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02/06/2016 | FRANCE | N°15PA02785

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 02 juin 2016, 15PA02785


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 juin 2014 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1501509/3-3 du 16 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 17 juin 2014, lui a enjoint de délivrer à M. D...une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'à

ce qu'il ait procédé au réexamen de sa situation administrative et condamné l'Etat à ve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 juin 2014 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1501509/3-3 du 16 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 17 juin 2014, lui a enjoint de délivrer à M. D...une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'à ce qu'il ait procédé au réexamen de sa situation administrative et condamné l'Etat à verser la somme de 1 000 euros à MeB..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2015, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501509/3-3 du 16 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de M.D....

Le préfet de police soutient que :

- les dispositions des articles L. 742-3 et R. 733-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues ;

- l'arrêté attaqué, pris après examen de la situation de l'intéressé, est signé par une autorité compétente et suffisamment motivé ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être utilement invoqué ;

- le requérant a été mis en mesure de présenter tous éléments au soutien de sa demande ;

- les autres moyens doivent être écartés pour les motifs opposés en première instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 décembre 2015, M.D..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête du préfet de police.

M. D...soutient que :

- la décision de la Cour nationale du droit d'asile ne lui a pas été régulièrement notifiée ;

- il n'y a pas lieu d'annuler les injonctions prononcées par le tribunal ;

- le signataire de l'arrêté attaqué n'était pas compétent ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier et personnel de sa situation ;

- l'arrêté attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il maintient ses moyens de première instance.

M. D...a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 20 novembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;

- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Platillero a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.D..., ressortissant bangladais entré en France le 28 mars 2013 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour en France au titre de l'asile ; que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande par décision du 12 août 2013, ainsi que la Cour nationale du droit d'asile par ordonnance du 14 mai 2014 ; que, par arrêté du 17 juin 2014, le préfet de police a refusé de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-13 et L. 314-11-8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que, par jugement du 16 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de police de délivrer à M. D...une autorisation provisoire de séjour ; que le préfet de police fait appel de ce jugement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M.D... :

2. Considérant que la circonstance que le préfet de police a pris les mesures d'exécution ordonnées par le jugement attaqué ne rend pas son appel à l'encontre de ce jugement en tant qu'il a prononcé une injonction irrecevable ni sans objet, l'exécution de la chose jugée étant sans incidence sur l'exercice de l'appel ; que, par ailleurs, la circonstance qu'une nouvelle décision défavorable a été prise est également sans influence sur l'intérêt du préfet de police à contester l'injonction prononcée par le tribunal, l'appel n'étant pas plus sans objet pour ce motif ; que le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il n'y aurait pas lieu d'annuler les injonctions prononcées par le tribunal, au motif que celles-ci ont été exécutées ;

Sur le motif d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ... " ; qu'aux termes de l'article R. 733-32 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3 ... " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'OFPRA ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'en l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire ; qu'en cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de la cour ;

5. Considérant que le préfet de police produit pour la première fois en appel l'accusé de réception du pli qui contenait l'ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile, présenté le 22 mai 2014 ; que l'avis de réception a été signé par le requérant, la signature portée sur cet avis étant identique à celle portée sur le formulaire de demande d'admission au séjour au titre de l'asile, les récépissés constatant le dépôt de la demande d'asile et une déclaration de perte de l'un de ces récépissés ; qu'à cet égard, dès lors que M. D...ne conteste pas qu'il est le signataire du pli qui contenait l'ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile, dont il était ainsi informé, il n'est pas fondé à soutenir que cette ordonnance ne lui aurait pas été régulièrement notifiée, faute d'avoir été expédiée à l'adresse de domiciliation dont il aurait informé la Cour ; que, dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fait droit au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le Tribunal administratif de Paris et en appel ;

Sur la compétence du signataire :

7. Considérant que, par arrêté du 7 avril 2014, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 11 avril 2014, le préfet de police a délégué sa signature à Mme A..., attachée principale d'administration, adjointe au chef du 10ème bureau, dans la limite des attributions du chef de ce bureau, incluant tous arrêtés et décisions relevant de la compétence dudit bureau ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque ainsi en fait ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

8. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée mentionne les articles L. 314-11-8° et L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle rappelle les décisions prises dans le cadre de la demande d'asile et indique, d'une part, qu'il ne peut ainsi être délivré de titre de séjour sur le fondement de ces articles du code, et, d'autre part, que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale ; que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée manque ainsi en fait ; qu'à cet égard, M. D...ne peut utilement soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le refus de séjour n'a pas pour effet de prononcer son éloignement ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment des termes mêmes de la décision attaquée, que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de M.D... ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application de l'article L. 741-1 présente à l'appui de sa demande : 1° Les indications relatives à son état civil ... 2° Les documents mentionnés dans l'arrêté prévu par l'article R. 211-1 ... 3° Quatre photographies ... 4° L'indication de l'adresse où il est possible de lui faire parvenir toute correspondance pendant la durée de validité de l'autorisation provisoire de séjour délivrée sur le fondement de l'article R. 742-1 ... L'indication des pièces à fournir par l'étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application du présent article est portée à sa connaissance par les services de la préfecture. Ces derniers remettent alors à l'étranger un document d'information sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter eu égard aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que sur les organisations qui assurent une assistance juridique spécifique et celles susceptibles de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil dont il peut bénéficier, y compris les soins médicaux. Cette information se fait dans une langue dont il est raisonnable de penser que le demandeur d'asile la comprend " ;

10. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France, édictées afin d'assurer la transposition en droit français des objectifs fixés par l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 susvisée, l'étranger présent sur le territoire français qui, n'étant pas déjà admis à séjourner en France, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile, est informé par les services de la préfecture des pièces à fournir en vue de cette admission et se voit remettre un document d'information sur ses droits et obligations, ainsi que sur les organisations susceptibles de lui procurer une assistance juridique, de l'aider ou de l'informer sur les conditions d'accueil offertes aux demandeurs d'asile, cette information devant être faite dans une langue dont il est raisonnable de penser que l'intéressé la comprend ;

11. Considérant qu'eu égard à l'objet de ce document d'information, sa remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asiles, ainsi que le prévoit l'article R. 741-2 du code précité, pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, dans le respect notamment des délais prévus ; que si le défaut de remise de ce document à ce stade est de nature à faire obstacle au déclenchement du délai de vingt et un jours prévu par l'article R. 723-1 du même code pour saisir l'OFPRA, il ne peut, en revanche, être utilement invoqué à l'appui d'un recours mettant en cause la légalité de la décision par laquelle le préfet statue, en fin de procédure, après intervention de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, après celle de la Cour nationale du droit d'asile, sur le séjour en France au titre de l'asile ou à un autre titre ; que le moyen tiré par M. D...de ce qu'il n'aurait pas bénéficié, dans une langue qu'il comprenait, de l'information prévue à l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à l'article 10 de la directive n° 2005/85 du 1er décembre 2005 doit dès lors être écarté comme inopérant ;

12. Considérant, en troisième lieu, que M. D...a contesté la décision de l'OFPRA du 12 août 2013 devant la Cour nationale du droit d'asile, juridiction compétente, par un recours enregistré le 9 septembre 2013 ; qu'il ne peut dès lors sérieusement soutenir qu'il disposerait d'un droit au séjour, faute de notification régulière de la décision de l'OFPRA ;

13. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour ... 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ... " ; qu'aux termes de l'article L. 313-13 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-11 est délivrée de plein droit à l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 du présent code ... " ;

14. Considérant qu'il n'appartient qu'à l'OFPRA et, le cas échéant, à la Cour nationale du droit d'asile, de se prononcer sur le droit des intéressés à l'asile ; que M.D..., qui a sollicité son admission au statut de réfugié, s'est vu refuser la reconnaissance de cette qualité par une décision de l'OFPRA confirmée par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il s'ensuit que le préfet de police était tenu de refuser d'accorder à M. D...la carte de résident qu'il sollicitait en qualité de réfugié sur le fondement des dispositions précitées du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'à cet égard, le requérant ne peut utilement se prévaloir de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le refus de titre de séjour n'emporte pas, par lui-même, décision d'éloignement ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ... lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : ... 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ... La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ... " ;

16. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, dès lors que, comme en l'espèce, ce refus est lui-même motivé et pris après examen de la situation personnelle du demandeur, ainsi qu'il a été dit précédemment, et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, ce qui est le cas dès lors que l'arrêté attaqué mentionne l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation des actes administratifs ; que ces dispositions n'étant pas incompatibles avec les objectifs définis à l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée, M. D...ne peut utilement se prévaloir de cet article ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée doit être écarté ;

17. Considérant, en deuxième lieu, que, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. D...ne disposait plus d'un droit au séjour en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la date de la décision attaquée ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit ainsi être écarté ;

18. Considérant, en troisième lieu, que lorsqu'il fait obligation à un étranger de quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 susvisée, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ;

