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08/07/2016 | FRANCE | N°15PA01795

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 juillet 2016, 15PA01795


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu qui lui avait été assignée au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1409706/2-3 du 5 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de MmeB....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2015 et un mémoire enregistré le 2 décembre 2015, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler

le jugement n° 1409706/2-3 du 5 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu qui lui avait été assignée au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1409706/2-3 du 5 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de MmeB....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2015 et un mémoire enregistré le 2 décembre 2015, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1409706/2-3 du 5 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge du supplément d'impôt et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration, à la seule lecture des informations contenues dans la déclaration établie conformément à l'article 95 T de l'annexe II au code général des impôts, ne pouvait pas avoir connaissance de la nature du contrat conclu avec l'exploitant agricole ni de la répartition entre chaque intervenant de la gestion de l'exploitation et de la prise de risque ; des informations supplémentaires étaient nécessaires pour conclure à l'absence de caractère commercial du bail à ferme ; l'administration fait référence dans sa seconde proposition de rectification à des documents qui ont été appréhendés à l'occasion de la vérification de comptabilité d'une société tierce, la société Nordy Gest, qui est la gérante des sociétés en participation ; l'administration n'a pas fait droit à ses demandes de communication de documents, la dernière en date étant celle du 11 janvier 2013 ;

- un associé dont l'impôt est rectifié au titre de son investissement outre-mer, qui doit être considéré comme un tiers à la société en participation, ne dispose d'aucune information concernant la société dans laquelle il a investi ; il appartient dès lors à l'administration d'apporter la preuve de ce qu'elle allègue concernant la nature du contrat conclu entre les sociétés en participation et l'exploitant agricole ;

- les plantations sont éligibles au dispositif de défiscalisation ; la nature civile du contrat de location est sans incidence sur le droit à réduction d'impôt ; les textes n'exigent pas que les sociétés ayant investi prennent part au risque et à la gestion des investissements ; la défiscalisation n'a pas pour objet de faire des contribuables des exploitants ; le critère essentiel pour le bénéfice de la réduction d'impôt tient à la réalité de l'investissement et à son affectation à l'activité agricole ;

- la condition exigée par l'article 199 undecies B du code général des impôts quant au caractère commercial des contrats de location a pour seule finalité de garantir la qualification industrielle et commerciale de l'opération ; la location des plantations poursuit un objectif professionnel et non patrimonial ; le législateur n'a pas entendu exclure le secteur agricole de la possibilité d'un investissement indirect par le biais de particuliers mettant à disposition de l'exploitant un investissement productif ;

- la doctrine administrative elle-même (BOI-BA-BASE-20-30-10 n° 100) admet que les plantations puissent faire l'objet d'un amortissement ; les sociétés en participation sont propriétaires des plants qui sont inscrits à l'actif de leur bilan ; elles ont ainsi fait l'acquisition d'immobilisations corporelles amortissables.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de Me Schlumberger, avocat de MmeB....

Une note en délibéré, enregistrée le 30 juin 2016, a été présentée par Me C...pour MmeB....

1. Considérant que Mme B...a financé, par l'intermédiaire de sociétés en participation, l'acquisition de plants de christophines, d'alpinias et d'anthuriums dans le cadre du dispositif prévu par l'article 199 undecies B du code général des impôts en faveur de certains investissements réalisés outre-mer ; que ces plants ont été donnés en location à des exploitants agricoles en Guadeloupe ; qu'elle a bénéficié au titre de l'année 2008 d'une réduction d'impôt de 41 970 euros correspondant à ces investissements ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal, l'administration a remis en cause le bénéfice de cette réduction d'impôt aux motifs que le contrat de location conclu avec les exploitants agricoles n'avait pas un caractère commercial et que l'acquisition des plants ne s'était accompagnée d'aucun transfert du droit de propriété sur le sol ; que, par une proposition de rectification du 11 juin 2012 se substituant à une précédente proposition du 22 décembre 2011, l'administration fiscale a en conséquence notifié à MmeB..., suivant une procédure de rectification contradictoire, un rehaussement en matière d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008 ; que Mme B...relève appel du jugement du 5 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu qui lui avait été assignée à la suite de ce contrôle ;

