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07/04/2016 | FRANCE | N°12PA04303

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 07 avril 2016, 12PA04303


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2009, d'ordonner que lui soit restitué l'excédent versé, d'un montant de 36 232 euros, augmenté des intérêts de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1108485 du 23 octobre 2012, le Tribunal admini

stratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2009, d'ordonner que lui soit restitué l'excédent versé, d'un montant de 36 232 euros, augmenté des intérêts de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1108485 du 23 octobre 2012, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2012, et des mémoires enregistrés le

26 juin 2013, le 10 juillet 2013, le 19 juillet 2013, le 7 novembre 2014, le 9 janvier 2015, le

26 janvier 2015, le 31 juillet 2015, le 28 octobre 2015 et le 30 octobre 2015, M.A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1108485 du 23 octobre 2012 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2009 et d'ordonner que lui soit restitué l'excédent versé, d'un montant de 36 232 euros, augmenté des intérêts de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé et est entaché d'omissions à statuer ; un moyen a été relevé d'office sans information des parties ;

- la fin de non-recevoir soulevée en première instance est infondée ; il est recevable à demander l'imputation du solde de sa créance sur l'année 2009 ;

- l'administration a à tort réduit le crédit d'impôt auquel il avait droit sur ses revenus de source étrangère des années 2008 et 2009 à proportion de la pension alimentaire versée, laquelle était déductible de son revenu global ; la position de l'administration est contraire aux stipulations des conventions fiscales applicables et au droit communautaire et aboutit à remettre partiellement en cause la déductibilité de la pension alimentaire ; la jurisprudence du Conseil d'Etat est contraire à celle de la Cour de justice de l'Union européenne ; les principes d'interprétation des conventions internationales résultant de la convention de Vienne doivent s'appliquer ; la Commission européenne a engagé contre la France une procédure d'infraction ; le droit interne français et les conventions fiscales doivent être interprétées dans le même sens que les conventions fiscales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne ; les principes communautaires de liberté d'établissement et de circulation des capitaux et le principe constitutionnel d'égalité sont méconnus ;

- l'administration a à tort appliqué la réduction d'impôt au titre d'un investissement outre-mer avant l'imputation du crédit d'impôt attaché aux revenus de source étrangère ; elle a ainsi méconnu les dispositions combinées des articles 193 et 199 undecies B du code général des impôts, la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui a nécessairement pour effet d'exclure l'application de l'article 197 du même code, et la doctrine référencée 14 B-3-03 du 22 mai 2003 ; les conventions internationales prévalent ; la documentation administrative 5 B-321 prévoit que l'ordre d'imputation à appliquer est celui qui est le plus favorable au contribuable ; l'article 197 du code général des impôts doit être interprété conformément au droit communautaire et ne concerne pas les crédits d'impôt prévus par les conventions internationales ;

- l'administration a actualisé sa doctrine le 26 décembre 2014 et le 29 juillet 2015, confirmant l'analyse précédemment décrite ;

- ses conclusions tendant à l'allocation d'intérêts sont recevables.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 avril 2013, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que :

- la requête de première instance était tardive ; l'impôt de l'année 1998 est définitif ;

- le jugement est suffisamment motivé ; aucun moyen n'a été relevé d'office ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- les conclusions relatives aux intérêts moratoires sont irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne devenue Union européenne ;

- la convention de Vienne du 23 mai 1969 ;

- la convention fiscale signée le 21 juillet 1959 entre la France et l'Allemagne ;

- la convention fiscale signée le 2 mai 1975 entre la France et le Canada ;

- la convention fiscale signée le 31 août 1994 entre la France et les Etats-Unis ;

- la convention fiscale signée le 3 mars 1995 entre la France et le Japon ;

- la convention fiscale signée le 26 novembre 1996 entre la France et la Russie ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero ;

- les conclusions de M. Lemaire ; rapporteur public.

