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26/06/2015 | FRANCE | N°15PA00632

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 26 juin 2015, 15PA00632


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première demande, M. C...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 10 décembre 2013 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et a ordonné sa remise aux autorités espagnoles, et, d'autre part, d'enjoindre à celui-ci de lui délivrer un titre de séjour durant l'examen de sa demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;

Par une seconde demande, M. C...a demandé au Tribun

al administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 5 août 2014 par l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première demande, M. C...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 10 décembre 2013 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et a ordonné sa remise aux autorités espagnoles, et, d'autre part, d'enjoindre à celui-ci de lui délivrer un titre de séjour durant l'examen de sa demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;

Par une seconde demande, M. C...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 5 août 2014 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, et, d'autre part, d'enjoindre à celui-ci de lui délivrer un titre de séjour durant l'examen de sa demande par l'OFPRA ;

Par un jugement n°s1401498 et 1419506 du 10 février 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 février 2015, M.C..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 février 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 5 août 2014 par laquelle le préfet de police a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de l'admettre au séjour au titre de l'asile durant l'examen de sa demande par l'OFPRA et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les dispositions des articles R. 741-1 et R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été respectées ; à supposer même qu'il parle la langue française, le préfet n'a pas été mesure de démontrer qu'il avait reçu l'ensemble des informations portant sur ses droits et obligations ;

- la décision attaquée a méconnu les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet de police a commis une erreur de droit et un détournement de pouvoir en faisant application des dispositions de l'article L. 741-4-4° du même code.

La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

- le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Sirinelli a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.C..., ressortissant malien né en 1981, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; que, par un arrêté en date du 10 décembre 2013, le préfet de police a opposé un refus à sa demande et a ordonné sa remise aux autorités espagnoles ; qu'après une nouvelle demande d'admission au séjour au titre de l'asile présentée par M.C..., le préfet de police lui a, par un arrêté du 5 août 2014, à nouveau refusé la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement de l'article L. 741-4-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. C...relève appel du jugement du 10 février 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés, et réitère, devant la Cour, ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 5 août 2014 ;

2. Considérant, en premier lieu, que M. C...soutient qu'il n'a pas bénéficié, lors du dépôt de sa demande d'admission au séjour au titre du réexamen de sa demande d'asile, de la garantie d'information prévue par les dispositions de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 aux termes desquelles : " En ce qui concerne les procédures prévues au chapitre III, les États membres veillent à ce que tous les demandeurs d'asile bénéficient des garanties suivantes : a) ils sont informés, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations au cours de la procédure ainsi que des conséquences que pourrait avoir le non-respect de leurs obligations ou le refus de coopérer avec les autorités (...) ", ainsi que par les dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévoyant que : " (...) L'indication des pièces à fournir par l'étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application du présent article est portée à sa connaissance par les services de la préfecture. Ces derniers remettent alors à l'étranger un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter eu égard aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que sur les organisations qui assurent une assistance juridique spécifique et celles susceptibles de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil dont il peut bénéficier, y compris les soins médicaux. Cette information se fait dans une langue dont il est raisonnable de penser que le demandeur d'asile la comprend. " ;

3. Considérant qu'eu égard à l'objet de la garantie prévue par l'article 10 de la directive précitée, l'information faite aux demandeurs d'asile sur leurs droits et obligations, sur les organisations susceptibles de leur procurer une assistance juridique, de les aider ou de les informer sur les conditions d'accueil qui peuvent leur être proposées, doit intervenir au début de la procédure de demande d'asile, ainsi que le prévoit l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, dans le respect notamment des délais prévus ; que si le défaut de remise de ce document à ce stade est ainsi de nature à faire obstacle au déclenchement du délai de vingt et un jours prévu par l'article R. 723-1 pour saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, en revanche, il ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours mettant en cause la légalité d'un refus d'admission au séjour ; qu'il en résulte que ce moyen est sans incidence sur la légalité du refus d'admission au séjour litigieux ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; / b) le droit d'accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires ; / c) l'obligation pour l'administration de motiver ses décisions " ;

