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24/03/2017 | FRANCE | N°15PA03155

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 24 mars 2017, 15PA03155


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat au paiement de la somme de 100 000 euros au titre du préjudice moral subi en raison du décès de son père ainsi que de celle de 80 000 euros au titre des préjudices personnels subis par son père jusqu'à son décès.

Par un jugement n° 1405970/6-1 du 29 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser la somme de 5 000 euros à Mme A...B....

Procédure devant la Cour :

Par une requê

te, enregistrée le 4 août 2015, Mme A...B..., représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat au paiement de la somme de 100 000 euros au titre du préjudice moral subi en raison du décès de son père ainsi que de celle de 80 000 euros au titre des préjudices personnels subis par son père jusqu'à son décès.

Par un jugement n° 1405970/6-1 du 29 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser la somme de 5 000 euros à Mme A...B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 août 2015, Mme A...B..., représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il limite ses prétentions indemnitaires ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'hôpital Bouffard étant, au moment des faits, une entité du ministère de la défense française, la responsabilité de l'Etat français peut être recherchée sur le fondement du code de la santé publique ;

- le 29 septembre 2011 et le 30 septembre au matin, l'hôpital Bouffard de Djibouti a refusé de prendre en charge son père qui avait été victime d'un accident vasculaire cérébral, retardant par là-même la pose du diagnostic ;

- finalement admis dans cet hôpital le 30 septembre 2011, il a dû être transféré, à la suite d'une panne du scanner, à l'hôpital Peltier pour réalisation d'un scanner cérébral ;

- la faute médicale de l'hôpital Bouffard est patente du fait de son admission tardive et du délai dans lequel le scanner cérébral a été réalisé ; cette faute a entraîné une perte de chance de survie de M. F...A...B... ;

- la famille de M. A...B...n'a pas été informée de la décision de l'hôpital Bouffard de mettre fin aux traitements actifs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2016, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, le code de la santé publique est inapplicable aux activités du service de santé des armées hors du territoire national ;

- les allégations de refus de prise en charge de M. A...B...à l'hôpital Bouffard sont infondées puisqu'il n'existe aucune trace de son passage le 29 septembre 2011 ;

- les conditions de cette prise en charge n'ont été la cause d'aucune perte de chance de survie dès lors que l'ensemble des moyens diagnostiques et thérapeutiques disponibles ont été mis en oeuvre suite à son transfert par l'hôpital Peltier et qu'au regard de l'état du patient à son arrivée, la réalisation d'un scanner plus précocement n'aurait pas modifié ladite prise en charge ;

- en tout état de cause, si M. A...B...avait été pris en charge dès le 29 septembre par l'hôpital Bouffard, le scanner n'étant alors pas en état de marche, il aurait nécessairement dû être transféré vers l'hôpital Peltier pour que cet examen puisse y être réalisé ;

- la famille de M. A...B...a été informée à plusieurs reprises de l'état de santé du patient et de la décision d'arrêt des thérapeutiques actives ;

- aucune faute médicale d'organisation, de fonctionnement ou d'information ne saurait donc être retenue à l'encontre de l'hôpital Bouffard qui serait de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- si, à titre infiniment subsidiaire, la Cour retenait la responsabilité de l'hôpital, il conviendrait de réduire à de plus justes proportions les sommes réclamées.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.

