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08/07/2016 | FRANCE | N°15PA02167

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 juillet 2016, 15PA02167


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre de l'année 2010, ainsi que la décharge des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1403222 du 10 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de M.C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 mai 2015 et des mémoires enregistrés les 27 janvier 2016 et 24 mars 2016, M.C..., re

présenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403222 du 10 avril 2015 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre de l'année 2010, ainsi que la décharge des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1403222 du 10 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de M.C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 mai 2015 et des mémoires enregistrés les 27 janvier 2016 et 24 mars 2016, M.C..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403222 du 10 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition supplémentaire à laquelle il a été assujetti et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration était tenue de procéder à la vérification de comptabilité des sociétés en participation par l'intermédiaire desquelles le contribuable a souscrit aux investissements en cause ; en s'abstenant de procéder à un tel contrôle, l'administration, qui a remis en cause l'existence des investissements, a privé les sociétés en participation, et par voie de conséquence l'investisseur, de la possibilité de présenter les éléments de sa défense ;

- la procédure utilisée par l'administration, consistant à utiliser les informations obtenues dans le cadre du droit de communication alors qu'elle aurait pu contrôler les sociétés en participation, relève d'un détournement de procédure ;

- le droit à la réduction d'impôt naît de la livraison de l'investissement lorsque le bien est acquis ; aucune condition relative à la mise en service n'est exigée ; le caractère productif de l'investissement, qui est une condition se rattachant uniquement à la nature de l'investissement, est sans lien avec l'année au titre de laquelle la réduction est acquise ; la réduction d'impôt doit être accordée au contribuable dès l'année de versement ;

- les critères d'éligibilité retenus par l'administration ne sont pas prévus par les textes ; les articles 199 undecies B du code général des impôts et 95 K de l'annexe II au même code n'exigent pas un agrément préalable du CONSUEL, une demande d'autorisation préalable ou un raccordement au réseau EDF ;

- selon l'instruction 5B-2-07 du 30 janvier 2007 n° 148, l'année de réalisation s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est livrée au sens de l'article 1604 du code civil ; il en résulte que seule la date de remise effective de l'immobilisation doit être prise en compte ; en considérant que la livraison coïncide avec le moment où l'investissement devient productif, l'administration méconnaît sa propre doctrine ; au regard du droit civil, les centrales photovoltaïques sont des corps certains existants dont la délivrance intervient, en l'absence de clause contraire, dès la conclusion du contrat ; les installations de piles photovoltaïques ne constituent pas des matériels complexes imposant au vendeur d'assurer sa mise au point effective après la livraison afin que l'acheteur puisse l'utiliser pleinement.

Par des mémoires en défense enregistrés les 23 octobre 2015 et 10 février 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cheylan, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.

1. Considérant que M. C...a financé, par l'intermédiaire de sociétés en participation, l'acquisition de centrales photovoltaïques en vue de leur installation sur l'île de La Réunion dans le cadre du dispositif prévu par l'article 199 undecies B du code général des impôts en faveur de certains investissements réalisés outre-mer ; qu'il a bénéficié au titre de l'année 2010 d'une réduction d'impôt de 37 575 euros correspondant à ces investissements ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal, l'administration a remis en cause le bénéfice de cette réduction d'impôt au motif que les centrales photovoltaïques ne pouvaient pas être considérées comme réalisées en 2010 ; que, par une proposition de rectification du 12 avril 2013, l'administration fiscale a en conséquence notifié à M.C..., suivant une procédure de rectification contradictoire, un rehaussement en matière d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 ; que M. C...relève appel du jugement du 10 avril 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu qui lui avait été assignée à la suite de ce contrôle ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant que le requérant soutient que l'administration aurait dû procéder à la vérification de comptabilité des sociétés en participation qui ont porté les investissements en litige ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que M. C...n'a pas été imposé à raison de sa quote-part dans le bénéfice de sociétés relevant du régime fiscal des sociétés de personnes ; que l'administration, pour remettre en cause la réduction d'impôt mentionnée sur la déclaration de revenus souscrite par M.C..., s'est basée sur les informations obtenues à la suite du droit de communication exercé auprès d'EDF ; qu'il n'est pas établi ni même allégué que l'administration se serait livrée à cette occasion à un examen de la comptabilité des sociétés en participation ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne contraint l'administration, lorsqu'elle estime que les conditions exigées par l'article 199 undecies B du code général des impôts ne sont pas réunies, à effectuer au préalable un contrôle auprès des sociétés de portage d'investissement ; que si le requérant fait valoir qu'un contrôle sur place aurait permis de constater l'existence des centrales photovoltaïques, il ressort des termes de la proposition de rectification du 12 avril 2013 que le service a fondé son rehaussement sur la date de réalisation des investissements au sens de l'article 199 undecies B et non sur l'absence de matérialité des investissements ; qu'ainsi, et contrairement à ce que prétend le requérant, l'administration n'a commis aucun détournement de procédure en fondant son rehaussement sur les informations obtenues par l'exercice de son droit de communication et non sur celles qu'elle aurait pu collecter lors d'une vérification des sociétés en participation ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que la motivation de la proposition de rectification adressée à M. C...a permis à celui-ci de faire valoir utilement ses observations dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire mise en oeuvre par l'administration ; que, par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que le contrôle sur pièces dont il a fait l'objet l'aurait privé des garanties qui s'attachent à la procédure de rectification contradictoire ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition serait entachée d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date de l'imposition en litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. / (...) La réduction d'impôt est de 50 % du montant, hors taxes et hors frais de toute nature, notamment les commissions d'acquisition, à l'exception des frais de transport, d'installation et de mise en service amortissables, des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique. (...) / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 ou un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C, dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement. / La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. (...) " ; que l'article 95 Q de l'annexe II au même code dispose, dans sa rédaction applicable à la date de l'imposition en litige : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail. (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt pour investissement prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou la date de sa livraison effective dans le département d'outre-mer ; que, dans ce dernier cas, l'investissement doit être regardé comme réalisé lorsqu'il contribue à une production effective dans le département d'outre-mer ;

