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26/05/2016 | FRANCE | N°14PA00761

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 26 mai 2016, 14PA00761


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

- d'annuler la décision en date du 17 juillet 2008 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a refusé de procéder à la reconstitution de sa carrière, de l'inscrire sur le tableau d'avancement et de le promouvoir au grade de professeur agrégé hors classe au titre de l'année 2008 et des années précédentes où il remplissait les conditions requises, ainsi que le refus de l'inscrire sur la liste d'aptitude et de le promouvoir dans le

corps des professeurs de chaires supérieures au titre de l'année 2007 et des anné...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

- d'annuler la décision en date du 17 juillet 2008 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a refusé de procéder à la reconstitution de sa carrière, de l'inscrire sur le tableau d'avancement et de le promouvoir au grade de professeur agrégé hors classe au titre de l'année 2008 et des années précédentes où il remplissait les conditions requises, ainsi que le refus de l'inscrire sur la liste d'aptitude et de le promouvoir dans le corps des professeurs de chaires supérieures au titre de l'année 2007 et des années précédentes ;

- d'annuler le tableau d'avancement pour l'accès au grade de professeur agrégé hors classe pour les années 2006, 2007 et 2008 ainsi que les promotions à la hors classe subséquentes ;

- de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi et une somme de 60 428 euros en réparation de son préjudice matériel ou une indemnité correspondant à la différence entre les traitements qu'il a perçus et la rémunération qui aurait dû lui être versée s'il avait été promu au grade de professeur agrégé hors classe et dans le corps des professeurs agrégés de chaires supérieures au 1er septembre 2002, assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation.

Par un jugement n° 1202859/5-3 du 27 novembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2014, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 25 mars et 27 novembre 2014 et 20 mai 2015, M.A..., représenté par Me Chillaoui, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202859/5-3 du 27 novembre 2013 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision en date du 17 juillet 2008 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a refusé de l'inscrire sur le tableau d'avancement et de le promouvoir au grade de professeur agrégé hors classe au titre de l'année 2008 et des années précédentes, ainsi que le refus de l'inscrire sur la liste d'aptitude et de le promouvoir dans le corps des professeurs de chaires supérieures au titre de l'année 2007 et des années précédentes ;

3°) d'annuler le tableau d'avancement pour l'accès au grade de professeur agrégé hors classe pour les années 2006, 2007 et 2008 ainsi que les promotions à la hors classe subséquentes ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi et une somme de 60 428 euros en réparation de son préjudice matériel ou une indemnité correspondant à la différence entre les traitements qu'il a perçus et la rémunération qui aurait dû lui être versée s'il avait été promu au grade de professeur agrégé hors classe et dans le corps des professeurs agrégés de chaires supérieures au 1er septembre 2002, assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation ;

5°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de produire les mesures et documents préparatoires aux tableaux d'avancement à la hors-classe des agrégés ainsi que les tableaux en cause, les éléments de comparaison des enseignants ayant atteint les notes les plus élevées et des enseignants promus, les procès-verbaux des commissions administratives paritaires académiques des professeurs agrégés, les procès-verbaux des commissions administratives paritaires nationales des professeurs agrégés, les mesures et documents préparatoires aux listes d'aptitude au corps des professeurs de chaires supérieures et les listes

elles-mêmes, les procès-verbaux des commissions administratives paritaires nationales des professeurs de chaires supérieures, les éléments de comparaison quant aux promotions des fonctionnaires professeurs agrégés à la hors classe ou au corps des professeurs de chaires supérieures, suivant qu'ils sont affectés dans l'enseignement privé ou dans l'enseignement public ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à son conseil, au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas visé ni analysé certains de ses moyens et conclusions, et qu'ils n'y ont pas répondu ;

- les premiers juges n'ont pas statué sur les conclusions de sa demande relatives au refus de reconstitution de sa carrière révélé par le ministre de l'éducation nationale dans sa lettre du

17 juillet 2008 ;

- la pièce complémentaire que le ministre a produite, peu de temps avant l'audience, à la demande du tribunal, ne lui a pas été communiquée et n'a pas fait l'objet d'un débat contradictoire ;

