La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2015 | FRANCE | N°14PA01175

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 09 juillet 2015, 14PA01175


Vu la requête enregistrée le 12 mars 2014, présentée pour la province Nord de Nouvelle-Calédonie, dont le siège est BP 41 à Kone (98860), par la SCP Roux-Lang-Cheymol-Canizares-le Fraper du Hellen-A..., avocats ;

La province Nord de Nouvelle-Calédonie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300137 du 12 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé, à la demande de M. D...B..., de la décision du 4 avril 2013 par laquelle le président de l'assemblée de la province Nord de Nouvelle-Calédonie a infligé à M.B..., ing

nieur de 1er grade des personnels techniques de Nouvelle-Calédonie, la sanction ...

Vu la requête enregistrée le 12 mars 2014, présentée pour la province Nord de Nouvelle-Calédonie, dont le siège est BP 41 à Kone (98860), par la SCP Roux-Lang-Cheymol-Canizares-le Fraper du Hellen-A..., avocats ;

La province Nord de Nouvelle-Calédonie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300137 du 12 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé, à la demande de M. D...B..., de la décision du 4 avril 2013 par laquelle le président de l'assemblée de la province Nord de Nouvelle-Calédonie a infligé à M.B..., ingénieur de 1er grade des personnels techniques de Nouvelle-Calédonie, la sanction disciplinaire de blâme ;

2°) de rejeter la demande de M.B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est entaché d'une insuffisance de motivation faute d'indiquer en quoi la province n'était pas en droit, du fait de l'intervention d'une sanction intermédiaire, de prendre une nouvelle sanction en remplacement d'une première sanction annulée en la forme ;

- la motivation du jugement attaqué contredit radicalement celle du jugement n° 1300032 du même jour rendu dans des affaires connexes entre les mêmes parties qui relevait que l'arrêté du 5 novembre 2012 infligeant à M. B...une exclusion temporaire de fonctions de quatre mois concernait des faits différents, postérieurs à ceux sanctionnés par un blâme alors que ces deux décisions portent une appréciation sur les mêmes faits ;

- le principe " non bis in idem " n'a pas été méconnu dès lors qu'il ne fait pas obstacle au prononcé de deux sanctions successives concernant des faits différents ;

- aucun des autres moyens d'annulation soulevés en première instance par M. B...n'est fondé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 août 2014, présenté pour M. D...B...par MeC..., qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la province Nord de Nouvelle-Calédonie sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requérante n'est fondé ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'une insuffisance de motivation en fait et en droit ;

- l'arrêté litigieux ne vise pas de proposition de sanction ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ou ne présentaient aucun caractère fautif ;

- les griefs qui lui sont faits résultent d'une attitude de harcèlement de la part de son supérieur hiérarchique direct ;

- l'arrêté litigieux méconnaît le principe selon lequel nul ne peut être sanctionné à deux reprises pour les mêmes faits ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 avril 2015, présenté pour la province nord de Nouvelle-Calédonie, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

Vu la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

Vu l'arrêté modifié n° 1065 du 22 août 1953 portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux ;

Vu la délibération n° 81 du 24 juillet 1990 portant droits et obligations des fonctionnaires territoriaux ;

Vu la délibération n° 73/CP du 12 février 2009, portant statut particulier des personnels techniques de la Nouvelle-Calédonie ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 2015 :

