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10/05/2016 | FRANCE | N°15PA04181

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 10 mai 2016, 15PA04181


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Poitiers, qui a transmis sa demande au Tribunal administratif de Paris, d'annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande du 18 avril 2002, de revaloriser sa pension militaire de retraite et sa retraite du combattant en le faisant bénéficier des dispositions de droit commun du code des pensions civiles et militaires de retraite, d'ordonner le rappel des arrérages dus et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.
>Par une ordonnance n° 0301233 du 31 décembre 2008, le vice-président ...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Poitiers, qui a transmis sa demande au Tribunal administratif de Paris, d'annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande du 18 avril 2002, de revaloriser sa pension militaire de retraite et sa retraite du combattant en le faisant bénéficier des dispositions de droit commun du code des pensions civiles et militaires de retraite, d'ordonner le rappel des arrérages dus et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par une ordonnance n° 0301233 du 31 décembre 2008, le vice-président de la 5ème section du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite rejetant la demande de M. A...de révision de sa pension militaire de retraite, a enjoint à l'Etat de lui verser, pour la période postérieure au 1er janvier 1998, les arrérages correspondant à la différence entre le montant de sa pension militaire de retraite revalorisée selon les modalités précisées dans les motifs de l'ordonnance et celui déjà versé à l'intéressé, ainsi que les intérêts capitalisés, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M.A....

Par une requête, enregistrée par télécopie le 18 mai 2011, régularisée le 2 août 2011 par la production de l'original, et par un mémoire enregistré par télécopie le 4 mars 2014, régularisé le 5 mars 2014 par la production de l'original, M.A..., représenté par MeC..., a demandé à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 31 décembre 2008 du vice-président de la 5ème section du Tribunal administratif de Paris en ce qu'elle a partiellement rejeté sa demande ;

2°) d'annuler la décision par laquelle l'administration a transformé sa pension de retraite en une indemnité viagère cristallisée à compter du 3 juillet 1962 ;

3°) d'annuler la décision du 17 décembre 1992 du ministre de la défense et la décision du 30 juin 1993 du ministre du budget refusant la décristallisation de sa pension de retraite ;

4°) d'enjoindre à l'administration de lui verser les arrérages correspondant à la différence entre le montant de la pension auquel il était en droit de prétendre et celui qui lui a été effectivement versé depuis le 1er avril 1964 ou, subsidiairement depuis le 1er janvier 1988, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C...de la somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

- l'ordonnance litigieuse est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- le vice-président de la 5ème section du tribunal administratif s'est fondé à tort sur la rédaction de l'article R. 222-1 du code de justice administrative antérieures au décret n° 2005-911 du 28 juillet 2005 pour statuer sur sa demande ;

- l'ordonnance ne comporte pas le visa de la décision ou de l'avis par lequel auraient été tranchées ou examinées des questions identiques à celles que sa demande présentait à juger ;

- contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il a présenté des demandes de décristallisation le 17 décembre 1992 et le 30 juin 1993, qui ont interrompu le délai de la prescription quadriennale ;

- seules les règles de prescription spéciales prévues par l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite sont applicables ;

- lorsqu'une première demande de revalorisation a été rejetée à tort par l'administration, le caractère tardif d'une demande ultérieure doit être regardé comme imputable à l'administration ;

- l'article 26 de la loi de finances rectificative n° 81-734 du 3 août 1981 ne pouvait pas faire obstacle à ce qu'une demande de pension ou de révision, même formulée après l'accession du pays de l'intéressé à l'indépendance, soit examinée au regard des droits qu'il tient, à la date de sa demande, de la législation des pensions ;

- la cristallisation des pensions est incompatible avec l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article premier de son premier protocole additionnel ;

- les décisions de rejet de ses demandes déposées en 1992 et 1993 ne lui ayant pas été notifiées régulièrement, il est recevable à en demander l'annulation ;

- ces demandes ne pouvaient être ignorées par le juge de première instance dans l'appréciation de sa demande de rappel des arrérages ;

- le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l'article 26 de la loi du 3 août 1981 ;

- le point de départ du rappel des arrérages doit être fixé en fonction de sa première demande ;

- il en résulte qu'il est en droit de prétendre à un rappel d'arrérages de pension revalorisée au taux de droit commun à compter du 1er janvier 1988.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2012, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est tardive ;

- les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 11PA02362 du 18 mars 2014, la Cour administrative d'appel de Paris, à la demande de M.A..., a partiellement annulé l'ordonnance du 31 décembre 2008, a annulé la décision du 17 décembre 1992 du ministre de la défense, la décision du 30 juin 1993 du ministre du budget et la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur la demande de M. A...du 18 avril 2002, a, par l'article 4 de cet arrêt, enjoint à l'Etat de verser à M. A...une somme égale à la différence entre le montant des arrérages de la pension qu'il aurait dû percevoir, à compter du 30 novembre 1990, en application des dispositions de droit commun du code des pensions civiles et militaires de retraite, et celui qui lui a été effectivement versé, assortie des intérêts, et a rejeté le surplus des conclusions de M. A....

Par un arrêt n° 380481 du 21 octobre 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'article 4 de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 18 mars 2014, et a, dans cette mesure, renvoyé l'affaire à la Cour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut à ce que le point de départ du rappel des arrérages de la pension de M. A... soit fixé en fonction de la date de sa demande du 18 avril 2002.