- durant le délibéré, l'application Sagace mentionnait une information erronée sur l'existence d'une note en délibéré du ministre alors qu'il s'agissait probablement d'une pièce complémentaire ; la date de réception de cette pièce mentionnée dans l'application n'était pas la bonne ;

- le tribunal n'a pas procédé aux mesures d'instruction demandées à l'appui du moyen qu'il avait soulevé, tiré de l'existence d'une discrimination illégale ;

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- la décision du 17 juillet 2008 a été prise par une autorité incompétente ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- les annulations contentieuses impliquaient que sa carrière fut reconstituée, y compris en ce qui concerne sa promotion de grade, à compter du 1er septembre 1989 ;

- le ministre n'a pas sollicité les avis et propositions de ceux qui doivent se prononcer lors d'une promotion en méconnaissance des dispositions de l'article 13 quinto du décret n° 72-580, du

4 juillet 1972, modifié ;

- en application du principe d'égalité de traitement entre fonctionnaires d'un même corps, il aurait dû bénéficier des mêmes garanties procédurales que ses collègues pour leurs avancements, à savoir la procédure d'avis suivie de la consultation des commissions paritaires par les recteurs ; selon différentes notes de service ministérielles les avis des chefs d'établissements, des inspecteurs pédagogiques régionaux et des recteurs doivent être demandés pour les promotions à la hors classe ;

- aucun avis ou proposition n'a été soumis à la commission administrative paritaire nationale des agrégés ; la commission a été informée de l'arrêt de 2007, mais pas du jugement rendu en 2000 et des arrêts rendus en 2004 et 2008 ; aucune réévaluation des notations n'a été présentée à la commission ; le ministre ne justifie pas que la commission a procédé à un examen approfondi de sa valeur professionnelle et à une comparaison de ses mérites avec ceux de ses collègues ;

- la commission administrative paritaire et l'administration n'ont pris en compte lors de la reconstitution de carrière que six mois d'ancienneté supplémentaire au lieu des 18 mois qu'impliquait l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux ; selon les écritures du ministre de l'éducation nationale, c'est le faible impact des six mois d'ancienneté qui a justifié le refus de reconstitution de sa carrière ;

- le ministre n'établit pas que l'avis du 1er juillet 2008 de la commission paritaire nationale portait sur l'inscription sur les tableaux d'avancement au grade de professeur agrégé hors classe entre 1996 et 2007, ni que la commission a pris en compte les deux annulations contentieuses et non une seule d'entre-elles ;

- les décisions contestées reposent en partie sur sa notation dont l'évolution a subi d'importants retards en raison d'erreurs affectant le calcul de ses échelons et son ancienneté ; l'administration aurait dû tenir compte de ce retard lors de la reconstitution de sa carrière ; sa note administrative a été sous évaluée d'au moins 0,7 à 0,8 points en moyenne et sa note pédagogique d'au moins un point sur l'ensemble de sa carrière ;

- il n'a pas fait l'objet d'évaluation pédagogique annuelle entre 1999 et 2006 ; sa note a été reconduite sans appréciation écrite, ni évaluation annuelle ; sa notation, fixée à 51 en 1997 et reconduite jusqu'en 2006, est passée à 60 après la nouvelle inspection de 2007 ;

- la procédure de notation était irrégulière dès lors qu'aucune appréciation pédagogique ne lui a été communiquée avant la notification de sa note globale ; les recteurs n'ont pas fixé d'appréciations littérales en ce qui concerne sa notation administrative ; les notes administratives chiffrées fixées par les recteurs ne lui ont pas été notifiées avant que la commission administrative paritaire ne se réunisse pour une éventuelle révision de ses notes ;

- ces irrégularités l'ont privé de garanties procédurales et ont provoqué un retard supplémentaire de plusieurs années dans sa carrière et ses promotions de grade et de corps ;

- les propositions et avis du recteur d'académie reposent sur des faits inexacts quant aux échelons et à l'ancienneté et sur une notation irrégulière et sont, de ce fait, irréguliers ;

- les notes de service comportent des dispositions impératives de caractère statutaire qui méconnaissent les articles 15 du décret du 14 février 1959 et 18 du décret du 29 avril 2002 ;