- et les observations de MeC..., pour M.A.en France, y

1. Considérant que M.A..., fiscalement domicilié en France, yexerce l'activité d'avocat au sein d'un cabinet ayant son principal établissement à New York (Etats-Unis) et qui dispose également de bureaux en Allemagne, au Canada, au Japon et en Russie, notamment ; qu'au cours des années 2008 et 2009, M. A...a respectivement perçu, en sa qualité d'associé de ce cabinet, outre des revenus de source française, les sommes totales de 410 890 euros et de 424 987 euros au titre de revenus de sources américaine, japonaise, allemande, russe et canadienne, qui ont été soumis à l'impôt dans chacun de ces Etats ; qu'afin d'éviter une double taxation de ces revenus, qui étaient également imposables en France, M. A...a bénéficié, en application des stipulations des conventions fiscales signées entre la France et les Etats concernés, d'un crédit d'impôt d'un montant de 149 390 euros au titre de l'année 2008 et de 159 404 euros au titre de l'année 2009 ; que, par ailleurs, M. A...a, d'une part, déclaré, au titre des charges déductibles du revenu global, le versement d'une pension alimentaire d'un montant annuel de 8 640 euros et, d'autre part, bénéficié, au titre de l'année 2008, d'une réduction d'impôt d'un montant de 36 463 euros en application de l'article 199 undecies B du code général des impôts ; qu'eu égard aux éléments déclarés, M. A... n'a été assujetti à aucune cotisation d'impôt sur le revenu et a bénéficié d'un remboursement d'un montant de 115 euros ; qu'il a, en revanche, été assujetti, au titre de l'année 2009, à une cotisation d'impôt sur le revenu, dont il a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction correspondant à la correction, d'une part, d'une erreur qu'aurait commise le service dans le calcul du crédit d'impôt accordé au titre de ses revenus de source étrangère en 2008 et 2009 et, d'autre part, d'une erreur dans l'ordre d'imputation de ce crédit et de la réduction d'impôt dont il avait bénéficié, au titre de la seule année 2008, en application de l'article 199 undecies B du code général des impôts ; que M. A...fait appel du jugement du 23 octobre 2012 par lequel le tribunal a rejeté cette demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, que, devant le tribunal, M. A...ne soutenait pas que la prise en compte des charges déductibles du revenu global pour la détermination du montant du crédit d'impôt auquel il avait droit, en application des conventions fiscales bilatérales, au titre de ses revenus de source étrangère, n'était pas compatible avec les principes du droit communautaire et, en particulier, qu'elle avait pour effet d'entraver la libre circulation des travailleurs et des capitaux et la liberté d'établissement ; que M. A...ne saurait dès lors utilement soutenir que le jugement attaqué est irrégulier, à défaut, pour les premiers juges, d'avoir écarté un tel moyen ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient M.A..., le jugement attaqué répond de façon suffisamment motivée à l'ensemble des moyens qui avaient été soulevés ;

3. Considérant, d'autre part, qu'en se fondant, pour écarter le moyen tiré de ce que l'administration avait commis une erreur dans l'ordre d'imputation du crédit d'impôt accordé au titre des revenus de source étrangère et de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts, sur les dispositions du 5 du I de l'article 197 du même code, dont le service se prévalait au demeurant dans son mémoire en défense, le tribunal n'a pas soulevé d'office un moyen d'ordre public ; que M. A... ne saurait dès lors utilement soutenir que le jugement attaqué est irrégulier, faute, pour les premiers juges, d'avoir préalablement informé les parties de leur intention de soulever un tel moyen, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception d'un avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a présenté une réclamation le

