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21/03/2017 | FRANCE | N°16PA00715

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 21 mars 2017, 16PA00715


Vu la procédure suivante :

La société MK2 TV a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler le courriel du 6 novembre 2014 rejetant sa demande d'aide de réinvestissement pour la production du documentaire intitulé " Marin Karmitz, bande à part ", et la décision du

15 janvier 2015 rejetant son recours gracieux, ainsi que de condamner le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) à lui verser une somme de 62 693 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2015, en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 150428

6 et 1504288/5-1 du 17 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté c...

Vu la procédure suivante :

La société MK2 TV a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler le courriel du 6 novembre 2014 rejetant sa demande d'aide de réinvestissement pour la production du documentaire intitulé " Marin Karmitz, bande à part ", et la décision du

15 janvier 2015 rejetant son recours gracieux, ainsi que de condamner le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) à lui verser une somme de 62 693 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2015, en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1504286 et 1504288/5-1 du 17 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 février 2016, 23 mars 2016 et 26 juillet 2016, la société MK2 TV, représentée par la SCP A...Hourdeaux, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1504286 - 1504288/5-1 du 17 décembre 2015 ;

2°) d'annuler les décisions du CNC des 6 novembre 2014 et 15 janvier 2015 ;

3°) d'enjoindre, en conséquence, au CNC de verser à la société MK2 TV une somme de 62 693 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2015, correspondant au montant de l'aide sollicitée ;

4°) de condamner le CNC à verser à la société MK2 TV une somme de

62 693 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2015, en réparation de son préjudice ;

5°) de mettre à la charge du CNC le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché de plusieurs omissions à statuer ;

- il a notamment omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que la responsabilité du CNC devrait être engagée dès lors que par les décisions en litige il a porté atteinte à l'espérance légitime qu'elle avait de toucher l'aide litigieuse ;

- il est entaché d'une contradiction de motifs ;

- les décisions attaquées sont entachées d'incompétence ;

- elles sont insuffisamment motivées ;

- elles sont illégales par voie exception en raison de l'illégalité de la décision du 15 septembre 2014 par laquelle le CNC a annulé les créances inscrites sur le compte de la société MK2 TV ;

- elles méconnaissent l'article 6 du décret n° 95-110 du 2 février 1995 ;

- elles méconnaissent les dispositions combinées des articles 7-I 1° du décret

n° 95-110 du 2 février 1995 et 2 de l'arrêté du 24 septembre 2004 ;

- la responsabilité du CNC à avoir pris des décisions illégales est engagée ;

- la responsabilité du CNC à avoir commis un retard fautif dans l'instruction de sa demande d'aide de réinvestissement est engagée ;

- la responsabilité du CNC est engagée dès lors que, par son attitude, il a réussi à donner à la société MK2 TV la conviction qu'elle bénéficierait de l'aide litigieuse ;

- la responsabilité du CNC doit être engagée sur le fondement du principe d' " espérance légitime ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2016, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), représenté par MeB..., conclut à l'irrecevabilité des conclusions en annulation en tant qu'elles portent sur la décision du 6 novembre 2014 et, en tout état de cause, au rejet de la requête, ainsi qu'à la condamnation de la société MK2 TV à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un moyen d'ordre public a été adressé aux parties le 31 janvier 2017 les informant que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur le fait que le CNC était en situation de compétence liée pour refuser de faire droit à la demande d'aide de réinvestissement sollicitée par la société MK2 TV.

Une réponse au moyen d'ordre public a été enregistrée, le 8 février 2017, pour la société MK2 TV.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du cinéma et de l'image animée ;

- le décret n°95-110 du 2 février 1995 relatif au soutien financier à la production, à la préparation et à la distribution d'oeuvres audiovisuelles ;

- l'arrêté du 24 septembre 2004 pris pour l'application des paragraphes II de l'article 5, I de l'article 7 et II et III de l'article 7-1 du décret n° 95-110 du 2 février 1995 modifié relatif au soutien financier à la production, à la préparation et à la distribution d'oeuvres audiovisuelles et concernant les formalités de demande d'aide d'investissement et de réinvestissement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me A...représentant la société MK2 TV.

