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26/01/2017 | FRANCE | N°15PA02229

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 26 janvier 2017, 15PA02229


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée Daem Partners a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assigné au titre de la période allant du 1er octobre 2008 au 31 décembre 2010, du rappel de taxe sur les véhicules de sociétés qui lui a été assigné au titre de la période allant

du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2011 et des pénalités dont ces impositions supplémen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée Daem Partners a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assigné au titre de la période allant du 1er octobre 2008 au 31 décembre 2010, du rappel de taxe sur les véhicules de sociétés qui lui a été assigné au titre de la période allant du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2011 et des pénalités dont ces impositions supplémentaires ont été assorties.

Par un jugement n° 1414103/1-2 du 14 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2015, la société Daem Partners, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1414103/1-2 du 14 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 26 juin 2014 par laquelle l'administration fiscale a rejeté sa réclamation a été signée par une personne incompétente ;

- elle n'était pas en possession de sa comptabilité des années en litige 2009 et 2010, laquelle était détenue par son comptable, qui refusait de la lui restituer en raison d'un litige commercial et le vérificateur aurait dû en conséquence exercer son droit de communication auprès du comptable, pour se procurer cette comptabilité et permettre un dialogue contradictoire ;

- nonobstant l'interdiction faite au cabinet comptable de discuter les redressements avec le vérificateur, celui-ci a néanmoins engagé un dialogue avec le cabinet d'expertise comptable ;

- le vérificateur a effectué des emports et copies de pièces sans autorisation ;

- le vérificateur l'a privée de la possibilité d'un débat oral et contradictoire ;

- l'administration a méconnu le secret professionnel en utilisant la note confidentielle, établie par l'expert comptable Morel, annexée à une facture du 29 décembre 2009 ;

- les impositions supplémentaires mises à sa charge sont infondées ;

- son comportement démontre qu'elle était de bonne foi ; ni le comptable interne, ni le cabinet d'expertise comptable externe, ni le commissaire aux comptes ne l'ont informé de manquements en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; sa gérante supportait par le biais de son compte courant les dépenses afférentes au véhicule de société.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code pénal ;

- l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts comptables et réglementant la profession d'expert comptable ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dalle,

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,

- et les observations de Me Candon, avocate de la société Daem Partners.

1. Considérant que la société d'avocats Daem Partners a fait l'objet en 2012 d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2009 et 2010, à l'issue de laquelle des compléments d'impôt sur les sociétés, de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les véhicules de sociétés ont été mis à sa charge ; qu'elle relève appel du jugement en date du 14 avril 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant que les irrégularités qui peuvent entacher les décisions par lesquelles l'administration statue sur les réclamations contentieuses des contribuables n'ont aucune incidence sur la régularité ou le bien-fondé des impositions contestées ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision du 26 juin 2014 par laquelle l'administration fiscale a rejeté la réclamation de la société Daem Partners aurait été signée par une personne incompétente doit être écarté ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables " ; que, dans le cas où la vérification de comptabilité d'une société a été effectuée, soit, comme il est de règle en vertu des dispositions précitées de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ;

4. Considérant que la société Daem Partners soutient qu'elle n'était pas en possession de sa comptabilité des années en litige 2009 et 2010, laquelle était détenue par son cabinet comptable, qui refusait de la lui restituer en raison d'un litige commercial l'opposant à ce cabinet ; qu'elle soutient que le vérificateur aurait dû en conséquence exercer son droit de communication auprès du comptable, afin de se procurer cette comptabilité et permettre ainsi un dialogue contradictoire ; qu'il résulte cependant de l'instruction que, par lettre du 19 janvier 2012, la société Daem Partners a demandé au cabinet comptable de permettre au vérificateur d'accéder à la comptabilité des exercices en litige, en précisant toutefois que le cabinet comptable n'était pas mandaté pour discuter des rectifications avec le vérificateur ; que le vérificateur a donc pu accéder à la comptabilité de l'entreprise, sans avoir à exercer son droit de communication auprès du cabinet comptable ; qu'il a ainsi pu recueillir les éléments nécessaires à la réalisation de son contrôle et en discuter ensuite contradictoirement avec la société, lors des interventions qui ont eu lieu au siège de l'entreprise les 15 février, 7 mars et 28 mars 2012 ; que la société Daem Partners n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle n'aurait pas alors bénéficié d'un débat oral et contradictoire ; que la circonstance qu'elle ne disposait pas de sa comptabilité lors de ces interventions sur place est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition, dès lors que le motif pour lequel elle était privée de sa comptabilité, lié, comme il a été dit, à un litige commercial l'opposant au cabinet comptable, ne caractérise pas un cas de force majeure, indépendant de sa volonté ;

