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28/02/2017 | FRANCE | N°15PA03582

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 28 février 2017, 15PA03582


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite du préfet de police rejetant sa demande de délivrance d'un certificat de résidence.

Par un jugement n° 1501501 du 13 juillet 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision implicite et a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A... un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du j

ugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 septembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite du préfet de police rejetant sa demande de délivrance d'un certificat de résidence.

Par un jugement n° 1501501 du 13 juillet 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision implicite et a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A... un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 septembre 2015, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501501 du 13 juillet 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le Tribunal administratif de Paris.

Le préfet de police soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé sa décision implicite de refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien au motif qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de MmeA... ;

- que s'agissant des autres moyens soulevés en première instance, il s'en rapporte à ses écritures devant le Tribunal administratif de Paris.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2015, MmeA..., représentée par Me Boudjelti, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de police ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que la décision contestée:

- a été prise par une autorité incompétente ;

- méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du

27 décembre 1968 modifié ;

- est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 20 novembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Heers, président-rapporteur,

- et les observations de Me Boudjelti, avocat de MmeA....

1. Considérant que MmeA..., ressortissante algérienne née le 19 août 1963, entrée en France le 26 juin 2011 sous couvert d'un visa Schengen, a été mise en possession, à compter du

9 décembre 2013, de plusieurs autorisations provisoires de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade, sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle a sollicité par courrier du 19 décembre 2014 la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord

franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que le préfet de police relève appel du jugement du 13 juillet 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite par laquelle il a rejeté cette demande ;

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Considérant qu'aux termes du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du

27 décembre 1968 modifié: "les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit: [...] au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus" ; que l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l'un des parents étranger de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, sous réserve qu'il justifie résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Elle est renouvelable et n'autorise pas son titulaire à travailler. Toutefois, cette autorisation peut être assortie d'une autorisation provisoire de travail, sur présentation d'un contrat de travail.";

3. Considérant qu'il ressort de l'avis du 16 juillet 2014 du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, que l'état de santé du fils de Mme A...nécessite des soins en France qui doivent être poursuivis pour une durée de douze mois ; que les autorisations provisoires de séjour constamment renouvelées sur avis favorable du médecin de l'administration, permettent à Mme A...de demeurer régulièrement en France et de faire assurer le suivi médical de son enfant durant toute la durée nécessaire ; que la circonstance que ces autorisations successives ne procurent pas les mêmes droits qu'un certificat de résidence est sans incidence sur le refus du préfet de lui délivrer le certificat de résidence qu'elle sollicitait ; qu'en tout état de cause, si Mme A...soutient qu'en ne lui délivrant que des autorisations provisoires de séjour, le préfet lui interdit de travailler, les dispositions de l'article L. 311-12 du code précité prévoient toutefois que l'autorisation provisoire de séjour peut être assortie d'une autorisation provisoire de travail sur présentation d'un contrat de travail ; que, dans ces conditions, Mme A...qui ne présente aucun contrat de travail et ne se prévaut d'aucune promesse d'embauche, n'est pas fondée à soutenir que la décision implicite par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un certificat de résidence serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce moyen pour annuler la décision implicite de rejet du préfet de police ;

4. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour :

Sur les autres moyens invoqués par MmeA... :

5. Considérant que la requérante n'a pas demandé l'annulation de l'autorisation provisoire de séjour qui lui a été délivrée le 22 janvier 2015 sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais de la décision implicite par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de certificat de résidence ; qu'ainsi, toute irrégularité qui affecterait cette autorisation provisoire de séjour est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; qu'en tout état de cause, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté, le préfet étant compétent pour statuer de manière expresse ou implicite sur les demandes de certificat de résidence ;

6. Considérant que si, comme le soutient MmeA..., les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables aux algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, cette circonstance n'interdit pas au préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, de délivrer à des Algériens une autorisation provisoire de séjour pour accompagnement d'enfant malade ; que si l'intéressée se prévaut des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord précité, elle n'en remplit pas les conditions dès lors que son époux réside en Algérie, pays où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de 48 ans ; qu'ainsi, et en tout état de cause,

Mme A...n'est pas fondée à soutenir qu'en lui délivrant des autorisations provisoires de séjour, le préfet de police aurait fait une inexacte application du droit applicable ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

8. Considérant que Mme A...fait valoir qu'elle réside en France depuis 2011 et que ses deux enfants y sont scolarisés ; que, toutefois, Mme A...n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où résident son époux et sa mère ; que, dès lors, la décision contestée, qui n'a pas porté au droit de Mme A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

10. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 3, que le préfet de police a autorisé Mme A...à demeurer sur le territoire français pendant toute la durée nécessaire au suivi médical de son enfant en France ; que si elle fait valoir que les autorisations provisoires de séjour qui lui ont été délivrées ne l'autorisent pas à travailler, la mettant ainsi, elle et ses enfants, dans une situation matérielle difficile, elle n'établit, ni même n'allègue, avoir demandé au préfet, sur présentation d'un contrat de travail, que ses autorisations provisoires de séjour soient assorties d'une autorisation provisoire de travail ; que, dès lors, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son refus de délivrer un certificat de résidence algérien à MmeA... ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme A...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501501 du 13 juillet 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement des articles L. 761-1 et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 février 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Mosser, président-assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 février 2017.

Le président-rapporteur,

M. HEERS L'assesseur le plus ancien,

G. MOSSERLe greffier,

F. DUBUYLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA03582


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03582
Date de la décision : 28/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : BOUDJELTI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-02-28;15pa03582 ?
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