5. Considérant que lorsqu'il refuse l'admission au séjour au titre de l'asile sur le fondement de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont notamment issues de la transposition en droit national du règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement qu'informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;

6. Considérant qu'en l'espèce, M.C..., qui invoquait devant le tribunal la violation des dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, peut être regardé comme ayant plus largement invoqué l'atteinte portée au respect du droit à une bonne administration résultant du fait qu'il n'a pas été entendu avant l'édiction de la décision de refus d'admission au séjour prise à son encontre ; qu'à supposer qu'il ait entendu soulever également ce moyen devant la Cour, par la référence générale qu'il fait à ses écritures de première instance, il ressort, toutefois, des pièces du dossier qu'il a été mis à même, dans le cadre de sa demande d'admission au séjour, de porter à la connaissance de l'administration l'ensemble des informations relatives à sa situation personnelle dont il souhaitait se prévaloir ; qu'il n'est pas établi qu'il disposait d'autres informations qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance des services de la préfecture avant que ne soit prise à son encontre la décision qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées en temps utile, auraient été de nature à influer le sens de cette décision ; que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit, dès lors, être écarté ;

7. Considérant, en dernier lieu, que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, selon le 1° de cet article, l'admission en France peut être refusée si l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ; qu'en vertu du 4° du même article, l'admission en France peut être refusée si la demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente ; qu'en vertu de l'article L. 742-6 du même code, l'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés au 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet, aucune mesure d'éloignement ne pouvant être mise à exécution avant cette décision ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., de nationalité malienne, entré en France en 2013, selon ses déclarations, a déposé une demande d'admission au séjour au titre de l'asile le 3 octobre 2013, sans indiquer avoir préalablement déposé une demande d'asile dans un autre pays de l'Union européenne ; que, toutefois, les services de la préfecture de police, ayant procédé à une vérification sur le fichier Eurodac des demandeurs d'asile, ont pu constater que M. C...avait déjà introduit une demande d'asile en Espagne ; que les autorités espagnoles ont accepté la demande de la France visant à la réadmission de l'intéressé, le 15 novembre 2013 ; que le préfet de police a refusé l'admission au séjour de l'intéressé le 10 décembre 2013 et assorti ce refus d'une décision de remise aux autorités espagnoles, accompagnée d'un laissez-passer, invitant M. C...à regagner l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile ; que le requérant a alors été reçu à deux reprises, le 10 décembre et le 17 décembre 2013, par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et s'est vu proposer une aide au transfert volontaire vers l'Espagne, qu'il a refusée ; qu'il s'est, par la suite, abstenu de prendre la moindre disposition pour se conformer aux décisions prises à son endroit et s'est maintenu en France jusqu'à l'expiration du délai de six mois prévu par le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; qu'il a formé ensuite une nouvelle demande d'admission au séjour, le 16 mai 2014, qui a été rejetée le 5 août 2014 ; qu'eu égard à l'ensemble de ces circonstances, c'est à bon droit que le tribunal a pu juger que les demandes successives formées par M.C..., dans les conditions dans lesquelles elles avaient été présentées et compte tenu du comportement manifesté par l'intéressé, révélaient un recours abusif aux procédures d'asile ; qu'ainsi, c'est sans commettre d'erreur de droit ou de détournement de pouvoir que le préfet de police a estimé que la situation de l'intéressé relevait d'un des cas mentionnés au 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans lesquels le préfet peut refuser d'admettre au séjour un étranger durant l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides saisi selon la procédure prioritaire ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Auvray, président assesseur,

- Mme Sirinelli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 juin 2015.

Le rapporteur,

M. SIRINELLILe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERANDLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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15PA00632


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00632
Date de la décision : 26/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie SIRINELLI
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : POULY CHRISTOPHE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-06-26;15pa00632 ?
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