- le rapport de Mme Notarianni, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la province Nord de Nouvelle-Calédonie ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.B..., ingénieur de premier grade relevant du statut particulier des personnels techniques de la Nouvelle-Calédonie, a été détaché auprès des services de la direction du développement économique et de l'environnement (DDE-E) de la province Nord de Nouvelle-Calédonie et affecté, en janvier 2008, au poste d'ingénieur agricole de l'Antenne Ouest (Pouembout) avec pour mission l'animation des filières céréales et grandes cultures et l'appui technique aux éleveurs bovins ; que, par arrêté du 31 mai 2012, le président de l'assemblée de la province Nord a infligé à M. B... un blâme, lequel a été annulé en la forme pour défaut de motivation par un jugement du 24 février 2013 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie devenu définitif ; qu'à la suite de l'infliction de ce premier blâme, estimant que M. B... avait persisté dans un comportement fautif, le président de l'assemblée de la province Nord lui a, par un arrêté du 5 novembre 2012, infligé une sanction d'exclusion de fonctions d'une durée de quatre mois ; que le recours en excès de pouvoir formé par M. B...contre cette décision a été rejeté par un jugement du 12 décembre 2013 devenu définitif ; qu'enfin, par un arrêté du 14 avril 2013, le président de l'assemblée de la province Nord a infligé un blâme à M.B... ; que cette dernière décision a été annulée au fond pour violation du principe non bis in idem par le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie par un jugement n° 1300137 du même jour dont la province Nord de Nouvelle-Calédonie relève appel ;

Sur le bien-fondé :

2. Considérant que la province Nord soutient que les premiers juges auraient retenu à tort que le blâme infligé le 14 avril 2013 visait à sanctionner les mêmes faits que la décision d'exclusion temporaire de fonction prise le 5 novembre 2012 alors qu'il avait pour seul objet de se substituer à un précédent blâme infligé le 31 mai 2012 annulé en la forme pour défaut de motivation par le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et qu'il avait pour objet de sanctionner uniquement des faits antérieurs à ceux pris en compte par la sanction d'exclusion temporaire de fonctions ;

3. Considérant qu'à l'exception du rappel à l'ordre du 28 janvier 2011 dont la province Nord ne justifie pas l'existence, laquelle est contestée par M.B..., les faits reprochés à ce dernier dans la motivation du blâme litigieux du 14 avril 2013 ne comportent aucune précision permettant d'identifier la période concernée par les faits ainsi sanctionnés, ni au demeurant, ne précisent que cette sanction vient se substituer à celle du 31 mai 2012 annulée en la forme ; que, toutefois, l'arrêté en litige mentionne expressément dans ses visas le jugement susmentionné du 24 février 2013 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie qui prononce l'annulation du blâme infligé le 31 mai 2012, et précise que M. B...a consulté son dossier administratif le 17 avril 2012, ce qui correspond à la date à laquelle la formalité a été accomplie dans le cadre de la procédure disciplinaire initiale ; que, dans ces conditions, le blâme infligé le 14 avril 2013 doit être regardé comme ayant été substitué au blâme infligé le 31 mai 2012 annulé en la forme ; qu'il s'ensuit que le tribunal administratif ne pouvait estimer que la province Nord de Nouvelle-Calédonie avait méconnu le principe non bis in idem selon lequel deux sanctions de même nature ne peuvent être prises pour sanctionner les mêmes faits, en tenant compte de la sanction infligée le 5 novembre 2012 ;

4. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et devant la Cour à l'encontre de l'arrêté du 14 avril 2003 lui infligeant un blâme ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 58 de l'arrêté susvisé n° 1065 du 22 août 1953 portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux : " L'avertissement et le blâme sont prononcés par décision motivée de l'autorité de la collectivité ou de l'établissement qui les emploie, sur proposition du chef de service (...) " ; qu'il ressort toutefois des pièces produites par la province Nord devant le tribunal administratif que, par une lettre de demande de sanction disciplinaire datée du 15 novembre 2011, le directeur du développement économique et de l'environnement, chef de service de M.B..., a saisi le directeur des ressources humaines du secrétariat général de la Province Nord d'une demande de sanction à l'encontre de M.B..., en proposant l'avertissement administratif ; que cette lettre doit être regardée comme la proposition du chef de service mentionnée par les dispositions précitées de l'article 58 du même arrêté, sans qu'il importe que la sanction ainsi proposée se limite à un avertissement ; qu'il s'ensuit que le moyen pris de ce que la province Nord de Nouvelle-Calédonie n'établit pas que le blâme litigieux a été infligé sur proposition du chef de service de M. B...doit être écarté comme manquant en fait ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'en application des dispositions précitées de l'article 58 de l'arrêté du 22 août 1953 la sanction disciplinaire de blâme est prononcée par une décision motivée ; que, d'une part, la décision litigieuse était suffisamment motivée en fait, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5, dès lors que la nature des faits reprochés était précisée et que la mention dans les visas de cette décision du jugement du 14 février 2013 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et de la consultation par M. B...de son dossier administratif le 17 avril 2012 permettait d'identifier la période concernée par ces griefs et mettait M. B...en mesure de comprendre que ledit blâme se substituait au blâme du 31 mai 2012 annulé en la forme par le jugement susmentionné ; que, d'autre part, l'arrêté litigieux était suffisamment motivé en droit dès lors qu'il comportait le visa des textes appliqués et notamment celui de l'arrêté modifié n° 1065 du 22 août 1953 portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux et que, contrairement à ce que soutient M.B..., il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article 58 de l'arrêté du 22 août 1953 que cette décision devait à peine d'irrégularité viser la proposition de sanction émise par le chef de service ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 56 de l'arrêté susmentionné du 22 août 1953 : " Les sanctions disciplinaires sont : / a) l'avertissement, / b) le blâme (...) " ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la faute ;

8. Considérant que le blâme infligé à M. B...est motivé par la circonstance qu'il n'aurait pas fait toutes les diligences nécessaires pour instruire les dossiers de demande d'aides au développement économique dont il avait la charge en sa qualité d'ingénieur et ce, malgré les directives données par son autorité hiérarchique, par des manquements à ses obligations professionnelles se caractérisant d'une part, par l'inobservation des instructions de ses supérieurs et des faits d'insubordination en refusant de se conformer aux missions définies dans sa fiche de poste, en ne tenant pas compte d'un rappel à l'ordre effectué le vendredi 28 janvier, en persistant dans une attitude défiante vis-à-vis de sa hiérarchie et d'autre part, par la méconnaissance de son devoir de discrétion professionnelle pour avoir évoqué auprès d'une personne extérieure à la collectivité, la gestion interne du service ; qu'à l'exception du rappel à l'ordre, la matérialité des faits reprochés à M. B...est établie par les pièces du dossier ; que les faits dont la matérialité est ainsi établie sont constitutifs de fautes de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire ; qu'à supposer même que les faits en cause résultent ainsi qu'il le soutient d'un comportement de harcèlement moral de son supérieur hiérarchique, il n'en justifie pas ; que, dans ces conditions, le président de la province Nord de Nouvelle-Calédonie a pu, sans entacher sa décision d'une d'erreur d'appréciation, légalement infliger un blâme à M. B...à raison des faits susmentionnés ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la province Nord de Nouvelle-Calédonie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision du 14 avril 2013 de son président infligeant un blâme à M.B... ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la province Nord de Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que la province Nord de Nouvelle-Calédonie demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B...une somme sur le fondement des mêmes dispositions ;

Sur les dépens :

11. Considérant qu'aucune circonstance particulière ne justifie qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. B...sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1300137 du 12 décembre 2013 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.

Article 2 : La demande de M. B...devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie tendant à l'annulation de la décision du 4 avril 2013 par laquelle le président de l'assemblée de la province Nord de Nouvelle-Calédonie lui a infligé la sanction disciplinaire de blâme est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la Province Nord de Nouvelle-Calédonie et les conclusions de M. B...sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Province Nord de Nouvelle-Calédonie et à M. D...B....

Délibéré après l'audience du 25 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Monchambert, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 juillet 2015.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNILe président,

S. MONCHAMBERT

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 14PA01175


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01175
Date de la décision : 09/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : CABINET NEMIS PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-07-09;14pa01175 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award