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23/02/2016 | FRANCE | N°14PA04882

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 23 février 2016, 14PA04882


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... M'A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 25 janvier 2013 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation de le licencier, ensemble la décision par laquelle le ministre chargé du travail a implicitement rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail.

Par un jugement n° 1307381/9 du 29 octobre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une re

quête, enregistrée le 2 décembre 2014, M. M'A..., représenté par Me C..., demande à la Cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... M'A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 25 janvier 2013 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation de le licencier, ensemble la décision par laquelle le ministre chargé du travail a implicitement rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail.

Par un jugement n° 1307381/9 du 29 octobre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2014, M. M'A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 octobre 2014 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 25 janvier 2013 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation de le licencier, ensemble la décision par laquelle le ministre chargé du travail a implicitement rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail ;

3°) de mettre à la charge de la société Euro Disney le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il se réfère à tort aux dispositions de l'article L. 2325-5 du code du travail alors que les faits qui lui sont reprochés ressortissent de l'article L. 225-92 du code du commerce ;

- la société Euro Disney ne rapporte pas la preuve que le président du Conseil de surveillance aurait ordonné à la secrétaire dudit conseil de faire porter la mention " confidentiel " sur le projet de procès-verbal de la séance du 18 septembre 2012, cette mention ayant été apposée de la propre initiative de cette dernière ;

- l'article 6-2 des statuts de la société ne prévoit pas de confidentialité des débats du Conseil de surveillance ;

- la note de la secrétaire du Conseil de surveillance accompagnant la convocation à la réunion du 7 novembre 2012 et indiquant que l'ensemble des informations invoquées en conseil étaient confidentielles constitue une autre initiative personnelle contraire à l'article R. 225-45 du code du commerce et aux statuts de la société ;

- il n'est pas un juriste professionnel mais un syndicaliste de terrain ;

- la société Euro Disney ne rapporte pas la preuve que les membres du Conseil de surveillance craindraient de s'exprimer en sa présence ;

- il maintient les déclarations du Président du Conseil de surveillance concernant sa démission tenues le 18 septembre 2012 en sa présence et hors celle du directeur des ressources humaines ;

- la demande de licenciement est en rapport avec ses mandats, eu égard au conflit de longue date l'opposant à la direction de la société, notamment son directeur des ressources humaines qui a perdu trois actions en justice contre lui dont une action menée en son nom propre ;

- la diffusion de l'extrait de procès-verbal de la réunion du Conseil de surveillance du 18 septembre sur le site intranet et internet du syndicat Force Ouvrière n'est pas étrangère à l'exercice normal de ses fonctions représentatives puisqu'elle vise l'information des salariés et qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait entraîné une perturbation du fonctionnement de la société.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 25 mars 2015 et 23 juillet 2015, la société Euro Disney associes SCA, représentée par Me B...conclut au rejet de la requête et la condamnation de M. M'A... à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par deux mémoires, enregistrés les 15 mai 2015 et 19 juin 2015, M. M'A..., représenté par MeC..., conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.

La requête a été communiquée au ministre chargé du travail, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code du commerce ;

- la décision n° 373258 du 12 mars 2014 du Conseil d'Etat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,

- les observations de Me C...pour M. M'A... ;

- et les observations de Me B...pour la société Euro Disney associés SCA.

1. Considérant que M. M'A... a été recruté à compter du 1er août 2000 par la société Euro Disney Associés SCA en qualité de technicien, puis d'agent technique ; qu'il exerçait à l'époque des faits litigieux les mandats de délégué syndical, de membre de la commission économique du comité d'entreprise, de représentant du comité d'entreprise au sein du Conseil de surveillance ainsi que de Conseiller prud'homal ; qu'il lui est reproché d'avoir, le 8 novembre 2012, diffusé sur le site intranet et internet de son syndicat des extraits du projet de procès-verbal de la réunion du Conseil de surveillance du 18 septembre 2012 à laquelle il avait assisté, en occultant la mention " confidentiel " ; que par courrier du 14 décembre 2012, la société Euro Disney associés SCA a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. M'A... pour motif disciplinaire, autorisation accordée par décision du 24 janvier 2013, confirmée par le rejet implicite du recours hiérarchique formé par l'intéressé le 22 mars 2013 auprès du ministre chargé du travail ; que M. M'A... relève appel du jugement du 29 octobre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié survenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail, notamment dans le cadre de l'exercice de ses fonctions représentatives, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé ;

3. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 2325-5 du code du travail : "Les membres du comité d'entreprise et les représentants syndicaux sont tenus à une obligation de discrétion à l'égard des informations revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l'employeur" ;