19. Considérant que, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à cette occasion, il est appelé à préciser les motifs qui, selon lui, sont susceptibles de justifier que lui soit accordé un droit au séjour en France et qui feraient donc obstacle à ce qu'il soit tenu de quitter le territoire français, ainsi qu'à fournir tous les éléments venant à l'appui de sa demande ; qu'il doit en principe se présenter personnellement aux services de la préfecture et qu'il lui est donc possible d'apporter toutes les précisions qu'il juge utiles à l'agent chargé d'enregistrer sa demande, voire de s'informer des conséquences d'un éventuel refus opposé à sa demande ; qu'ainsi, la seule circonstance que le préfet qui refuse la délivrance ou le renouvellement du titre sollicité par l'étranger en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français n'a pas, préalablement à l'édiction de cette mesure d'éloignement, et de sa propre initiative, expressément informé l'étranger qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français, en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à faire regarder l'étranger comme ayant été privé de son droit à être entendu au sens du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;

20. Considérant que M. D...fait valoir qu'il n'a pas été informé par le préfet de police qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, ni n'a été mis en mesure de présenter ses observations sur l'éventualité d'une telle décision ainsi que sur ses modalités d'exécution, avant qu'il ne lui soit fait obligation de quitter le territoire français ; que toutefois, cette mesure fait suite au rejet, par une décision du même jour, de sa demande de titre de séjour ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que, dans un tel cas, aucune obligation d'information préalable ne pesait sur le préfet de police ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D...ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il ait été empêché de présenter ses observations avant que ne soit prise la décision litigieuse, ni même encore qu'il disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle susceptibles d'influer sur le sens de la décision contestée ; que, dans ces conditions, M. D...n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu qu'il tient du principe général du droit de l'Union ;

21. Considérant, enfin, que, compte tenu de ce qui a été dit précédemment s'agissant de la décision refusant d'accorder un titre de séjour, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, doit être écarté ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

22. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " ... Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

23. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué vise les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que l'obligation de quitter le territoire français " fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, et alors même qu'il ne mentionne pas l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cet arrêté comporte l'énoncé des éléments de droit qui constituent le fondement de la décision fixant le pays de renvoi ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté ;

24. Considérant, en deuxième lieu, que M. D...fait valoir qu'il a fui le Bangladesh en raison des persécutions qu'il a subies du fait de ses activités politiques et qu'il craint pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il soutient ainsi qu'il a adhéré au " Chattra Dal " et exercé les mandats de secrétaire adjoint chargé de la propagande et de la publication, puis de secrétaire général, a été victime de violences d'opposants en 2010 sans que des suites soient données à sa plainte, puis de nouvelles violences à la suite desquelles il a néanmoins fait l'objet d'une procédure au cours de laquelle il a été détenu trois mois ; qu'il soutient également qu'il a été victime en 2012 d'une nouvelle procédure infondée l'accusant de persécutions sur des femmes et en 2013 faussement accusé du meurtre d'un passant tué lors d'un rassemblement politique, cette procédure l'exposant à la peine de mort, que son père a également été persécuté et est emprisonné et son frère tué, qu'un jugement a été rendu à son encontre en 2013 le condamnant à dix ans d'emprisonnement assortis de travaux forcés, un second jugement le condamnant à une peine de sept années d'emprisonnement ayant été rendu en 2015 et des mandats d'arrêt le visant ayant été pris ; que, toutefois, les pièces que M. D...a produites à l'appui de ses allégations ne permettent pas d'établir qu'il serait effectivement et personnellement exposé à des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'en effet, ces pièces consistent, d'une part, notamment en des articles de presse, des rapports et résolutions du Parlement européen décrivant la situation générale au Bangladesh, l'action de la police et la situation des prisons dans ce pays, et, d'autre part, en des attestations peu circonstanciées et des pièces judiciaires dont la valeur probante ne peut être tenue pour établie ; qu'en outre, la demande d'asile du requérant a été rejetée par une décision de l'OFPRA, qui a estimé que les faits allégués n'étaient pas établis, confirmée par ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile ; que, dans ces conditions, le préfet de police, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait estimé lié par la décision rendue au terme de la procédure de demande d'asile, n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

25. Considérant, enfin, que, compte tenu de ce qui a été dit précédemment s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, doit être écarté ;

26. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 17 juin 2014, lui a enjoint de délivrer à M. C...une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'à ce qu'il ait procédé au réexamen de sa situation administrative et a condamné l'Etat au versement de la somme de 1 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501509/3-3 du 16 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de M. D...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M.D....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juin 2016.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

S.-L. FORMERY Le greffier,

S. JUSTINELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02785


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02785
Date de la décision : 02/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : TAELMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-06-02;15pa02785 ?
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