- le recteur et le ministre n'ont pas bénéficié d'une information complète et éclairée dès lors que, s'il a bénéficié d'un avis favorable de son chef d'établissement, il méritait un avis très favorable ; un chef d'établissement ne peut émettre qu'un nombre limité d'avis très favorables ;

- le recteur s'est fondé sur l'avis des inspecteurs pédagogiques régionaux lesquels cependant n'inspectent pas les enseignants de classes préparatoires aux grandes écoles, dont les inspections sont réservées à l'inspection générale de la discipline ; ces inspecteurs ne connaissent pas l'établissement, ni les personnels concernés ni le type de classes en cause ; le recteur et le ministre n'ont pu procéder dès lors à un examen approfondi de sa valeur professionnelle ;

- depuis le 1er juillet 2006, il a atteint la note globale de 100, qui est la note maximale qui puisse être attribuée dans son corps ; il a toujours fait l'objet d'appréciations excellentes de la part de ses chefs d'établissements et des inspecteurs, et a été promu au grand choix à chaque changement d'échelon ; les avis émis par le recteur lors des trois dernières années ainsi que le refus du ministre de l'inscrire au tableau d'avancement à la hors classe et d'effectuer une reconstitution de sa carrière sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que d'autres enseignants ayant le même échelon ou un échelon inférieur et qui sont moins anciens que lui ont été promus avec des notes plus faibles et en exerçant des responsabilités moindres ;

- le ministre n'indique pas les critères qui ont été pris en compte pour l'accès à la hors classe et au corps des professeurs de chaires supérieures ; il ressort des pièces du dossier que les critères retenus sont étrangers à la valeur professionnelle et contraires aux règles statutaires ;

- l'erreur ne porte pas uniquement sur six mois d'ancienneté ainsi que l'a relevé à tort le tribunal ;

- le ministre a commis une erreur de droit en pensant que sa promotion à la hors classe en 2008 était impossible du fait de sa promotion à venir dans le corps des professeurs de chaires supérieures au 1er septembre 2008 ; la commission n'a en conséquence pas examiné une possible promotion au titre de la hors classe ; l'arrêté le nommant n'est pas définitif et n'était pas encore entré en vigueur lors de la réunion de la commission administrative paritaire ; il avait la possibilité de refuser sa nomination dans le corps des professeurs de chaires supérieures ;

- professeur affecté dans l'enseignement privé sous contrat d'association, il a été victime d'une discrimination illégale par rapport à ses collègues nommés dans l'enseignement public ;

- les notes de service n° 2005-219 du 15 décembre 2005 (BOEN n° 47, 22 décembre 2005), n° 2006-206 du 12 décembre 2006 (BOEN no 47, du 21 décembre 2006) et n° 2007-182 du 6 décembre 2007 (BOEN n° 46, du 20 décembre 2007), qui ont été respectivement appliquées pour l'élaboration des tableaux à la hors classe des années 2006, 2007 et 2008 et lors du refus du

17 juillet 2008 de reconstitution de sa carrière sont illégales dès lors qu'elles ajoutent des conditions qui ne sont pas prévues par les textes réglementaires ;

- les annulations contentieuses impliquaient que sa carrière fut reconstituée, y compris en matière de promotion au sein du corps des professeurs de chaires supérieures ; sa promotion, à compter du 1er septembre 2008, dans le corps des professeurs de chaires supérieures ne tient pas compte des retards de carrière et de notation qu'il a subis ; c'est avec au moins 5 ou 6 années de retard qu'il a été promu dans ce corps ;

- ni les inspections générales, ni la commission paritaire des professeurs de chaires supérieures n'ont été consultées ;

- il reprend les moyens qu'il a développés précédemment pour contester les promotions dans le corps des professeurs de chaires supérieures ;

- le ministre a commis une faute en ne procédant pas à son inscription sur le tableau d'avancement et en refusant de le promouvoir au grade de professeur agrégé hors classe au titre des années 2008 et des années précédentes ; il a également commis une faute en refusant de l'inscrire sur la liste d'aptitude et de le promouvoir dans le corps des professeurs de chaires supérieures au titre des années 2007 et précédentes ;