4. Considérant que si M. M'A... soutient que le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit, en ce qu'il se réfère aux dispositions de l'article L. 2325-5 du code du travail, ces dispositions, ainsi que l'a estimé le Conseil d'Etat dans sa décision susvisée du 12 mars 2014, sont applicables au présent litige dès lors que M. M'A... était membre de la commission économique du comité d'entreprise et représentant du comité d'entreprise au sein du Conseil de surveillance de la société Euro Disney associés SCA et par suite, tenu à une obligation de discrétion à l'égard des informations revêtant un caractère confidentiel à laquelle il avait accès dans le cadre de sa participation à ces instances ; que s'il soutient, en outre, que l'article 6-2 des statuts de la société ne prévoit pas de confidentialité des débats dudit Conseil, cette disposition ne saurait, en tout état de cause, faire obstacle à l'application d'une disposition législative ;

5. Considérant que M. M'A... soutient que la société Euro Disney associés SCA ne rapporte pas la preuve que le président du Conseil de surveillance aurait ordonné à la secrétaire dudit conseil de faire porter la mention "confidentiel" sur le projet de procès-verbal de la séance du 18 septembre 2012, cette mention ayant été apposée de la propre initiative de cette dernière ; qu'il fait également valoir que la note de la secrétaire du Conseil de surveillance accompagnant la convocation à la réunion du 7 novembre 2012 et indiquant que l'ensemble des informations invoquées en Conseil étaient confidentielles constitue une autre initiative personnelle, contraire à l'article R. 225-45 du code du commerce et aux statuts de la société ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier des échanges entre le Président du Conseil de surveillance et la secrétaire dudit Conseil, que le procès-verbal de la séance du 18 septembre 2012 a été élaboré sous le contrôle et soumis à l'approbation finale du Président ; qu'il ressort également des pièces du dossier que la note remise à M. M'A... le 6 novembre 2012 contre sa signature venait rappeler aux membres du Conseil une règle générale de fonctionnement de cette instance et qu'une telle note lui avait déjà été communiqué les 15 février et 22 mai 2012 à l'occasion de précédentes réunions du Conseil de surveillance ;

6. Considérant que M. M'A... ne saurait invoquer, dans le but de minimiser la portée de sa faute, la circonstance qu'il n'est pas un juriste professionnel mais un syndicaliste de terrain, dès lors que, comme il a été dit au point précédent, les documents dont il a divulgué des extraits portaient la mention " strictement confidentiel " et qu'il s'était vu rappeler par note, la veille de leur divulgation, leur caractère confidentiel ; qu'en outre et en tout état de cause, le caractère sensible et confidentiel des informations contenues dans les extraits des débats divulgués par M. M'A... se déduit de leur seule lecture ; qu'ainsi le caractère délibéré du manquement au respect de son obligation de discrétion est établi ;

7. Considérant que si M. M'A... soutient que les informations diffusées par ses soins sur le site de son syndicat ne revêtaient plus un caractère confidentiel à partir de la parution le 24 septembre 2012 d'un article dans " La lettre de l'Expansion " faisant état de divergences stratégiques apparues au sein du Conseil de surveillance lors de la réunion du 18 septembre 2012, ainsi que l'a estimé l'inspecteur du travail dans la décision contestée, il n'y a pas lieu de conclure à la levée de fait de l'obligation de confidentialité dès lors que cet article se bornait à faire état des différentes hypothèses émises au sein du Conseil de surveillance sur les conditions du refinancement de l'entreprise et qu'il n'y était aucunement fait mention de la position personnelle du président du Conseil de surveillance et encore moins de la teneur exacte de ses propos ;

8. Considérant que M. M'A... soutient que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas étrangers à l'exercice normal de ses fonctions représentatives puisque son initiative visait à informer les salariés de l'entreprise et qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait entraîné une perturbation du fonctionnement de la société ; que, toutefois, cette perturbation est établie par l'importante couverture médiatique donnée aux informations et allégations publiées par le salarié sur le site de son syndicat et les répercussions potentiellement graves de cette diffusion pour une entreprise cotée en Bourse dans un contexte d'annonce de ses résultats financiers ; que, d'autre part, le manquement à l'obligation de discrétion de la part d'un de ses membres compromet le fonctionnement normal du Conseil de surveillance, rendant impossible le maintien de M. M'A... dans l'entreprise ;

9. Considérant, enfin, que M. M'A... fait valoir qu'eu égard au conflit de longue date l'opposant à la Direction de la société, notamment à son directeur des ressources humaines à l'origine de la demande de licenciement, qui a perdu trois actions en justice contre lui, cette demande est discriminatoire et en relation avec l'exercice de ses mandats ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que si l'existence d'un tel conflit est établie, il n'est pas à la source de la demande de licenciement dont l'origine est la faute commise par M. M'A... ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. M'A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Euro Disney associés SCA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. M'A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. M'A... une somme de 1 000 euros à verser à la société Euro Disney associés SCA sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. M'A... est rejetée.

Article 2 : M. M'A... versera à la société Euro Disney associés SCA une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... M'A..., à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Euro Disney associés SCA.

Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Julliard, première conseillère,

Lu en audience publique, le 23 février 2016.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 14PA04882


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04882
Date de la décision : 23/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : FRESHFIELDS BRUCKHAUS DERINGER LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 11/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-02-23;14pa04882 ?
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