1. Considérant que la société MK2 TV, société de production et de réalisation de films destinés à la diffusion télévisuelle, a sollicité auprès du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), le 26 décembre 2013, l'attribution d'une aide de réinvestissement pour la production d'un programme audiovisuel, intitulé " Marin Karmitz, bande à part " ; que, par une décision du CNC du 15 septembre 2014, le reliquat des sommes portées sur le compte automatique de la société MK2 TV, calculées à son profit en fonction de la diffusion d'oeuvres audiovisuelles antérieures, a été annulé ; que, par un courrier électronique du

6 novembre 2014, le CNC a informé la société MK2 TV de l'impossibilité de lui accorder l'aide sollicitée au motif que son compte automatique avait entre temps été clôturé ; que, par un recours gracieux du 17 décembre 2014, la société MK2 TV a demandé l'annulation de la décision du 6 novembre 2014 refusant de faire droit à sa demande et le versement de la somme de 62 693 euros correspondant à l'aide sollicitée ; que, par une décision du

15 janvier 2015, le CNC a rejeté ce recours gracieux ; que, par une lettre du 13 mars 2015, la société MK2 TV a également saisi le CNC d'une demande tendant à être indemnisée à hauteur de 62 693 euros du préjudice résultant pour elle des agissements fautifs de cet établissement public ; que, par un jugement du 17 décembre 2015, dont la société MK2 TV relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de cette société tendant à l'annulation du courrier électronique du 6 novembre 2014, de la décision du 15 janvier 2015 rejetant son recours gracieux et à la condamnation du CNC à lui verser une somme

de 62 693 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2015, en réparation du préjudice résultant pour elle des agissements fautifs du CNC ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité du jugement en tant qu'il se prononce sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du jugement attaqué, que les premiers juges ont suffisamment énoncé les motifs les ayant conduits à écarter les moyens soulevés à l'appui des conclusions en annulation ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation dudit jugement doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre aux moyens inopérants soulevés, par exception, à l'appui des conclusions en annulation et tirés de ce que la décision du 15 septembre 2014 était illégale à défaut d'avoir été notifiée à son destinataire et dès lors qu'elle comportait une erreur de visa ; qu'en outre, les premiers juges ont répondu au point 4 de leur jugement au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 15 janvier 2015 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ledit jugement aurait été entaché d'une omission à statuer doit être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, que par son courrier électronique

du 6 novembre 2014, la chargée de mission documentaire près de la direction de l'audiovisuel et de la création numérique du CNC a informé la société MK2 TV que : " Attention : je ne peux valider votre demande sur le documentaire car votre disponible comptable ne le permet pas " ; que, par ce courrier électronique, ainsi qu'il le reconnaît dans sa réponse au recours gracieux en date du 15 janvier 2015, dans laquelle il indique : " je fais suite au recours gracieux que vous m'avez adressé par courrier en date du 17 décembre 2014 par lequel vous sollicitez l'annulation d'une décision du refus du CNC de vous accorder une aide de réinvestissement (...) ", le CNC a entendu refuser de faire droit à la demande de la société MK2 TV tendant à l'obtention d'une aide de réinvestissement pour le financement du documentaire " Marin Karmitz, bande à part " ; qu'ainsi, ledit courrier emporte par lui-même un effet de droit et constitue, dès lors, une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 6 novembre 2014 étaient irrecevables car dirigées contre un acte ne faisant pas grief ;

En ce qui concerne la régularité du jugement en tant qu'il se prononce sur les conclusions indemnitaires :

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de ses conclusions indemnitaires, la société MK2 TV a soutenu en première instance que le principe d'" espérance légitime " d'obtenir l'aide sollicitée justifiait que le CNC soit condamné à lui verser, à titre de réparation, la somme de 62 693 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2015, avec capitalisation des intérêts ; que le tribunal administratif ne

s'est pas prononcé sur ce point, alors que ce moyen n'était pas inopérant, eu égard à l'objet de

la demande de la société MK2 TV ; que, par suite, le jugement attaqué en tant qu'il se prononce sur les conclusions indemnitaires est entaché d'une omission à statuer ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé en tant d'une part, qu'il a fait droit, à tort, à la fin de non recevoir opposée par le CNC à l'égard de la décision du 6 novembre 2015 et, d'autre part, qu'il a omis de se prononcer sur le moyen soulevé à l'appui des conclusions indemnitaires tiré de l'atteinte au principe d'" espérance légitime " ; que, par suite, il y a lieu de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 6 novembre 2014 et à fin d'indemnisation, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions présentées par la société MK2 TV et notamment sur celles tendant à l'annulation de la décision du 15 janvier 2015 ;