5. Considérant que la société Daem Partners n'apporte aucun commencement de preuve au soutien de son allégation selon laquelle le vérificateur aurait emporté sans son autorisation des pièces comptables détenues par son cabinet comptable ; que l'administration soutient sans qu'aucune des pièces du dossier permette de contredire cette affirmation que le vérificateur s'est contenté de prendre des photocopies des comptes courants d'associé ouverts dans la comptabilité de la société Daem Partners ; qu'il n'en résulte aucune irrégularité de procédure dès lors que la prise ou la conservation de photocopies de documents comptables n'est pas assimilée à un emport de documents comptables et l'administration peut toujours y procéder, sans autorisation du contribuable ;

6. Considérant qu'il ne résulte d'aucune des pièces du dossier et la société Daem Partners n'apporte aucun commencement de preuve de ce que le vérificateur aurait, comme elle le soutient, engagé un dialogue avec le cabinet comptable de la société à propos des rectifications envisagées, en dépit de l'interdiction donnée sur ce point à ce cabinet par la société requérante ; que le courriel du 13 mars 2012 par lequel le vérificateur remercie la responsable de ce cabinet pour sa " collaboration dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société Daem Partners " ne constitue pas un tel commencement de preuve ;

7. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 226-13 du code pénal : " La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. " ; qu'aux termes de l'article 21 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 : " Sous réserve de toute disposition législative contraire, les experts comptables (...) sont tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les peines fixées par l'article 226-13 du code pénal (...) " ; que l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales dispose : " Les agents de l'administration des impôts peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues par les personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l'article 226-13 du Code pénal. Ils ne peuvent demander de renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes. " ;

8. Considérant que, bien que les agents des services fiscaux soient eux-mêmes tenus au secret professionnel, il ne saurait être dérogé en leur faveur, sauf disposition législative expresse, à la règle édictée à l'article 226-13 du code pénal ; que s'il n'appartient qu'au juge répressif de sanctionner les infractions aux dispositions de cet article, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'un contribuable astreint au secret professionnel conteste, devant lui, la régularité de la procédure d'imposition suivie à son égard, au motif que celle-ci aurait porté atteinte à ce secret, d'examiner le bien-fondé d'un tel moyen ; que la révélation d'une information à caractère secret vicie la procédure d'imposition et entraîne la décharge de l'imposition contestée lorsqu'elle a été demandée par le vérificateur, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales, ou que, alors même qu'elle ne serait imputable qu'au seul contribuable, elle fonde tout ou partie de la rectification ;

9. Considérant que le vérificateur, pour établir les majorations pour manquement délibéré assignées à la société Daem Partners, s'est fondé, notamment, sur une information figurant dans un courrier en date du 16 décembre 2009, couvert par le secret professionnel dès lors qu'il émanait d'un expert comptable, consulté par la société à l'occasion de la séparation en 2009 de ses deux associés ; que, cependant, il résulte de l'instruction que ce courrier était annexé à une facture en date du 29 décembre 2009, établie par le même expert comptable et qui figurait dans la comptabilité détenue par le cabinet d'expertise comptable de la société, comptabilité à laquelle le vérificateur avait été expressément autorisé à accéder, ainsi qu'il a été dit au point 4, par un courrier de la société en date du 19 janvier 2012 ; que, dans ces conditions et dès lors qu'il appartenait à la société Daem Partners, ou bien d'extraire de la comptabilité remise à son cabinet d'expertise comptable les documents confidentiels qui s'y trouvaient, ou bien de limiter l'accès du vérificateur aux seuls documents comptables non couverts par le secret professionnel, la consultation par le vérificateur du courrier du 16 décembre 2009 et la violation du secret professionnel qui en découle doit être regardée comme imputable à la seule société Daem Partners ; qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier que cette pièce a été utilisée par le vérificateur pour fonder les majorations pour manquement délibérée appliquées aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée ; qu'il y a lieu en conséquence d'accorder à la société Daem Partners la décharge des majorations pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

10. Considérant que la société Daem Partners reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance, tirés du caractère infondé des redressements mis à sa charge ; que ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, en l'absence de tout élément nouveau de droit ou de fait produit en appel ;

Sur les majorations pour manquement délibéré :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré " ;

12. Considérant que les majorations pour manquement délibéré restant en litige, compte tenu de la décharge prononcée au point 9 ci-dessus, correspondent aux rectifications effectuées à raison de dépenses non justifiées, consistant, pour l'essentiel, en des dépenses de restaurant et de club de sport ; qu'eu égard à la nature de ces dépenses et au fait qu'en sa qualité de spécialiste du droit, la société Daem Partners, ne pouvait ignorer les règles de déductibilité des frais généraux, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve des manquements délibérés commis par la société ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Daem Partners est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a pas fait droit à ses conclusions en décharge relatives aux majorations pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée ;

14. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Daem Partners sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Il est accordé à la société Daem Partners la décharge des majorations pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée.

Article 2 : Le jugement n° 1414103/1-2 du 14 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Daem Partners est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Daem Partners et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division du contentieux ouest).

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

M. Jardin, président de chambre,

M. Dalle, président assesseur,

Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 janvier 2017.

Le rapporteur, Le président,

D. DALLE C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA02229


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02229
Date de la décision : 26/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : CABINET PIERRE LUMBROSO

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-01-26;15pa02229 ?
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