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01/12/2016 | FRANCE | N°15PA00976

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 01 décembre 2016, 15PA00976


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... D...et M. H... D...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 15 juillet 2014 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté leur demande de changement de nom présentée pour leurs trois enfants mineurs I..." D...-B... " en " D... ", et d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder au réexamen de cette demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1415392 du 5 février 201

5, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... D...et M. H... D...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 15 juillet 2014 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté leur demande de changement de nom présentée pour leurs trois enfants mineurs I..." D...-B... " en " D... ", et d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder au réexamen de cette demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1415392 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 mars 2015 et 30 septembre 2016, M. et Mme D..., représentés par Me E..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1415392 du 5 février 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 15 juillet 2014 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté leur demande tendant à substituer le nom de " D..." au nom de " D...-B... " que portent leurs trois enfants mineurs ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder au réexamen de cette demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision attaquée a été signée par une autorité dont la compétence n'est pas établie ;

- ils présentent un intérêt légitime et des circonstances exceptionnelles de nature à justifier la demande de modification du nom de leurs trois enfants, dès lors que celle-ci doit permettre d'assurer l'unicité du nom de leur famille, que le double nom de famille qui leur a été donné résulte d'un défaut d'information de la part de l'agent d'état civil, que ce double nom leur pose des difficultés dans leur vie quotidienne, en particulier dans leurs relations avec les autorités de l'Algérie, pays dont ils ont également la nationalité, qu'il ne s'agit pas de l'usage majoritaire des couples mariés et que cette dévolution d'un nom double contrevient à l'usage de la transmission du nom du père ;

- le ministre de la justice a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que sa décision porte atteinte au droit des enfants de porter le même nom que leurs parents ;

- le ministre de la justice a méconnu les articles 3-1 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, pour les mêmes raisons et compte tenu de la longueur de la procédure ayant précédé la décision du 15 juillet 2014.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2016, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nguyên Duy,

- et les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public.

1. Considérant que, par requête publiée au Journal officiel de la République française du 20 janvier 2011, M. et Mme D...ont demandé à ce que soit substitué au nom de leurs trois enfants mineurs " D...-B... " le patronyme de leur père, " D... " ; que, par décision du 15 juillet 2014, le garde des sceaux, ministre de la justice a opposé un refus à leur demande ; que le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision, par un jugement du 5 février 2015 dont les intéressés relèvent régulièrement appel ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

2. Considérant que M. F...A..., nommé sous-directeur du droit civil au sein de la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice par décret du Président de la République du 16 février 2010 et maintenu dans ces fonctions par décret du Président de la République du 22 février 2013, bénéficie, en cette qualité, de la délégation accordée aux sous-directeurs d'administration centrale par les dispositions du 2° de l'article 1er du décret du

27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement pour signer, au nom du ministre dont ils relèvent, l'ensemble des actes relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité ; que dès lors il était compétent pour signer, au nom du garde des sceaux, ministre de la justice, l'ensemble des actes relatifs aux affaires du service placé sous son autorité, parmi lesquels les décisions portant sur les demandes de changement de nom ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom (...) " ; que des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 311-21 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Lorsque la filiation d'un enfant est établie à l'égard de ses deux parents au plus tard le jour de la déclaration de sa naissance ou par la suite mais simultanément, ces derniers choisissent le nom de famille qui lui est dévolu : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. En l'absence de déclaration conjointe à l'officier de l'état civil mentionnant le choix du nom de l'enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l'égard duquel sa filiation est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l'égard de l'un et de l'autre (...) Lorsqu'il a déjà été fait application du présent article (...) à l'égard d'un enfant commun, le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour les autres enfants communs " ;

5. Considérant qu'il est constant qu'antérieurement à leur mariage, intervenu le 9 novembre 2013, M. D...et Mme B...ont donné naissance à trois enfants en 2006, 2007 et 2010 auxquels ils ont choisi de donner le nom de " D...-B... " en application de l'article 311-21 du code civil précité ; que si les requérants invoquent les informations erronées qui leur auraient été données par les services de l'état-civil, ils ne l'établissent pas et ne font par ailleurs état d'aucune circonstance particulière qui les aurait mis dans l'impossibilité de s'informer par eux-mêmes sur les conséquences du choix de ce nom de famille ;

6. Considérant que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la dévolution du nom de famille de la mère accolé à celui du père contreviendrait à l'usage majoritaire des couples mariés, ni à " un principe de transmission du nom du père ", compte tenu des termes mêmes de l'article 311-21 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille qui a précisément entendu ouvrir une telle possibilité ;

7. Considérant que si Mme B...a, à la suite de son mariage avec M. D... célébré le 9 novembre 2013 postérieurement à la naissance de leurs enfants, choisi de porter à titre d'usage le nom de son conjoint, comme le permet l'article 225-1 du code civil à chacun des époux, cette seule circonstance n'a pu avoir pour effet de porter atteinte à l'unité du nom de famille et ne saurait ainsi constituer un motif légitime justifiant qu'il soit fait droit à leur demande de changement de nom, dès lors que le nom de la requérante reste " B... " et que tous les membres de cette famille portent, seul ou complété du nom deB..., le nom de " D... " ;

8. Considérant que les requérants soutiennent que le double nom de leurs enfants est source de difficultés dans leur vie quotidienne, en particulier avec les autorités algériennes lors de l'entrée dans ce pays dont ils ont également la nationalité, et dans le cas où une procédure successorale serait engagée ; que toutefois la seule production des visas établis au nom de leurs trois enfants par les autorités algériennes et d'articles du code civil algérien relatif à l'état civil, à la succession et au patronyme ne sont pas suffisants pour établir la réalité et l'ampleur des difficultés alléguées, alors notamment qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les autres binationaux ne seraient pas comme leurs enfants soumis en Algérie à une obligation de visa ;

9. Considérant qu'il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le garde des sceaux, ministre de la justice aurait entaché sa décision d'une erreur dans l'appréciation de l'intérêt légitime de leurs enfants à changer de nom ;

10. Considérant par suite qu'en refusant, dans les circonstances de l'espèce, d'autoriser le changement de nom sollicité par M. et Mme D...pour leurs trois enfants mineurs, le garde des sceaux, ministre de la justice n'a pas porté au droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte excessive au regard de l'intérêt public qui s'attache au respect des principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ; que, pour les mêmes raisons, la décision contestée ne méconnaît pas davantage les stipulations des articles 3-1 et 6 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la justice en date du

15 juillet 2014 ; que leur requête d'appel ne peut donc qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...D..., à M. H...D...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.

Lu en audience publique le 1er décembre 2016.

Le rapporteur,

P. NGUYÊN DUY La présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M. C...La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA00976

CS


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00976
Date de la décision : 01/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Pearl NGUYÊN-DUY
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : SHEBABO

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-01;15pa00976 ?
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