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15/12/2015 | FRANCE | N°15PA02416

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 15 décembre 2015, 15PA02416


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 7 février 2014 par lequel le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit.

Par un jugement n° 1402238/4 du 21 mai 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2015, et u

n mémoire, enregistré le 17 juillet 2015, M. E..., représenté par Me G..., demande à la Cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 7 février 2014 par lequel le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit.

Par un jugement n° 1402238/4 du 21 mai 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2015, et un mémoire, enregistré le 17 juillet 2015, M. E..., représenté par Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402238/4 du 21 mai 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté de délégation de signature ne lui a pas été communiqué en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- l'auteur de la décision était incompétent ;

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions des articles L. 313-14 et

L. 313-11, 7°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa présence est nécessaire en France auprès de sa fille malade, qu'il n'a plus de lien avec son pays d'origine et qu'il justifie d'une présence ancienne sur le territoire français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ses attaches familiales se trouvent actuellement exclusivement en France.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.E..., ressortissant marocain né le 4 janvier 1963 et entré en France le 10 août 2001 selon ses déclarations, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour auprès du sous-préfet de l'Haÿ-les-Roses le 6 juin 2013 ; que, par un arrêté du 7 février 2014, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois en fixant le pays de destination ; que M. E... relève régulièrement appel du jugement du 21 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que M. E...soutient que le jugement par lequel les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2014 aurait été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors que, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté, ce jugement se réfère à un arrêté n° 2013/402 portant délégation de signature du 5 février 2013 sans que cet arrêté ait fait l'objet d'une communication contradictoire ; que, toutefois, dès lors que, comme le relève expressément le jugement, l'arrêté du 5 février 2013 avait été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 6 février 2013, et eu égard au caractère réglementaire de cet acte, les premiers juges n'ont pas méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure en se fondant sur l'existence de cet arrêté sans en ordonner préalablement la production au dossier ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, que, ainsi qu'il a été dit au point 2, par un arrêté n° 2013/402 du 5 février 2013 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Val-de-Marne du 6 février suivant, le préfet du Val-de-Marne a donné à M. A... C..., sous-préfet de l'Haÿ-les-Roses, signataire de la décision attaquée, délégation à l'effet de signer notamment, les arrêtés portant décision de refus de séjour, d'obligation de quitter le territoire français des étrangers et fixant le pays de reconduite en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de la décision litigieuse ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué, qui vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, rappelle l'identité, la date et le lieu de naissance ainsi que le fondement de la demande de l'intéressé auprès du sous-préfet de l'Haÿ-les-Roses ; qu'il fait mention de ce que l'intéressé présente une promesse d'embauche en qualité de maçon non signée, n'apporte pas la preuve d'une ancienneté dans le travail ni de sa présence continue en France et que, par suite, il ne remplit pas les conditions requises pour une régularisation de sa situation administrative sur le fondement des articles L. 314-1 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il indique ensuite que la situation personnelle et familiale de M.E..., qui déclare être marié à Mme B...F...vivant au Maroc sans en apporter la preuve qui déclare ne pas avoir d'enfant et qui ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans, ne relève pas des stipulations de l'accord franco-marocain ni des articles L. 313-11 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi la décision attaquée comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée et est suffisamment motivée au sens de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7./ L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) " ;

6. Considérant que si M. E...fait valoir que sa femme réside régulièrement en France avec ses deux filles, nées en 2007 et 2011, et que sa fille ainée, Chourouk, est hospitalisée en France, l'ensemble de ces circonstances sont postérieures à la décision attaquée ; qu'il fait également valoir que sa fratrie réside régulièrement en France ; que, néanmoins, il n'établit pas par des éléments probants leur lien de parenté ni l'intensité des liens qu'il entretient avec eux ; qu'au demeurant, à la date de la décision attaquée, sa femme et ses enfants résidaient au Maroc ; qu'il ne démontre pas être dépourvu de lien dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans ; qu'en outre, il ne démontre pas la stabilité de son séjour en France ni une intégration particulière à la société française ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce à la date de la décision attaquée, le moyen tiré de ce que le préfet du Val-de-Marne aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

7. Considérant qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation en faveur d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ;

8. Considérant que si M. E...se prévaut d'un contrat à durée déterminée, celui-ci est postérieur à la décision attaquée ; qu'il ne justifie pas d'une activité professionnelle antérieure ; qu'en outre, comme il a été dit au point 6, il ne justifie pas de la stabilité de sa résidence en France ; que, par ailleurs, cette seule circonstance ne saurait constituer une considération humanitaire ou un motif exceptionnel justifiant son admission au séjour ; qu'à la date de la décision attaquée il était sans charge de famille en France et déclarait même, dans sa demande de première instance, ne pas avoir d'enfant et ne plus être en contact avec sa femme, ressortissante marocaine résidant au Maroc ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Val-de-Marne a entaché son rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour d'une erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 15 décembre 2015.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02416


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02416
Date de la décision : 15/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : GATULLE-DUPRAT SYLVIA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-15;15pa02416 ?
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