- la décision du ministre lui a causé des préjudices de nature différente.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 avril 2015 et le 3 mars 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les tableaux d'avancement établis au titre des années 2006 et 2007 ont été diffusés par la voie du système électronique d'information et d'aide pour les promotions, auquel M. A...avait accès en sa qualité de personnel enseignant au cours de ces mêmes années ;

- la décision contestée a été prise par une autorité compétente ;

- elle n'avait pas à être motivée et l'était suffisamment ;

- il ressort du procès-verbal de la commission administrative paritaire qui s'est réunie les 1er, 2 et 3 juillet 2008 qu'elle s'est prononcée après un examen approfondi et rétroactif de la situation de M. A...entre 1996 et 2007 ; elle a tenu compte de l'ensemble des éléments relatifs à la situation nouvelle résultant de la reconstitution de sa carrière ; il a fait l'objet d'un avis favorable à une nomination dans le corps des professeurs de chaires supérieures seulement au titre de l'année 2008 ;

- le moyen tiré de l'illégalité des notes de service ministérielles relatives à l'accès à la hors classe pour 2006, 2007 et 2008 sur lesquelles seraient fondés les tableaux d'avancement pour 2006, 2007 et 2008 ainsi que la décision contestée, est inopérant dès lors que ces derniers n'ont pas été pris en application de ces notes, qui n'en constituent pas le fondement légal ;

- il n'établit pas que l'administration aurait méconnu les règles statutaires applicables à l'examen des candidatures à l'avancement de grade dans le cadre de la reconstitution de sa carrière ;

- le moyen tiré de l'irrégularité de ses notations est également inopérant ; en tout état de cause, un décalage de six mois dans le déroulement d'une carrière n'emporte aucune conséquence déterminante sur le déroulement de la situation du fonctionnaire dès lors que l'accès par liste d'aptitude à la hors classe du corps des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré et l'accès à la liste d'aptitude au corps des professeurs de chaires supérieures ne résulte pas des seules notations mais d'une appréciation d'ensemble de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des candidats ;

- il ne peut utilement se prévaloir de la situation de certains de ses collègues qui auraient bénéficié d'un déroulement de carrière plus rapide que le sien, dès lors qu'il a bénéficié de septembre 1989 à août 1995, puis de septembre 1997 à août 1999 de périodes de disponibilité ;

- il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- nommé professeur de chaires supérieures à compter du 1er septembre 2008, M. A...ne pouvait, à cette même date, être promu à la hors classe du corps des professeurs agrégés auquel il n'appartenait plus ;

- l'existence d'une discrimination dans le traitement des promotions entre les enseignements affectés dans l'enseignement privé et ceux affectés dans l'enseignement public, n'est pas établie.

Par un mémoire enregistré le 11 avril 2016, M. A...conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.

Par une décision en date du 9 septembre 2014, le président de la Cour administrative d'appel de Paris a accordé à M. A...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 68-503 du 30 mai 1968 ;

- le décret n° 72-580 du 4 juillet 1972, modifié ;

- le décret n° 2002-682 du 29 avril 2002 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Coiffet,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