Sur le fond :

En ce qui concerne la légalité de la décision du 6 novembre 2014 :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui retirent ou abrogent une décision créatrice de droits, refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) " ; qu'il résulte des dispositions du décret susvisé du

2 février 1995 que le bénéfice des aides dites de réinvestissement constitue un droit pour les personnes remplissant les conditions légales pour l'obtenir, au sens des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'ainsi, la décision du 6 novembre 2014 devait être motivée en application de cette loi ; que, toutefois, cette décision en rejetant la demande d'aide déposée par la société MK2 TV au seul motif que " votre disponible comptable ne le permet pas " ne comporte pas l'énoncé d'un motif de droit ; que, par suite, elle est entachée d'une insuffisance de motivation et doit, à ce titre, être annulée ;

En ce qui concerne la légalité de la décision du 15 janvier 2015 :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret susvisé n° 95-110

du 2 février 1995 : " La situation du compte ouvert au Centre national de la cinématographie au nom de chacune des entreprises de production lui est notifiée chaque année. Toute somme portée au compte d'une entreprise de production, au titre d'une oeuvre de référence déterminée, doit être utilisée pour la production d'une oeuvre de réinvestissement dans un délai de deux ans à compter du premier jour de l'année suivant celle de la notification. A défaut, l'entreprise de production est déchue de la faculté d'obtenir le versement de l'aide correspondante " ; qu'aux termes de l'article 7-I 1° du même décret : " Le versement des aides à la production (...) est subordonné à l'obtention de décisions d'autorisation accordées par le directeur général du Centre national de la cinématographie dans les conditions suivantes : une autorisation préalable est délivrée avant la fin des prises de vues. Cette autorisation prévoit les modalités de versement de l'aide. (...) Une autorisation définitive est

accordée après l'achèvement de l'oeuvre. Cette autorisation constitue la décision d'octroi

à titre définitif de l'aide (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté susvisé

du 24 septembre 2004 : " Pour l'obtention de l'autorisation préalable prévue au 1° du paragraphe I de l'article 7 (...) du décret du 2 février 1995 susvisé : l'entreprise doit déposer au Centre national du cinéma et de l'image animée, au moins un mois avant la fin des prises de vues, un dossier complet : (..) " ;

9. Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

10. Considérant que le CNC, pour établir que la décision contestée était légale, invoque dans ses écritures un motif, autre que celui reposant sur la caducité des sommes figurant sur le compte automatique de l'appelante, tiré de ce qu'en tout état de cause il était tenu de rejeter la demande d'autorisation préalable déposée par cette société dès lors qu'en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 2 de l'arrêté du 24 septembre, cette demande n'avait été complétée que postérieurement à la fin des prises de vues ; qu'il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, que les prises de vues du documentaire " Marin Karmitz, bande à part " se sont effectivement achevées le 30 janvier 2014, alors que le dossier de demande d'autorisation préalable n'a finalement été complété que le 21 octobre 2014 soit postérieurement à cet achèvement ; que, par suite, le CNC était en tout état de cause tenu de rejeter la demande litigieuse ; qu'ainsi, il aurait pris la même décision s'il s'était fondé initialement sur ce motif ; qu'il y a dès lors lieu de procéder à la substitution sollicitée laquelle ne prive l'appelante d'aucune garantie procédurale liée au motif substitué ;

11. Considérant que le CNC étant en situation de compétence liée pour refuser de faire droit à la demande litigieuse, tous les autres moyens soulevés à l'égard de la décision

du 15 janvier 2015 sont inopérants ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société MK2 TV n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 15 janvier 2015 et celles tendant à ce qu'il soit enjoint au CNC de lui verser l'aide sollicitée ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation :

13. Considérant, en premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 15, que le CNC était en tout état de cause tenu de refuser de faire droit à la demande d'aide en litige déposée par la société MK2 TV ; que, par suite, le préjudice qu'aurait subi cette société en ne percevant pas les sommes sollicitées résulte de l'application même des dispositions législatives et réglementaires en vigueur et mais n'est pas la conséquence directe du vice dont est entachée

la décision du 6 novembre 2014 ; que, par ailleurs, la décision du 15 janvier 2015

n'étant pas entachée d'illégalité, la société requérante n'est pas fondée à invoquer l'engagement de la responsabilité pour faute du CNC à ce titre ;

14. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le CNC a demandé à la société MK2 TV de compléter sa demande d'autorisation préalable, par un courrier électronique du 13 mars 2014 ; que, toutefois, cette société n'a fourni l'ensemble des pièces exigées qu'en octobre 2014, soit plus de six mois après ladite demande ; que, par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le retard dans l'instruction de son dossier trouverait sa cause dans un manque de diligence fautif du CNC ;

15. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ;

16. Considérant que pour engager la responsabilité du CNC, l'appelante fait valoir que les décisions en litige ont porté atteinte à l' " espérance légitime " qu'elle avait d'obtenir la restitution des sommes présentes sur son compte ; que, toutefois, si les sommes présentes sur ce compte, lesquelles appartiennent à l'Etat, sont générées par la diffusion d'oeuvres dites de référence produites par la société MK2 TV, cette dernière ne pouvait pas en bénéficier de manière automatique mais uniquement sous réserve de respecter, ce qui n'était pas le cas, les conditions impérativement prévues par le décret n° 95-110 susvisé du 2 février 1995 ; que, par suite, elle ne peut se prévaloir d'une " espérance légitime " constitutive d'un " bien " au sens de l'article 1er précité du protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, auquel le CNC aurait porté atteinte par sa décision de refus ;

17. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que la société MK2 TV a déposé sa demande d'autorisation préalable le 26 décembre 2013 sur les recommandations faites en ce sens par le CNC ; qu'à la suite de ce dépôt, le CNC a poursuivi l'instruction de la demande en sollicitant de la demanderesse la production des pièces nécessaires à l'établissement de son dossier ; que la société MK2 TV et le CNC ont échangé entre les mois de mars et octobre 2013 de nombreux courriers électroniques à ce sujet ; qu'une fois le dossier complété et dans la suite logique des précédents échanges, le CNC a, par un courrier électronique adressé

le 6 novembre 2014 à 15 h 12, fait savoir à la société MK2 TV qu'il entendait lui accorder l'aide sollicitée ; que, toutefois, par un nouveau courrier électronique adressé, le même jour, à

15 h 19, le CNC est soudainement revenu sur sa décision en indiquant : " Attention : je ne peux valider votre demande sur le documentaire car votre disponible comptable ne le permet pas " ; que le comportement ainsi décrit du CNC s'apparente à un manquement fautif, dès lors

qu'en laissant croire pendant plusieurs mois, par ses agissements, à la société MK2 TV qu'elle bénéficierait de l'aide litigieuse, il a fait naître chez elle une conviction qui l'a conduite à ne pas rechercher de fonds complémentaires ; qu'elle a ainsi été privée d'une chance d'obtenir d'autres sources de financement pour son documentaire ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice ainsi subi par la société MK2 TV du fait du comportement fautif du CNC en le fixant, dans les circonstances de l'espèce, à la somme de 10 000 euros, laquelle sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2015 ; que la société MK2 TV a sollicité la capitalisation des intérêts ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à la date à laquelle les intérêts étaient dus pour au moins une année entière soit le 13 mars 2016, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société requérante, qui n'est pas la partie perdante, la somme que le CNC réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CNC une somme de 2 000 euros à verser à la société MK2 TV, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif n° 1504286 - 1504288/5-1 du 17 décembre 2015 est annulé en tant qu'il a regardé comme irrecevables les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 6 novembre 2014 et rejeté les conclusions indemnitaires de la société MK2 TV.

Article 2 : La décision du CNC du 6 novembre 2014 est annulée.

Article 3 : Le Centre national du cinéma et de l'image animée versa à la société MK2 TV une somme de 10 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2015. Les intérêts échus à la date du 13 mars 2016, puis à chaque échéance annelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le CNC versera à la société MK2 TV la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par le Centre national du cinéma et de l'image animée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la société MK2 TV présentées devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au Centre national du cinéma et de l'image animée et à la société MK2 TV.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mars 2017.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULe président,

B. EVEN

Le greffier,

S. GASPARLa République mande et ordonne à la ministre de la culture et de la communication en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA00715


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00715
Date de la décision : 21/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

09 Arts et lettres.

Arts et lettres - Cinéma.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SCP J.-F. BOUTET

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-03-21;16pa00715 ?
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