1. Considérant que le 29 septembre 2011, M. F...A...B..., né le 1er janvier 1931, de nationalité française et djiboutienne, a été victime à Djibouti d'un accident vasculaire cérébral ; que, hospitalisé à l'hôpital Peltier, il a bénéficié d'une prise en charge limitée à une hydratation intraveineuse et une surveillance neurologique ; qu'il a été transféré au groupement médico-chirurgical Bouffard le 30 septembre 2011 à 18h30 dans un état comateux ; que M. A...B...a été de nouveau transféré à l'hôpital Peltier le 2 octobre 2011 afin d'y réaliser une imagerie cérébrale ; qu'eu égard à la gravité des résultats du scanner, les médecins ont décidé d'arrêter les traitements actifs et de ne maintenir que les traitements de base et de confort ; que M. A...B...est décédé le 2 octobre 2011 ; que souhaitant obtenir réparation des préjudices subis du fait du décès de son père, sa fille, Mme E...A...B...a effectué, le 28 décembre 2011, une demande préalable auprès de l'hôpital Bouffard, rejetée le 21 juin 2012 par le ministre de la défense dont dépend le groupement médico-chirurgical Bouffard de Djibouti ; que Mme A...B...a alors saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Paris aux fins de nomination d'un expert ; que suite au dépôt au greffe du tribunal, le 4 février 2014, du rapport d'expertise, Mme A...B...a demandé audit tribunal la condamnation de l'Etat au paiement de la somme de 100 000 euros au titre du préjudice moral subi en raison du décès de son père ainsi que de celle de 80 000 euros au titre des préjudices personnels subis par celui-ci jusqu'à son décès ; que, par jugement du 29 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser la somme de 5 000 euros à la requérante ; que Mme A...B...relève appel de ce jugement en ce qu'il a limité ses prétentions indemnitaires ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise médicale prescrit par le juge des référés du Tribunal administratif de Paris, que M. F... A...B...a été hospitalisé au groupement médico-chirurgical Bouffard de Djibouti le 30 septembre 2011 au soir en raison d'une suspicion d'accident vasculaire cérébral ; que, d'une part, si la requérante soutient que cet hôpital aurait refusé à deux reprises, le 29 septembre 2011 puis le 30 septembre 2011 au matin, de prendre en charge son père, aucune pièce du dossier ne permet de corroborer ses dires ; qu'à l'inverse, l'unique consultation dont il reste une trace est celle du 30 septembre à 18h20 au service des urgences, alors que l'hôpital Peltier venait de demander son transfert au regard de l'état du patient ; que, d'autre part, si Mme A...B...persiste à soutenir que l'hôpital Bouffard aurait commis une faute en ne réalisant pas un scanner cérébral dans un délai plus bref, il résulte sans ambigüité possible du rapport d'expertise que, compte tenu de la gravité de la situation de l'intéressé à son arrivée au service des urgences le 30 septembre en fin de journée, une prise en charge plus adéquate, autrement dit, la réalisation d'une imagerie cérébrale à ce moment-là, quand bien même elle aurait permis de poser un diagnostic plus précoce d'infarctus du tronc cérébral, n'aurait en rien modifié le pronostic ; que l'expert précise encore que les manquements à la qualité des soins relevés, au demeurant mineurs et non évitables compte tenu de la situation particulière de l'hôpital Bouffard, n'ont pas entraîné pour M. A...B...de réduction de chance d'échapper à une évolution qui ne pouvait que connaître une issue fatale ; que, dans ces circonstances, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que, dès lors que M. A...B...n'avait été privé d'aucune chance de survie en raison de sa prise en charge par l'hôpital Bouffard, sa fille, Mme A...B..., n'était fondée, en tout état de cause, à rechercher la responsabilité de l'Etat ni à raison d'un refus d'admission de son père ni à raison des soins qui lui ont été dispensés ;

3. Considérant, en second lieu, qu'il n'est contesté par aucune des parties que M. A...B...n'était pas, en raison de ses troubles de conscience, en état d'être informé ; que si Mme A...B...fait valoir qu'elle-même et la famille du défunt n'ont pas été avertis de la décision de l'hôpital Bouffard de mettre fin aux traitements actifs, le rapport médical établi par le médecin anesthésiste-réanimateur de l'hôpital mentionne bien en conclusion que " la famille a été informée à plusieurs reprises de l'état du patient et de la décision d'arrêt des thérapeutiques actives " ; que la fiche de constatations initiales également produite au dossier indique également, en page 4, que la famille a été informée du pronostic très péjoratif ; qu'enfin, l'expert indique en conclusion de son rapport que la famille a vraisemblablement été régulièrement informée de la gravité de la situation ; que, dans ces conditions, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, aucun manquement fautif au devoir d'information ne saurait, en tout état de cause, être relevé à l'encontre du centre médico-chirurgical Bouffard ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement contestée, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme A...B...la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du décès de son père ;

Sur les frais d'expertise :

5. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge définitive de Mme A...B...les frais d'expertise, liquidés et taxés par ordonnance du vice-président du Tribunal administratif de Paris du 9 avril 2014 à la somme de 2 005,25 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A...B...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 mai 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...B...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 005,25 euros, sont mis à la charge définitive de Mme A...B....

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A...B...et au ministre de la défense.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- Mme Julliard, premier conseiller,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 mars 2017.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 15PA03155


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03155
Date de la décision : 24/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : HAGEGE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-03-24;15pa03155 ?
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