Il soutient que :

- il se réfère à son pourvoi du 20 mai 2014 et à son mémoire en réplique du 2 octobre 2014 devant le Conseil d'Etat ;

- il n'est pas établi que les demandes de M. A...en date des 30 novembre 1992 et 2 juin 1993 faisaient état d'un moyen tiré de la violation d'une norme de droit international ;

- dans ses écritures de première instance, M. A...déclarait ne pas avoir été à même de soulever l'inconventionnalité de la cristallisation, avant que celle-ci ne lui ait été révélée, le 30 novembre 2001, par l'arrêt Diop du Conseil d'Etat ; il n'a invoqué le non-respect des engagements internationaux que lors de sa demande formulée le 18 avril 2002 ; le point de départ du rappel d'arrérages doit être fixé en fonction de cette demande.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 8 avril 2016.

Par un mémoire, enregistré le 11 avril 2016, M. A...conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Il soutient en outre que :

- les décisions de rejet qui ont été prises par le ministre de la défense et par le ministre du budget le 17 décembre 1992 et le 30 juin 1993 ne comportent pas la mention des voies et délais de recours ; ces décisions ne sont pas devenues définitives ; il est donc à ce jour recevable à en demander l'annulation, ce qu'il fait par requête distincte devant le Tribunal administratif de Nantes ;

- il y a lieu, à tout le moins, de sursoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur le recours contentieux formé contre ces décisions.

Un mémoire a été présenté par M. A...le 15 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2009-1053 du 26 août 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet, rapporteur,

- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

1. Considérant, que, par un arrêt du 21 octobre 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'article 4 de l'arrêt du 18 mars 2014, par lequel la Cour avait, à la demande de M. B...A..., enjoint à l'Etat de lui verser une somme égale à la différence entre, d'une part, le montant des arrérages de la pension qu'il aurait dû percevoir, en application des dispositions de droit commun du code des pensions civiles et militaires de retraite, à compter du 30 novembre 1990, et non à compter du 2 mai 2000 ainsi que le soutenait le ministre en invoquant la règle de prescription prévue à l'article L. 74 cité ci-dessous, et, d'autre part, celui qui lui a été effectivement versé, assortie des intérêts ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 74 du code des pensions civiles et militaires de retraite issu de la loi du 20 septembre 1948, dans sa rédaction résultant de la loi du 31 juillet 1962, applicable à M. A...eu égard à la date de l'ouverture de ses droits à pension et à celle de sa demande de révision de sa pension : " Sauf l'hypothèse où la production tardive de la demande de liquidation ne serait pas imputable au fait personnel du pensionné, il ne pourra y avoir lieu en aucun cas au rappel de plus de deux années d'arrérages antérieurs à la date du dépôt de la demande de pension " ; que les demandes tendant à la revalorisation d'une pension cristallisée s'analysent comme des demandes de liquidation de pension au sens de ces dispositions ;

3. Considérant que, pour demander, dans le dernier état de ses écritures devant la Cour, le versement des arrérages de sa pension revalorisée à compter du 1er janvier 1988, M. A...se prévaut de ses demandes de revalorisation de sa pension présentées le 30 novembre 1992 au ministre de la défense et le 2 juin 1993 au ministre du budget ; qu'il ne ressort toutefois pas de sa demande du 30 novembre 1992 adressée au ministre de la défense, et de la décision prise le 30 juin 1993 par le ministre du budget sur sa demande du 2 juin précédent, que ces demandes reposaient sur le caractère discriminatoire des règles de calcul applicables ; qu'il a d'ailleurs soutenu, en page 4 de son mémoire enregistré le 7 mars 2008 au Tribunal administratif de Paris, ne pas avoir été à même de faire valoir un tel motif avant le 30 novembre 2001 ; qu'il doit, dans ces conditions, être regardé comme n'ayant demandé la décristallisation de sa pension pour ce motif que par sa demande adressée au Premier ministre le 18 avril 2002, reçue le 2 mai 2002 ; qu'il ne saurait par ailleurs, en tout état de cause, invoquer les dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ; qu'il est donc seulement fondé demander le versement des arrérages de sa pension revalorisée à compter du 2 mai 2000 ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

4. Considérant que M. A...a droit aux intérêts de la somme mentionnée au point 3 à compter du 2 mai 2002, date de réception de sa demande par le Premier ministre ;

5. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; qu'en l'espèce, la capitalisation des intérêts a été demandée le 3 janvier 2003 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 2 mai 2003, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il est enjoint à l'Etat, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, de verser à M. A...une somme égale à la différence entre le montant des arrérages de la pension qu'il aurait dû percevoir, à compter du 2 mai 2000, en application des dispositions de droit commun du code des pensions civiles et militaires de l'Etat et celui qui lui a été effectivement versé. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2002. Les intérêts échus à la date du 2 mai 2003 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de la défense et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 mai 2016.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS-TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L CHICHKOVSKY PASSUELLO

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA04181

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04181
Date de la décision : 10/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

48-02 Pensions. Pensions civiles et militaires de retraite.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : OTHMAN-FARAH

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-10;15pa04181 ?
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