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18/11/2015 | FRANCE | N°15PA01065

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 18 novembre 2015, 15PA01065


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

- d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2013, par lequel le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français ;

- d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'une semaine à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation administrative et de lui délivrer dans l'attente une au

torisation provisoire de séjour ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

- d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2013, par lequel le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français ;

- d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'une semaine à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation administrative et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative .

Par un jugement n° 1400681/7-1 du 12 janvier 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 mars 2015, M.C..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 12 janvier 2015 ;

2°) d'annuler les décisions du 24 décembre 2013 par lesquelles le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a prononcé son expulsion du territoire ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'une semaine à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il entre dans le cas prévu par les dispositions du 4° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police s'est fondé sur les seules condamnations pénales et n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;

- son expulsion ne constitue pas une nécessité impérieuse au sens de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- seuls des comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes peuvent justifier l'expulsion de personnes entrant dans un des cas prévus par les dispositions de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le seul fait d'avoir été condamné ne permet pas de conclure à l'existence d'une menace pour l'ordre public ;

- il ne peut envisager de réinsertion professionnelle tant qu'il ne dispose pas d'un titre de séjour l'autorisant à travailler ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La présente requête a été dispensée d'instruction en application des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

1. Considérant que M.C..., de nationalité marocaine, a été condamné par le Tribunal correctionnel de Paris le 29 novembre 2002 à deux mois d'emprisonnement avec sursis, révoqué, pour vol en réunion, le 24 septembre 2004 à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, révoqué, pour violence avec usage ou menace d'une arme, le 27 janvier 2005 à deux cents euros d'amende pour usage illicite de stupéfiants, le 3 février 2005 à trois mois d'emprisonnement avec sursis, révoqué, pour offre ou cession et détention non autorisées de stupéfiants, le 2 juin 2005 à mille euros d'amende pour usage illicite de stupéfiants, le 11 janvier 2006 à trois mois d'emprisonnement pour détention non autorisée et usage illicite de stupéfiants en récidive et le 1er mars 2006 à un an et six mois d'emprisonnement pour offre ou cession, détention, transport et acquisition non autorisés de stupéfiants et détention de marchandise réputée importée en contrebande ; qu'il a également été condamné par la chambre des appels correctionnels de Paris le 7 juillet 2008 à un an d'emprisonnement pour détention, offre ou cession et acquisition non autorisées de stupéfiants et usage illicite, puis par le tribunal correctionnel de Paris le 22 juin 2011 à quatre mois d'emprisonnement pour conduite d'un véhicule sans permis, refus de se soumettre à des analyses ou examens en vue d'établir l'usage de stupéfiants et usage illicite de stupéfiants et le 19 janvier 2012 à deux ans d'emprisonnement pour transport, détention, offre ou cession, acquisition, emploi et importation non autorisés de stupéfiants et trafic en récidive ; qu'après avis favorable de la commission spéciale d'expulsion du 12 novembre 2013, le préfet de police a prononcé l'expulsion de M. C...du territoire français, par arrêté du 24 décembre 2013, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. C...fait appel du jugement du 12 janvier 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant que le préfet de police a fondé l'arrêté attaqué sur les dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes duquel " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle :(...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " ; (...)/ Par dérogation aux dispositions du présent article, l'étranger visé aux 1° à 5° peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application de l'article L. 521-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans. " ; que si

M. C...soutient qu'il est entré en France en 2000 à l'âge de 17 ans, qu'il justifie de quinze années de présence sur 1e territoire et qu'il n'a jamais été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans, il n'établit ni même n'allègue devant la Cour qu'il résidait en France régulièrement depuis plus de 10 ans ; qu'il ne saurait donc être regardé comme entrant dans le cas prévu par les dispositions précitées du 4° de l'article L. 521-2 dudit code ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que son expulsion ne constituait pas une nécessité impérieuse au sens de cet article ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;/2° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; /3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins quatre ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger relevant du 1°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage ;/4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; /5° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé./Les dispositions du présent article ne sont toutefois pas applicables à l'étranger mentionné au 3° ou au 4° ci-dessus lorsque les faits à l'origine de la mesure d'expulsion ont été commis à l'encontre de son conjoint ou de ses enfants ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale./Les étrangers mentionnés au présent article bénéficient de ses dispositions même s'ils se trouvent dans la situation prévue au dernier alinéa de l'article L. 521-2. " que si M. C...soutient que seuls des comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes peuvent justifier l'expulsion d'une personne entrant dans un des cas prévus par les dispositions de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'établit ni même allègue précisément entrer dans l'un de ces cas ;

5. Considérant, en troisième lieu, que si M. C...soutient qu'il est entré en France en 2000 à l'âge de 17 ans, il ressort des pièces du dossier qu'il a adopté un comportement de délinquance habituelle tout au long de sa vie d'adulte et a notamment été condamné à trois reprises à des peines conséquentes pour des faits de trafic de stupéfiants ; que, compte tenu de son caractère de délinquant multirécidiviste et de la gravité de certains des faits commis, le préfet de police, qui a examiné l'ensemble du comportement et de la situation du requérant, n'a commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation en estimant que la présence de M. C...sur le territoire français constituait, à la date de l'arrêté attaqué, une menace grave pour l'ordre public ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que si M. C...soutient qu'il est entré en France en 2000 à l'âge de 17 ans dans le cadre d'un regroupement familial, que ses parents et sa fratrie résident en France, que sa soeur est de nationalité française, qu'il entend s'insérer socialement et professionnellement et que seul le défaut de titre de séjour rend difficile son insertion professionnelle, il est constant qu'il est célibataire et sans charges de famille ; qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il s'est rendu, ainsi qu'en atteste son passeport ; que le séjour en France de

M. C...s'est pour une grande partie déroulé en prison, compte tenu de la multiplicité de ses actes de délinquance ; que, dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions du séjour du requérant en France et de la menace grave pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire français, le préfet de police n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis par l'arrêté attaqué; que le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que sa requête devant la Cour doit, dès lors, être rejetée, en toutes ses conclusions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Brotons, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 18 novembre 2015.

Le rapporteur,

M. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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N° 15PA01065


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01065
Date de la décision : 18/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : NESSAH

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-11-18;15pa01065 ?
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