22 février 2011, à la suite du rejet d'une première réclamation par décision du 19 janvier 2011, tendant à la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2009 et à ce que lui soit restitué l'excédent versé, d'un montant de 36 232 euros, en se prévalant notamment d'un droit au report sur cette année d'une réduction d'impôt accordée au titre de l'année 2008 et imputée selon lui à tort en totalité sur cette seule année ; que cette seconde réclamation, à laquelle ne s'opposait pas le rejet d'une réclamation antérieure ayant le même objet, a été rejetée par décision du 23 mars 2011 ; que les fins de non-recevoir tirées de la tardiveté de la requête introductive de première instance, enregistrée le 12 mai 2011, et du caractère définitif des modalités de calcul de l'imposition de l'année 2008 ne peuvent ainsi qu'être écartées ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la convention fiscale signée le 31 août 1994 entre la France et les Etats Unis : " 1. En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont éliminées de la manière suivante. a) Les revenus qui proviennent des Etats-Unis, et qui sont imposables ou ne sont imposables qu'aux Etats-Unis conformément aux dispositions de la présente Convention, sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsque leur bénéficiaire est un résident de France et qu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Dans ce cas, l'impôt américain n'est pas déductible de ces revenus, mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt est égal : (en France, y) ii) pour les revenus visés à l'article 14 ( Professions indépendantes), au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus ; (en France, y) d) (en France, y) ii) l'expression "montant de l'impôt français correspondant à ces revenus" employée au a désigne : (en France, y) b) lorsque l'impôt dû à raison de ces revenus est calculé par application d'un barème progressif, le produit du montant des revenus nets considérés par le taux résultant du rapport entre l'impôt effectivement dû à raison du revenu net global imposable selon la législation française et le montant de ce revenu net global." ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention fiscale signée le 3 mars 1995 entre la France et le Japon : " 1) Les revenus qu'un résident d'un Etat contractant tire d'une profession libérale ou d'autres activités de caractère indépendant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que ce résident ne dispose de façon habituelle dans l'autre Etat contractant d'une base fixe pour l'exercice de ses activités. S'il dispose d'une telle base fixe, les revenus sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cette base fixe. 2. L'expression " profession libérale " comprend notamment les activités indépendantes d'ordre scientifique, littéraire, artistique, éducatif ou pédagogique, ainsi que les activités indépendantes des médecins, avocats, ingénieurs, architectes, dentistes et comptables. " ; qu'aux termes de l'article 23 de la même convention : " 1) a) En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont éliminées de la manière suivante. Les revenus qui proviennent du Japon, et qui sont imposables ou ne sont imposables qu'au Japon conformément aux dispositions de la présente convention, sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsque leur bénéficiaire est un résident de France et qu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Dans ce cas, l'impôt japonais n'est pas déductible de ces revenus, mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt est égal : i) Pour les revenus non mentionnés au ii, au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus ; (...) b) L'expression " impôt français " employée au a désigne, nonobstant les dispositions du a du paragraphe 1 de l'article 2, tous les impôts sur le revenu perçus pour le compte de l'Etat français, quel que soit le système de perception, sur le revenu total, ou sur des éléments du revenu, y compris les impôts sur les gains provenant de l'aliénation de biens mobiliers ou

immobiliers. (...) " ; qu'aux termes du protocole annexé à la convention : " 11. En ce qui concerne le paragraphe 1 de l'article 23 de la convention, il est entendu que : a) L'expression " montant de l'impôt français correspondant à ces revenus " employée aux i et ii du a de ce paragraphe 1

désigne : (en France, y) ii) lorsque l'impôt dû à raison de ces revenus est calculé par application d'un barème progressif, le produit du montant des revenus nets considérés par le taux résultant du rapport entre l'impôt effectivement dû à raison du revenu net global imposable selon la législation française et le montant de ce revenu net global " ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 23 de la convention fiscale signée entre la France et la Russie le 26 novembre 1996 : " 1. En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont évitées de la manière suivante : a) Les revenus qui proviennent de Russie, et qui ne sont imposables que dans cet Etat conformément aux dispositions de la présente Convention, sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsque leur bénéficiaire est un résident de France et qu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Dans ce cas, l'impôt russe n'est pas déductible de ces revenus, mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt est égal : i) pour tous les revenus non mentionnés au ii, au montant de l'impôt correspondant à ces revenus ; (en France, y) c) il est entendu que l'expression "montant de l'impôt français correspondant à ces revenus" employée au a désigne : (en France, y) ii) lorsque cet impôt dû à raison de ces revenus est calculé par application d'un barème progressif, le produit du montant des revenus nets considérés par le taux résultant du rapport entre l'impôt effectivement dû à raison du revenu net global imposable selon la législation française et le montant de ce revenu net global." ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la convention signée le 21 juillet 1959 entre la France et l'Allemagne : " En ce qui concerne les résidents de France, la double imposition est évitée de la façon suivante : / a) Les bénéfices et autres revenus positifs qui proviennent de la République fédérale et qui y sont imposables conformément aux dispositions de la présente convention sont également imposables en France lorsqu'ils reviennent à un résident de France. L'impôt allemand n'est pas déductible pour le calcul du revenu imposable en France. Mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français dans la base duquel ces revenus sont compris. Ce crédit d'impôt est égal : (...) cc) pour tous les autres revenus, au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus " ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 23 de la convention signée le 2 mai 1975 entre la France et le Canada : " En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont évitées de la façon suivante : a) les revenus qui proviennent du Canada ou ne sont imposables qu'au Canada conformément aux dispositions de la convention, sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsque leur bénéficiaire est un résident de France et qu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Dans ce cas, l'impôt canadien n'est pas déductible de ces revenus, mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt est égal : (...) pour les revenus non mentionnés au ii, au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus (...) " ;

