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30/05/2017 | FRANCE | N°16PA00607

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 30 mai 2017, 16PA00607


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...E...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté en date du 15 avril 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 1509782/5-1 du 3 décembre 2015 le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 15 avril 2015, enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la

mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notifi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...E...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté en date du 15 avril 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 1509782/5-1 du 3 décembre 2015 le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 15 avril 2015, enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 février 2016, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1509782/5-1 du 3 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris en toutes ses dispositions ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que sa décision méconnaissait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- MmeA..., entrée irrégulièrement en France en 2003, puis régularisée en tant qu'étudiante de 2006 à 2014, était, à la date de la décision contestée, célibataire sans charge de famille, et ne remplissait donc pas les conditions du 7° de l'article L. 313-11 du code précité pour bénéficier d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense et des pièces nouvelles, enregistrés respectivement les 23 et 29 mars 2016 et celles du 2 décembre 2016, MmeA..., représentée par MeB..., conclut à titre principal au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, demande à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, d'annuler la décision de refus de titre de séjour, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale sur le fondement de l'article L. 313-11 7° ou de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable ;

- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés ;

- elle réitère les moyens qu'elle a invoqués devant les premiers juges.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Legeai.

1. Considérant que MmeA..., ressortissante camerounaise née le 11 juin 1986 à Douala, est entrée en France au cours de l'année 2003 selon ses déclarations, à l'âge de seize ans ; que régularisée par la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiante, elle a sollicité à l'expiration de son dernier titre valable jusqu'au 23 octobre 2014, son changement de statut sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 15 avril 2015, le préfet de police a rejeté sa demande ; qu'il relève appel du jugement n° 1509782/5-1 du 3 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté précité et lui a enjoint de délivrer à Mme A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

Sur la fin de non recevoir opposée par Mme A...:

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " ; que ce délai de recours est applicable aux décisions de refus de titre de séjour non accompagnés, comme en l'espèce, d'une obligation de quitter le territoire ; qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4 (...) " ;

3. Considérant que le courrier de notification du jugement attaqué du 4 décembre 2015 adressé par le greffe du Tribunal administratif de Paris au préfet de police indiquait un délai d'appel de deux mois ; que le préfet de police a reçu notification dudit jugement le 10 décembre 2015 ; que, dès lors sa requête, qui a été enregistrée au greffe de la Cour le 10 février 2015, n'est pas tardive ; que, par suite, la fin de non recevoir soulevée par Mme A...doit être écartée ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ;

5. Considérant que le préfet de police soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, sa décision ne méconnaît pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il fait valoir que MmeA..., entrée irrégulièrement en France, n'avait pas vocation à s'y maintenir à l'issue de ses études, qu'elle ne justifie pas de l'ancienneté de sa relation avec M. D... et qu'elle n'est pas démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside notamment son père ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme A...réside, en France depuis 2003 chez sa tante de nationalité française qui l'héberge depuis cette date ; qu'elle a été placée sous la tutelle de cette dernière, par déclaration du 29 juillet 2003 puis, à la demande de son père, adoptée par celle-ci par jugement d'adoption simple du Tribunal de grande instance du Wouri à Douala au Sénégal du 4 janvier 2006 ; que si le préfet de police conteste l'acte de décès de sa mère intervenu le 21 août 2014, il n'en établit pas le caractère frauduleux ; que Mme A...soutient ne plus avoir de contact avec son père ; qu'entre 2006 et 2014, elle a bénéficié de plusieurs titres de séjour en qualité d'étudiante, régulièrement renouvelés ; qu'elle a obtenu son baccalauréat scientifique en juin 2006, un BTS de chimie en juin 2009 délivré par l'académie de Créteil, puis a été inscrite en 3ème, puis 4ème année du cycle ingénierie éco-énergétique à l'ENSIATE de 2012 à 2015 ; qu'elle occupe, depuis 2010, un emploi à temps partiel en qualité d'hôtesse de caisse ; qu'ainsi, à la date de la décision contestée, Mme A...résidait en France depuis plus de dix ans et justifiait d'une bonne insertion sociale et professionnelle en France ; qu'elle a conclu un pacte civil de solidarité le 6 mars 2015 avec M. D..., qui réside en France depuis 2007 et qui, à la date de la décision contestée, occupait un emploi d'ingénieur de production et d'exploitation sous couvert d'une carte de séjour en qualité de salarié en cours de renouvellement ; qu'elle a produit en première instance des justificatifs de vie commune depuis avril 2014 et en appel de nouvelles pièces attestant de la réalité de leur relation ; qu'au surplus, le couple a reconnu un enfant à naître par acte de reconnaissance du 23 mars 2016 ; que, dans ces conditions particulières, en refusant de délivrer à Mme A...un titre de séjour, le préfet de police a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le centre de la vie privée et familiale de l'intéressée est établi en France où elle a résidé régulièrement chez sa mère adoptive française depuis 2003, a réussi ses études et n'est pas dépourvue de ressources, et ce nonobstant le caractère récent de la vie en couple de la requérante à la date de l'arrêté contesté du 15 avril 2015 ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 15 avril 2015 refusant à Mme A...la délivrance d'un titre de séjour et lui a enjoint de délivrer à Mme A...une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que le Tribunal administratif de Paris ayant déjà fait injonction au préfet de police de délivrer à Mme A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", il n'y a pas lieu de renouveler cette injonction ; que dès lors, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être écartées, de même que celles visant à assortir cette injonction d'une astreinte ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à l'intimée au titre des frais exposés par cette dernière à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme C... E...A.... Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2017 à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président de la formation de jugement,

M. Pagès, premier conseiller,

M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique le 30 mai 2017.

Le rapporteur,

A. LEGEAI

Le président,

B. AUVRAY

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA00607


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00607
Date de la décision : 30/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : AUDRAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-05-30;16pa00607 ?
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