapporteur,

D. DALLE Le président,

S. MONCHAMBERT

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA04468


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04468
Date de la décision : 11/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : CECEN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-06-11;14pa04468 ?
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