1. Considérant que M.A..., qui est professeur agrégé de mathématiques, a été promu au grand choix au troisième échelon de son grade à compter du 15 août 1982, par un arrêté du 18 novembre 1982 ; qu'en exécution d'un arrêt de la Cour administrative d'appel de Nantes, du 4 décembre 2007, le ministre de l'éducation nationale a, par un arrêté du 23 mai 2008, rectifié par un arrêté du 10 juillet 2008, nommé M. A...au grand choix au 11ème échelon de son grade ; que, par un arrêté du 13 juin 2008 du ministre de l'éducation nationale, M. A...a intégré le corps des professeurs de chaires supérieures le 1er septembre suivant ; qu'estimant remplir depuis plusieurs années les conditions pour bénéficier d'un avancement de grade à la hors classe du corps des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré, voire d'une promotion dans le corps des professeurs de chaires supérieures, avant sa nomination au 1er septembre 2008, M. A...a contesté, par une lettre du 4 juillet 2008, les modalités de sa reconstitution de carrière ; que, par une décision du 17 juillet 2008, le ministre de l'éducation nationale, après avoir consulté la commission administrative paritaire nationale des agrégés compétente, qui s'est réunie le 2 juillet, a rejeté sa demande en précisant que les propositions de promotion à la hors classe pour 2008 et à titre de régularisation, pour les années précédentes où M. A...remplissait les conditions requises, n'avaient pas été retenues ; que le requérant a déféré cette décision au Tribunal administratif de Versailles en tant que le ministre avait refusé de procéder à la reconstitution de sa carrière, de l'inscrire sur le tableau d'avancement et de le promouvoir au grade de professeur agrégé hors classe au titre de l'année 2008 et des années précédentes où il remplissait les conditions requises pour accéder audit grade, et de l'inscrire sur la liste d'aptitude et de le promouvoir dans le corps des professeurs de chaires supérieures au titre de l'année 2007 et des années précédentes ; que, par la même requête, il a également demandé au tribunal d'annuler les tableaux d'avancement pour l'accès au grade de professeur agrégé hors classe établis au titre des années 2006, 2007 et 2008 ainsi que les promotions individuelles subséquentes ; qu'il a enfin sollicité la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices matériel et moral qu'il estimait avoir subis du fait de l'illégalité de ces décisions ; qu'il fait appel du jugement du 27 novembre 2013, par lequel le Tribunal administratif de Paris, auquel le Tribunal administratif de Versailles avait renvoyé la demande de M.A..., a rejeté la totalité des conclusions de sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

3. Considérant qu'il ressort du dossier soumis aux premiers juges que le tribunal n'a pas répondu au moyen soulevé devant lui, qui n'était pas inopérant, tiré du caractère irrégulier de ses notations depuis l'année 1995, qui ont été établies alors qu'aucune appréciation pédagogique ne lui avait été communiquée et que le recteur n'avait pas fixé d'appréciation littérale pour sa notation administrative ; qu'il ne s'est pas non plus prononcé sur le bien-fondé du moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le ministre de l'éducation nationale en estimant que sa promotion à la hors classe au grade de professeur agrégé de l'enseignement secondaire était rendue impossible par sa nomination dans le corps des professeurs de chaires supérieures à compter du 1er septembre 2008 ; que M. A...est, par suite, fondé à soutenir que le jugement attaqué du 27 novembre 2013 du Tribunal administratif de Paris est irrégulier et qu'il doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation des tableaux d'avancement à la hors classe du corps des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré en litige :

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " ;

6. Considérant qu'aucun principe général non plus qu'aucune règle ne s'oppose à ce que la publication d'une décision réglementaire régissant la situation des personnels d'un établissement public prenne la forme d'une mise en ligne de cette décision sur l'Intranet ; que, toutefois, ce mode de publicité n'est susceptible de faire courir le délai de recours contentieux à l'égard des intéressés et des groupements représentatifs du personnel qu'à la condition, d'une part, que l'information ainsi diffusée puisse être regardée, compte tenu notamment de sa durée, comme suffisante et, d'autre part, que le mode de publicité par voie électronique et les effets juridiques qui lui sont attachés aient été précisés par un acte réglementaire ayant lui-même été régulièrement publié ;

7. Considérant que le ministre de l'éducation nationale fait valoir que les conclusions de la demande de M. A...dirigées contre les tableaux d'avancement établis au titre des années 2006 et 2007, n'ont pas été présentées dans le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 précité du code de justice administrative ; que, toutefois, il n'a produit aucun document susceptible d'établir que le tableau d'avancement de l'année 2006 avait fait l'objet d'une publication régulière ; que, s'il indique que le tableau d'avancement de l'année 2007 a été diffusé le 11 juin 2007 sur le " système d'information et d'aide pour les promotions " (SIAP), auquel il est constant que

M. A...avait, en sa qualité d'enseignant, librement accès, il ne fournit aucune précision sur la durée de cette diffusion ; que la note du 21 décembre 2006, publiée au bulletin officiel de l'éducation nationale, qu'il a versée au dossier, qui se borne à énoncer que " la liste des enseignants promus sera publiée sur SIAP ", ne comporte aucune indication sur les modalités et les effets de la publication par voie électronique des tableaux d'avancement ; qu'ainsi, la mise en ligne le