Sur les conclusions en décharge :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date de l'imposition en litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. / (...) Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 (...) par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement. / (...) La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location si les conditions mentionnées aux quatorzième à dix-septième alinéas du I de l'article 217 undecies sont remplies et si 60 % de la réduction d'impôt sont rétrocédés à l'entreprise locataire sous forme de diminution du loyer et du prix de cession du bien à l'exploitant. Ce taux est ramené à 50 % pour les investissements dont le montant par programme et par exercice est inférieur à 300 000 euros par exploitant. (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 217 undecies du même code : " (...) La déduction (...) s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location si les conditions suivantes sont réunies : / (...) 2° Le contrat de location revêt un caractère commercial (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale. " ; que l'article L. 110-1 du code de commerce dispose : " La loi répute actes de commerce : / (...) 4° Toute entreprise de location de meubles ; (...) " ;

4. Considérant que les dispositions précitées de l'article 199 undecies B du code général des impôts visent, d'une part, les investissements productifs neufs réalisés dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole, d'autre part, les investissements productifs neufs réalisés dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 du même code ; qu'il ressort des travaux préparatoires à l'article 19 de la loi

n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 à l'origine de l'article 199 undecies B que le législateur, en ajoutant une condition tenant au caractère commercial de la location, a eu comme objectif de garantir la qualification industrielle et commerciale de l'opération de location et d'éviter une éventuelle qualification dans la catégorie des bénéfices fonciers ; qu'eu égard à l'objet de l'article 199 undecies B, qui instaure un dispositif de réduction d'impôt sur le revenu, la condition tenant au caractère commercial de la location doit être regardée comme faisant référence à la catégorie d'imposition des bénéfices industriels et commerciaux ; que les dispositions combinées des articles 199 undecies B et de l'article 217 undecies, qui se bornent à exiger une location commerciale pour des investissements relevant des bénéfices industriels et commerciaux, ne subordonnent pas le bénéfice de la réduction d'impôt à une condition qui imposerait au titulaire de l'avantage fiscal d'assumer une part des risques de l'exploitation de l'entreprise bénéficiant des investissements en cause ; que les dispositions de l'article 199 undecies B, qui se réfèrent sans restriction au secteur d'activité de l'agriculture, ne réservent pas le bénéfice de la réduction d'impôt aux seuls investissements réalisés par des entreprises appartenant elles-mêmes au secteur de la production agricole ; que, par suite, la circonstance que des plants aient été mis à la disposition d'un exploitant agricole par un contrat de location ne prévoyant pas une participation du bailleur aux risques de l'exploitation, est sans incidence sur le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par les dispositions précitées ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sociétés en participation DOM SEP 327, DOM SEP 348 et DOM SEP 364, dont Mme B...était associée, ont financé l'acquisition de plants d'alpinias, de christophines et d'anthuriums qui ont été mis à la disposition d'exploitants agricoles en vue de leur culture en Guadeloupe ; que, pour refuser à Mme B...le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B, le service a notamment relevé dans sa proposition de rectification du 11 juin 2012 que l'acquisition des plants ne s'était accompagnée d'aucun droit sur le fonds ; qu'il ressort de la réclamation du 4 décembre 2013 et qu'il n'est pas contesté par l'administration que le bail conclu avec les exploitants portait uniquement sur les plants inscrits à l'actif des sociétés en participation, à l'exclusion des terres supportant les plantations ; que l'activité de location de plants, qui correspond à une activité de location de biens meubles corporels relève, dès lors que la loi commerciale répute acte de commerce toute entreprise de location de meubles, d'une profession commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts ; qu'ainsi, cette location doit être regardée comme ayant un caractère commercial au sens des dispositions combinées des articles 199 undecies B et de l'article 217 undecies ; que le ministre, qui ne conteste pas la réalité des investissements productifs agricoles réalisés en Guadeloupe, fait valoir que Mme B... ne justifie pas que les contrats prévoient une participation de sa part ou de celle des sociétés bailleresses aux responsabilités et aux risques inhérents à l'exploitation des plants ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, les dispositions précitées ne sauraient être interprétées comme subordonnant le bénéfice de la réduction d'impôt à une telle condition ; que, par suite, Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause le bénéfice de cette réduction d'impôt au titre de l'année 2008 ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de l'imposition en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1409706/2-3 du 5 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Mme B...est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 24 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Driencourt, président de chambre,

- M. Boissy, premier conseiller,

- M. Cheylan, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 juillet 2016.

Le rapporteur,

F. CHEYLAN Le président,

L. DRIENCOURT

Le greffier,

A-L. PINTEAU

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA01795


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01795
Date de la décision : 08/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Frédéric CHEYLAN
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : DGM et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-07-08;15pa01795 ?
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