6. Considérant que le requérant soutient que le caractère productif de l'investissement, qui est une condition se rattachant à la nature de l'investissement, est sans lien avec l'année au titre de laquelle la réduction est acquise ; que, toutefois, l'article 199 undecies B, qui prévoit un régime dérogatoire et doit par voie de conséquence faire l'objet d'une interprétation stricte, réserve le bénéfice de la réduction d'impôt aux investissements productifs ; que la détermination de la date du fait générateur de la réduction d'impôt, qui suppose que l'immobilisation entre dans le champ d'application de l'article 199 undecies B, ne saurait dès lors se limiter à la constatation de sa présence matérielle dans le département d'outre-mer ; que, s'agissant de centrales photovoltaïques, il est constant que leur exploitation nécessite le dépôt préalable auprès d'EDF d'une demande de raccordement au réseau local d'électricité ; qu'ainsi, c'est à bon droit et sans ajouter de conditions d'éligibilité non prévues par les textes, que l'administration a vérifié si les sociétés exploitantes avaient obtenu, ou à tout le moins sollicité en temps utile, les autorisations préalables indispensables au raccordement des centrales photovoltaïques au réseau ; qu'il résulte de l'instruction, en particulier des attestations établies par EDF en réponse au droit de communication exercé par l'administration, que les SNC exploitant les centrales photovoltaïques à La Réunion n'ont déposé une demande complète de raccordement auprès d'EDF que le 11 mars 2011 ; qu'ainsi, les investissements correspondant à ces centrales ne pouvaient pas contribuer en 2010 à une production d'électricité à La Réunion ; que, dès lors, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 199 undecies B que l'administration, qui ne conteste pas l'existence matérielle des centrales, a estimé que les investissements correspondants ne pouvaient pas être regardés comme réalisés en 2010 ; que, par suite, M. C...ne pouvait pas prétendre au bénéfice de la réduction d'impôt pour ces investissements au titre de l'année 2010 ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

7. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. " ; que si ces dispositions instituent une garantie contre les changements de doctrine de l'administration, qui permet aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, qui ajoutent à la loi ou la contredisent, c'est à la condition que les intéressés entrent dans les prévisions de la doctrine, appliquée littéralement, résultant de ces énonciations ; que le juge ne peut se fonder sur les intentions des auteurs d'une instruction pour en apprécier sa portée ;

8. Considérant que le requérant invoque les commentaires administratifs contenus dans l'instruction 5B-2-07 du 30 janvier 2007 n° 148, selon lesquels " l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil " ; que ces commentaires se bornent à renvoyer à un article du code civil qui a pour seul objet de définir l'obligation de délivrance à la charge du vendeur ; qu'ainsi, l'application littérale de ces commentaires ne permet pas de déterminer la date de réalisation des investissements ; qu'ils ne sauraient dès lors être regardés comme contenant une interprétation formelle du texte fiscal opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, verse à M. C...la somme qu'il demande sur ce fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 24 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Driencourt, président de chambre,

- M. Boissy, premier conseiller,

- M. Cheylan, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 juillet 2016.

Le rapporteur,

F. CHEYLAN Le président,

L. DRIENCOURTLe greffier,

A-L. PINTEAU

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA02167


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02167
Date de la décision : 08/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: M. Frédéric CHEYLAN
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : SELARL KIHL-DRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-07-08;15pa02167 ?
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