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24/05/2016 | FRANCE | N°15PA03755

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 24 mai 2016, 15PA03755


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 février 2015 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la no

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 février 2015 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1502113/3 du 3 septembre 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 octobre 2015 et régularisée le 14 octobre suivant, Mme A... représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1502113/3 du 3 septembre 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 février 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auvray ;

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;

- et les observations de Me C...pour MmeA....

1. Considérant que MmeA..., ressortissante mauritanienne née le 20 février 1994 à Nouakchott, s'est vu refuser, par l'arrêté préfectoral contesté du 13 février 2015, la délivrance d'une carte de résident en qualité de réfugié à la suite de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui refusant cette qualité par décision du 30 mai 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 28 janvier 2015, notifiée le 4 février suivant ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1.Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après le décès du père de Mme A..., survenu en Mauritanie le 31 décembre 2003, la mère de la requérante a épousé un compatriote et qu'après son arrivée en France elle a, dans un premier temps, obtenu le statut de réfugiée et, dans un second temps, acquis la nationalité française par décret du 2 novembre 2011 ; qu'en outre, les deux enfants mineurs, nés les 20 novembre 2000 et 30 avril 2009, que la mère de l'intéressée a eus de son second époux, lui-même titulaire d'une carte de résident en cours de validité obtenue en qualité de réfugié, ont également acquis la nationalité française du fait de la naturalisation de leur mère ;

4. Considérant que si Mme A...n'est arrivée en France que le 29 octobre 2013, où elle a vainement sollicité le statut de réfugiée, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que l'intéressée n'était alors âgée que de 19 ans, d'autre part et surtout, que sa mère avait, dès 2008, accompli des démarches en vue de la faire venir en France en qualité de membre d'une famille de réfugiés statutaires ; qu'il est constant que si ce regroupement familial s'était opéré avant sa majorité, soit l'âge de 18 ans, elle eût bénéficié du principe jurisprudentiel, très important en droit d'asile, de l'unité de famille des demandeurs d'asile de même nationalité, dont l'un des membres de la famille obtient le titre de réfugié, ce qui a pour effet que les autres membres de cette famille obtiennent ce statut accordé à l'un des membres de la famille, à l'effet d'accorder une protection internationale efficace à celui qui peut craindre, avec raison, une persécution en cas de retour dans le pays d'origine ou de résidence habituelle précédent ; qu'il est soutenu et sans que cela soit utilement contesté, que le statut de réfugié de la mère de la requérante l'empêchait de se réclamer de la protection de la Mauritanie, ce qui a pour effet de rendre très improbable la reconnaissance de la nationalité mauritanienne de la requérante, originaire du sud de la Mauritanie, où le recensement de l'année 2011 a donné lieu à un mouvement de protestation appelée " pas touche à ma nationalité " des habitants noirs de cette partie du pays, dont beaucoup avaient fui la Mauritanie en 1989 devant la répression et la persécution des autorités centrales du pays, dominée par une population arabophone des Maures blancs, dominant dans la partie nord du pays ; que, par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, MmeA..., qui en outre vit chez sa mère, depuis qu'elle est arrivée en France, est fondée à soutenir qu'en lui refusant l'admission au séjour, le préfet de Seine-et-Marne a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'intéressée est, pour ce seul motif, fondée à demander l'annulation de l'arrêté contesté du 13 février 2015 ;

5. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a lieu de faire droit aux conclusions de Mme A...tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir la présente injonction d'une quelconque astreinte ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme A...à l'occasion du litige et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1502113/3 du Tribunal administratif de Melun en date du 3 Septembre 2015 et l'arrêté du 13 février 2015 du préfet de Seine-et-Marne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne de délivrer à Mme B...A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B...A...une somme de 1 000 (mille) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2016 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 24 mai 2016.

Le rapporteur,

B. AUVRAY

Le président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA03755


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03755
Date de la décision : 24/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : SCP BERTHILIER-TAVERDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-24;15pa03755 ?
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