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30/09/2016 | FRANCE | N°16PA02616

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 30 septembre 2016, 16PA02616


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Margo Cinéma a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 27 janvier 2016 par laquelle le ministre de la culture et de la communication a délivré un visa d'exploitation au film documentaire " Salafistes ", en tant que ce visa d'exploitation est assorti d'une interdiction de représentation aux moins de dix-huit ans.

Par un jugement n° 1601819/5-1 du 12 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 27 janvier 2016 du ministre de la cultu

re et de la communication en tant seulement qu'il a délivré un visa d'exploitat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Margo Cinéma a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 27 janvier 2016 par laquelle le ministre de la culture et de la communication a délivré un visa d'exploitation au film documentaire " Salafistes ", en tant que ce visa d'exploitation est assorti d'une interdiction de représentation aux moins de dix-huit ans.

Par un jugement n° 1601819/5-1 du 12 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 27 janvier 2016 du ministre de la culture et de la communication en tant seulement qu'il a délivré un visa d'exploitation assorti d'une interdiction aux mineurs de

dix-huit ans.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 9 août 2016, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 19 septembre 2016, le ministre de la culture et de la communication, représenté par la SCP Piwnica et Molinie, demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 12 juillet 2016 du Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- les moyens soulevés dans son recours au fond sont sérieux ;

- le film comporte des scènes de très grande violence ; le visa d'exploitation devait être assorti d'une interdiction aux moins de dix-huit ans conformément aux prescriptions de l'article R. 211-12 4° du code du cinéma et de l'image animée ;

- un intérêt public impérieux s'attache à ce que l'interdiction aux moins de dix-huit ans du film " Salafistes " puisse être rétablie dans l'attente de l'arrêt au fond ;

- la délivrance d'un nouveau visa d'exploitation assorti d'une interdiction aux moins de seize ans, le 29 juillet 2016, pour exécuter le jugement du 12 juillet 2016, ne lui interdit ni de faire appel de ce jugement, ni d'en demander le sursis à exécution.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2016, la société Margo Cinéma, représentée par Me B...et MeA..., demande à la Cour :

1°) de rejeter le recours du ministre de la culture et de la communication ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours du ministre de la culture et de la communication est irrecevable ; l'exécution du jugement attaqué est en effet rendue impossible par le visa d'exploitation délivré le 29 juillet 2016 assorti d'une interdiction aux moins de seize ans, qui s'est substitué à ce jugement ;

- les moyens soulevés par le ministre sont inopérants ;

- le sursis à exécution sollicité ne répond à aucun besoin impérieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le recours n° 16PA02615, enregistré le 9 août 2016 tendant à l'annulation du jugement du 12 juillet 2016 du Tribunal administratif de Paris,

- le code du cinéma et de l'image animée,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de MeC..., pour le ministre de la culture et de la communication,

- et les observations de MeA..., pour la société Margo Cinéma.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 28 décembre 2015, la société Margo Cinéma a sollicité la délivrance d'un visa d'exploitation pour le film documentaire " Salafistes ", réalisé par François Margolin et Lemine Ould Salem ; que la commission de classification des oeuvres cinématographiques a, le 26 janvier 2016, émis un avis favorable à la délivrance d'un visa d'exploitation à ce film, assorti d'une interdiction de représentation aux moins de dix-huit ans et d'un avertissement selon lequel " Ce film contient des propos et des images extrêmement violents et intolérants susceptibles de heurter le public " ; que, par une décision du 27 janvier 2016, le ministre de la culture et de la communication a délivré un visa d'exploitation assorti d'une interdiction de représentation aux moins de dix-huit ans, et d'un avertissement libellé comme indiqué ci-dessus ; que ce visa d'exploitation rappelle les motifs de l'avis émis le 26 janvier 2016 par la commission de classification des oeuvres cinématographiques, ainsi rédigés : " Ce film qui donne sur toute sa durée et de façon exclusive la parole à des responsables salafistes, ne permet pas de façon claire de faire la critique des discours violemment anti-occidentaux, anti-démocratiques, de légitimation d'actes terroristes, d'appels au meurtre d'" infidèles " présentés comme juifs et chrétiens, qui y sont tenus. Les images parfois insoutenables soutiennent ces propos en dépit de la volonté des réalisateurs de les utiliser en contrepoint " ; que, par un jugement du 12 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a, à la demande de la société Margo Cinéma, annulé la décision du 27 janvier 2016 en tant seulement que le visa d'exploitation délivré au film " Salafistes " est assorti d'une interdiction aux mineurs de dix-huit ans ; que le ministre de la culture et de la communication demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement " ;

3. Considérant que le jugement dont la suspension est demandée annulant la décision du 27 janvier 2016 en tant seulement que le visa d'exploitation délivré au film documentaire " Salafistes " est assorti d'une interdiction aux moins de dix-huit ans, a pour effet de supprimer la restriction dont le visa accordé était assorti ; que, contrairement à ce que soutient la société Margo Cinéma, la circonstance que le ministre ait délivré un nouveau visa d'exploitation, le 29 juillet 2016, assorti d'une interdiction aux moins de seize ans, n'a pas pour effet de priver d'objet une demande de sursis à exécution de ce jugement et ne rend pas irrecevable la demande présentée par le ministre le 9 août 2016, devant la Cour ;

4. Considérant que le moyen tiré de ce que le film " Salafistes " comporte des scènes de très grande violence justifiant la délivrance d'un visa d'exploitation assorti d'une interdiction aux moins de dix-huit ans, paraît en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner le sursis à l'exécution de ce jugement ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Margo Cinéma demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête formée par le ministre de la culture et de la communication contre le jugement n° 1601819/5-1 du Tribunal administratif de Paris en date du 12 juillet 2016, il sera sursis à l'exécution de ce jugement.

Article 2 : Les conclusions de la société Margo Cinéma, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la culture et de la communication et à la société Margo Cinéma.

Copie en sera adressée au Centre national du cinéma et de l'image animée.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 septembre 2016.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS-TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY-PASSUELLO

La République mande et ordonne au ministre de la culture et de la communication en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16PA02616

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02616
Date de la décision : 30/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Arts et lettres - Cinéma.

Police - Polices spéciales - Police du cinéma (voir : Arts et lettres).

Procédure - Voies de recours - Appel - Conclusions recevables en appel - Conclusions à fin de sursis.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : GRINAL KLUGMAN AUMONT et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-09-30;16pa02616 ?
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