11. Considérant que M. A...soutient que le crédit d'impôt afférent à ses revenus de source étrangère a, à tort, été réduit, au titre des années 2008 et 2009, à proportion de l'inclusion dans lesdits revenus d'un pourcentage de la pension alimentaire ci-dessus mentionnée, laquelle était déductible de son revenu global correspondant à ses seuls revenus de source française ; qu'il conteste également l'ordre d'imputation du crédit d'impôt dont il a bénéficié au titre de ses revenus de source étrangère et de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts et soutient que l'erreur commise par l'administration l'a privé de la possibilité de reporter, sur son imposition de l'année 2009, le surplus non imputé sur l'imposition de l'année 2008 de cette réduction ;

En ce qui concerne les modalités de calcul du crédit d'impôt :

12. Considérant qu'en l'absence de mesures d'unification ou d'harmonisation communautaire visant à éliminer les doubles impositions, les Etats membres demeurent... ; que, dans ce contexte, les Etats membres sont libres, dans le cadre de conventions bilatérales, de fixer les facteurs de rattachement aux fins de la répartition de la compétence fiscale ; que, toutefois, en ce qui concerne l'exercice, y compris par le moyen de stipulations d'une convention bilatérale, du pouvoir d'imposition réparti conformément à une telle convention, les Etats membres doivent exercer leur compétence fiscale dans le respect du droit communautaire, y compris lorsqu'ils concluent des conventions bilatérales avec des Etats non membres ; que les conventions fiscales bilatérales qui visent à éliminer les doubles impositions doivent ainsi être interprétées dans un sens qui les rendent compatibles avec l'exercice des libertés fondamentales garanties par le droit communautaire, qu'elles aient été conclues avec un autre Etat membre ou avec un Etat tiers ;

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'imputation sur le montant des revenus de source étrangère perçus par M. A...d'une quote-part des charges déductibles de son revenu global, à proportion de leur part dans le revenu global avant déduction des charges, aboutit à une imposition plus lourde que celle qui aurait été mise à sa charge s'il avait perçu uniquement des revenus professionnels de source française ; que, dans une telle situation, le contribuable est susceptible d'être dissuadé d'user des libertés de circulation garanties par le droit communautaire ; que, dans ces conditions, les stipulations précitées des conventions fiscales bilatérales doivent être interprétées, en vue d'assurer leur plein effet tendant à la suppression des doubles impositions dans le respect des obligations résultant du droit communautaire, qui s'imposent aux Etats membres dans leurs relations avec tout autre Etat, comme excluant que le montant des revenus professionnels nets de source étrangère soit diminué d'une quote-part des charges déductibles du revenu brut global correspondant à la part de ces revenus dans le revenu global du contribuable ; qu'ainsi, le " montant de l'impôt français correspondant " aux revenus de source étrangère relevant des catégories de revenus mentionnés aux stipulations précitées des conventions fiscales bilatérales doit s'entendre comme le produit du montant de l'impôt calculé sur l'ensemble de ces revenus de sources française et étrangère, dans les conditions prévues au code général des impôts, par le rapport entre les revenus nets de ces catégories de source étrangère, sans imputation sur ces revenus d'une part des charges déductibles du revenu global, et l'ensemble des revenus nets imposables des mêmes catégories ; que, par suite, M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour calculer le crédit d'impôt auquel il avait droit au titre des revenus de source étrangère qu'il avait perçus en 2008 et en 2009, l'administration a déduit de ces revenus une quote-part des pensions alimentaires qu'il avait versées ;

En ce qui concerne l'ordre d'imputation du crédit d'impôt et des réductions d'impôt :

14. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts :

" I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer. (...) Lorsque le montant de la réduction d'impôt excède l'impôt dû par le contribuable ayant réalisé l'investissement, le solde peut être reporté (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 197 du même code : " (...) 5. Les réductions d'impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200 s'imputent sur l'impôt résultant de l'application des dispositions précédentes avant imputation des crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires ; elles ne peuvent pas donner lieu à remboursement (...) " ;

15. Considérant que les juridictions administratives et judiciaires, à qui incombe le contrôle de la compatibilité des lois avec le droit de l'Union européenne ou les engagements internationaux de la France, peuvent déclarer que des dispositions législatives incompatibles avec le droit de l'Union ou ces engagements sont inapplicables au litige qu'elles ont à trancher ; qu'il appartient, par suite, au juge du litige, d'examiner, dans l'hypothèse où un moyen en ce sens est soulevé devant lui, s'il doit écarter la disposition législative en cause du fait de son incompatibilité avec une stipulation conventionnelle ou, le cas échéant, une règle du droit de l'Union européenne ;

16. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en application des dispositions précitées de l'article 197 du code général des impôts, le service a imputé sur l'impôt de M. A..., au titre de l'année 2008, d'abord la réduction d'impôt dont il bénéficiait sur le fondement de l'article 199 undecies B de ce code, puis le crédit d'impôt auquel il avait droit en application des stipulations précitées des conventions fiscales bilatérales au titre de ses revenus de source étrangère ; qu'en imputant ainsi les crédits d'impôt résultant de l'application des stipulations précitées des conventions fiscales bilatérales, qui ne sont ni reportables ni restituables, après la réduction d'impôt mentionnée à l'article 199 undecies B du code général des impôts, dont le solde peut être reporté, l'administration a placé M. A...dans une situation l'imposant plus lourdement que s'il avait perçu uniquement des revenus professionnels de source française, en mettant à sa charge une cotisation d'impôt sur le revenu plus importante que celle à laquelle il aurait été assujetti s'il n'avait pas bénéficié d'un crédit d'impôt au titre de ses revenus de source étrangère ; qu'une telle situation est susceptible de dissuader le contribuable d'user des libertés garanties par le droit communautaire, sans qu'il y ait lieu de rechercher si ce contribuable a effectivement usé de ces libertés ; qu'il s'ensuit que les dispositions précitées de l'article 197 du code général des impôts sont de nature à dissuader le contribuable d'user des libertés garanties par le droit communautaire, telles que la liberté de circulation des capitaux ; que ces dispositions ne sont ainsi pas compatibles avec l'exercice de ces libertés, auquel elles constituent une entrave, et qu'il y a dès lors lieu d'en écarter l'application en l'espèce ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le service a, d'une part, pour le calcul du crédit d'impôt dû au titre des revenus de source étrangère, diminué ces revenus d'une quote-part des charges déductibles du revenu global supportées au cours de ces années et, d'autre part, imputé sur l'impôt le crédit d'impôt ainsi calculé après la réduction d'impôt dont il bénéficiait en application de l'article 199 undecies B du code général des impôts ; qu'il s'ensuit que M. A... est fondé à demander la réduction correspondante de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2009, à concurrence de 36 232 euros, et, par suite, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au versement des intérêts moratoires :

18. Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (en France, y) " ;

19. Considérant qu'ainsi que l'oppose le ministre, les conclusions de M. A...tendant au remboursement de sommes indûment versées assorti des intérêts moratoires prévus par les dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sont irrecevables, en l'absence de litige né et actuel relatif à ces intérêts ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

21. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au titre des frais exposés par M.A... ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1108485 du 23 octobre 2012 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'impôt sur le revenu auquel M. A...a été assujetti au titre de l'année 2009 est réduit, à concurrence de la somme de 36 232 euros.

Article 3 : L'Etat versera à M. A...la somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle de gestion fiscale Centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 10 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 avril 2016.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

S.-L. FORMERY Le greffier,

S. JUSTINELa République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 12PA04303


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA04303
Date de la décision : 07/04/2016
Type d'affaire : Administrative

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : SKADDEN ARPS SLATE MEAGHER FLOM LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-04-07;12pa04303 ?
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