11 juin 2007 sur le système d'information et d'aide pour les promotions du tableau contesté de 2007 n'a pu faire courir le délai de recours contentieux à l'encontre de M.A... ; que, par suite, le ministre de l'éducation nationale n'est pas fondé à soutenir que les conclusions de la demande de

M. A...tendant à l'annulation de ces deux tableaux sont tardives et, par suite, irrecevables ;

8. Considérant, d'autre part, que M.A..., qui n'a été nommé dans le corps des professeurs de chaires supérieures qu'à compter du 1er septembre 2008, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour contester le tableau d'avancement à la hors classe du corps des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré de l'année 2008, publié au mois de juillet 2008, ainsi que les promotions individuelles en résultant ;

En ce qui concerne la légalité des décisions contestées :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 9 du décret susvisé du

4 juillet 1972 : " Le collège des inspecteurs généraux de la discipline du professeur note celui-ci selon une cotation de 0 à 60. Cette note est arrêtée compte tenu d'une appréciation pédagogique portant sur la valeur de l'action éducative et de l'enseignement donnés. L'appréciation pédagogique est communiquée immédiatement au professeur. La note et l'appréciation pédagogiques ne peuvent être révisées " ; qu'aux termes de l'article 10 de ce décret : " Les notes administratives éventuellement révisées, font l'objet d'une péréquation à l'échelon national. La note globale est attribuée par le ministre de l'éducation nationale en faisant la somme de la note administrative ainsi péréquée et de la note pédagogique. La note globale, la note administrative et la note pédagogique sont communiquées par le ministre à chaque professeur. " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la notation pédagogique de M. A..., qui été fixée à 51 en 1997, à la suite d'une inspection qui s'est déroulée la même année, est demeurée inchangée jusqu'en 2006, où elle a été portée à 60 à l'issue d'une dernière inspection, qui a été organisée le 1er juillet 2006 ; que M. A...soutient sans être contredit que sa notation jusqu'en 2005 correspond à la simple reconduction à l'identique de la note pédagogique qui lui a été attribuée en 1997 et que l'administration s'est ainsi abstenue, pendant cette période, de porter l'appréciation annuelle à laquelle elle était pourtant tenue sur la valeur de son action éducative et de l'enseignement qu'il avait dispensé ; que, dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que sa valeur pédagogique n'a pas été légalement appréciée par le ministre de l'éducation nationale ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 58 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : " L'avancement de grade a lieu de façon continue d'un grade au grade immédiatement supérieur. (...) ./ Sauf pour les emplois laissés à la décision du Gouvernement, l'avancement de grade a lieu, selon les proportions définies par les statuts particuliers, suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : /1° Soit au choix par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents ; (...) "; qu'aux termes de l'article 17 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées./ Les statuts particuliers peuvent ne pas prévoir de système de notation " ;

12. Considérant que les commissions administratives paritaires fonctionnent comme des commissions d'avancement lorsqu'elles sont saisies pour avis des tableaux d'avancement préparés par l'administration ; qu'il leur appartient de procéder à un examen approfondi de la valeur professionnelle des agents, compte tenu principalement des notes obtenues par chacun d'eux et des propositions motivées formulées par les chefs de service ; que cet examen ne permet aux commissions d'apprécier la valeur professionnelle des intéressés que si ces derniers ont pu utilement saisir ces commissions de requêtes tendant à ce qu'il soit demandé, le cas échéant, aux chefs de service compétents pour les noter, la révision de leur notation ; que les fonctionnaires ne sont en mesure d'user du droit qui leur est ainsi reconnu que si les notes chiffrées qui leur ont été attribuées ont été portées à leur connaissance ;

