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07/12/2015 | FRANCE | N°14PA03471

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 07 décembre 2015, 14PA03471


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 629 574,34 euros en réparation du préjudice financier, matériel et moral résultant de l'illégalité de la décision du 13 juin 2006 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a invité à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1307191/3-1 du 1er avril 2014, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à v

erser à M. B...la somme de 4 000 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 629 574,34 euros en réparation du préjudice financier, matériel et moral résultant de l'illégalité de la décision du 13 juin 2006 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a invité à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1307191/3-1 du 1er avril 2014, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. B...la somme de 4 000 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 août 2014, M.B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1307191/3-1 du 1er avril 2014 en tant que le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à lui verser une somme de 4 000 euros ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 577 673,34, augmentée des intérêts à taux légal, à compter du 22 mars 2013, date de réception de sa demande préalable, en réparation des préjudices subis ;

3°) de désigner un expert afin qu'il détermine le chef de préjudice psychologique et en propose un chiffrage ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour du 13 juin 2006 est entachée d'une illégalité constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- le tribunal a, à tort, considéré qu'il avait entendu solliciter une indemnisation au titre de la période courant du 13 juin 2006 jusqu'en 2012 ;

- il justifie d'une perte de chance sérieuse d'occuper un emploi salarié en rapport avec ses compétences professionnelles, préjudice évalué à la somme de 454 574,34 euros ;

- il justifie d'un préjudice psychologique chiffré provisoirement, sous réserve des résultats de l'expertise psychiatrique sollicitée, à la somme de 30 000 euros ;

- il justifie d'un préjudice moral à concurrence de la somme de 25 000 euros ;

- il justifie d'un préjudice d'agrément à concurrence de la somme de 15 000 euros ;

- le tribunal a inexactement apprécié la portée de ses demandes telles que formulées dans son mémoire récapitulatif au titre des préjudices psychologique, moral et d'agrément ;

- il justifie d'une perte de chance de demander en justice et d'obtenir la condamnation de trois agents publics dans le cadre d'une affaire d'agression et de vols à hauteur de la somme de 53 099 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2015, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 19 juin 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...relève appel du jugement n° 1307191/3-1 du 1er avril 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à l'indemniser des préjudices subis résultant de l'illégalité entachant le refus de titre de séjour dont il a fait l'objet le 13 juin 2006 à concurrence de la somme de 4 000 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient M. B...en appel, le jugement est suffisamment motivé quant à l'évaluation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence dès lors que les premiers juges ont déclaré faire une " juste appréciation " laquelle n'implique aucun calcul précis du préjudice indemnisé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Si la responsabilité de l'Etat, qui n'est pas contestée, est susceptible d'être engagée sur le fondement de la faute, en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour du 13 juin 2006, M.B..., en sa qualité de victime du dommage allégué causé par la faute de l'administration ne peut prétendre qu'à l'indemnisation des préjudices en lien avec l'illégalité fautive pour la période courant du 13 juin 2006 au 1er avril 2010 ainsi que l'a jugé le tribunal administratif.

En ce qui concerne le préjudice matériel :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.B..., titulaire de plusieurs autorisations provisoire de séjour ainsi que d'un récépissé de dépôt d'une demande de titre de séjour pour la période courant du 7 juillet 2004 au 20 décembre 2005, s'est inscrit, le 14 septembre 2004, au Répertoire national des entreprises et de leurs établissements sous le code A.P.E. " 923 A Activités artistiques ". Il résulte, également, de l'instruction qu'il est diplômé de l'université de l'automobile et de la chaussée de Moscou et qu'il a suivi, en 1997, avec assiduité, les enseignements du D.E.A. " Solides, structures et systèmes mécaniques " de l'université Paris 6. Toutefois, et contrairement à ce que soutient M.B..., ces circonstances ne sont pas suffisantes pour caractériser la perte de chance de travailler qu'il invoque sur la période pendant laquelle il a été privé d'un titre de séjour. En effet, il ne résulte pas de l'instruction que son inscription au Répertoire national des entreprises et de leurs établissements ait été suivie d'une activité réelle et effective. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que M. B...ait justifié avoir effectivement ou avoir été sur le point d'exercer une activité antérieurement à la date à laquelle lui a été opposé le refus illégal de titre de séjour à défaut d'avoir produit une promesse d'embauche ou un contrat de travail. En outre, M. B...a indiqué, tant devant les premiers juges que devant la Cour de céans, que depuis son agression en 2005, il était dans l'incapacité d'exercer une activité professionnelle. Par suite, les conclusions aux fins d'indemnisation au titre du préjudice matériel ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :

5. D'une part, et contrairement à ce que soutient M.B..., le tribunal n'a pas, en procédant à une " juste évaluation " de ce chef de préjudice, inexactement apprécié la portée des demandes dont il avait été saisi compte tenu des écritures de l'intéressé devant lui.

6. D'autre part, et en l'absence d'éléments nouveaux produits par M. B...devant la Cour, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une évaluation insuffisante du préjudice moral et de l'ensemble des troubles dans les conditions d'existence en prenant en considération les conditions de séjour de l'intéressé sur la période pendant laquelle il a été privé de son titre de séjour, en le fixant à 4 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice d'entrave à l'exercice du droit d'ester en justice :

7. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, qui ont relevé que, d'une part, en dépit de sa situation irrégulière, M. B...qui s'était constitué partie civile dans une affaire d'agression et de vols, pouvait bénéficier à ce titre de l'aide juridictionnelle en dépit de la décision lui refusant le séjour et qu'il lui appartenait de former appel de la décision de refus d'octroi de l'aide juridictionnelle et, d'autre part, qu'il n'existait aucun lien de causalité entre le préjudice éventuellement subi par le requérant à raison de cette décision de refus de l'aide juridictionnelle et la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, de rejeter les conclusions relatives à ce chef de préjudice.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de procéder à la désignation d'un expert, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 décembre 2015.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03471


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03471
Date de la décision : 07/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Motifs.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : MARIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-07;14pa03471 ?
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