13. Considérant que M. A...soutient sans être contredit que les notes chiffrées qui lui ont été attribuées de 1997 à 2007 ne lui ont pas été communiquées avant les réunions des commissions administratives paritaires qui ont délibéré sur les inscriptions au tableau d'avancement pour l'accès au grade de professeur agrégé hors classe de l'enseignement secondaire au titre des années 2006 à 2008 ; que M.A..., qui n'a ainsi pas été mis en mesure de demander la révision de ses notations avant que la commission ne se prononce sur la valeur professionnelle des différents candidats inscrits sur les projets de tableau d'avancement remis par l'administration, a été privé d'une garantie ; que, par suite, il est fondé à soutenir que l'établissement des tableaux d'avancement des années 2006, 2007 et 2008 repose sur une procédure irrégulière et que ces trois tableaux d'avancement doivent être annulés, ainsi que, par voie de conséquence, l'ensemble des décisions individuelles de promotion prises sur leur fondement ; qu'il y a lieu également d'annuler la décision du 17 juillet 2008 du ministre de l'éducation nationale refusant d'inscrire M. A...au tableau d'avancement au grade de professeur agrégé hors classe de l'enseignement secondaire, au titre de l'année 2008 et des années précédentes pour lesquelles il remplissait les conditions légales pour accéder à ce grade, et de le promouvoir audit grade, ainsi que le refus du ministre d'inscrire l'intéressé sur la liste d'aptitude et de le promouvoir dans le corps des professeurs de chaires supérieures au titre de l'année 2007 et des années précédentes pour lesquelles il remplissait les conditions d'accès à ce corps ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

14. Considérant que, si M. A...fait valoir qu'en 2006, il avait atteint la note maximum de 100, qu'il a été promu au grand choix à partir du 4ème échelon de son grade et que son ancienneté était supérieure à celle de certains candidats, il n'a produit aucun document permettant de porter une appréciation sur sa valeur professionnelle et qui serait ainsi susceptible d'établir que le ministre aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de le promouvoir au grade de professeur agrégé hors classe de l'enseignement secondaire, puis de le nommer dans le corps des professeurs de chaires supérieures alors qu'il remplissait les conditions statutaires lui permettant d'accéder à ce grade et à ce corps ; que M. A...n'est, dès lors, pas fondé à soutenir qu'il a été privé d'une chance sérieuse de bénéficier de ces promotions ;

15. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de M.A..., qui se plaint du retard apporté par son employeur dans l'établissement de ses notations et des recours qu'il a dû exercer pour faire valoir ses droits, en lui allouant une indemnité d'un montant de 1 000 euros, tous intérêts compris ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande de communication de pièces de M.A..., que celui-ci est seulement fondé à demander, d'une part, l'annulation des tableaux d'avancement au grade de professeur agrégé hors classe de l'enseignement du second degré au titre des années 2006, 2007 et 2008 et des promotions prononcées sur le fondement de ces tableaux, d'autre part, l'annulation de la décision du 17 juillet 2008 du ministre de l'éducation nationale refusant de l'inscrire au tableau d'avancement et de le promouvoir au grade de professeur agrégé hors classe de l'enseignement du second degré au titre de l'année 2008 et des années précédentes, et, enfin, l'annulation du refus du ministre de l'inscrire sur la liste d'aptitude et de le promouvoir dans le corps des professeurs de chaires supérieures au titre de l'année 2007 et des années précédentes ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Chillaoui, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Chillaoui de la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 27 novembre 2013 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les tableaux d'avancement au grade de professeur agrégé hors classe de l'enseignement secondaire établis au titre des années 2006, 2007 et 2008 ainsi que les promotions individuelles subséquentes sont annulés.

Article 3 : La décision du 17 juillet 2008 du ministre de l'éducation nationale refusant d'inscrire M. A...au tableau d'avancement et de le promouvoir au grade de professeur agrégé hors classe de l'enseignement secondaire, au titre de l'année 2008 et des années précédentes, ainsi que le refus du ministre de l'inscrire sur la liste d'aptitude et de le promouvoir dans le corps des professeurs de chaires supérieures au titre de l'année 2007 et des années précédentes, sont annulés.

Article 4 : L'Etat est condamné à verser à M. A...une somme de 1 000 euros, tous intérêts compris, en réparation de son préjudice moral.

Article 5 : L'Etat versera à Me Chillaoui, avocat de M.A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Chillaoui renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à Me Chillaoui.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 mai 2016.

Le rapporteur,

V. COIFFETLe président,

S.-L. FORMERYLe greffier,

S. JUSTINE

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA00761


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00761
Date de la décision : 26/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement - Avancement - Avancement de grade - Tableaux d'avancement.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Commissions administratives paritaires - Attributions.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : CHILLAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-05-26;14pa00761 ?
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