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06/06/2017 | FRANCE | N°16PA03299

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 06 juin 2017, 16PA03299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Melun l'annulation de l'arrêté en date du 5 septembre 2016 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné ainsi que de la décision du même jour ordonnant son placement en rétention administrative.

Par jugement n° 1607394/12 du 8 septembre 2016 le magistrat désigné par le pr

sident du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Melun l'annulation de l'arrêté en date du 5 septembre 2016 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné ainsi que de la décision du même jour ordonnant son placement en rétention administrative.

Par jugement n° 1607394/12 du 8 septembre 2016 le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2016, régularisée le 15 novembre suivant, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1607394/12 du 8 septembre 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation administrative en cas d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les arrêtés du 5 septembre 2016 sont insuffisamment motivés et sont entachés d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis était tenu de recueillir ses observations en application de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux préalablement à la décision de placement en rétention administrative ;

- la décision de placement en rétention administrative méconnaît les stipulations de l'article 5-1 f) de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'assignation à résidence ;

- la décision de placement en rétention administrative est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle compte tenu de la durée de son séjour en France et de son insertion professionnelle ;

- la mesure d'éloignement méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car il encourt un risque en cas de retour au Mali, pays qui a été retiré de la liste des pays sûrs.

La requête a été communiquée le 25 janvier 2017 au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Legeai a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, par arrêtés du 5 septembre 2016, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. B..., ressortissant malien né le 13 mars 1985 à Kati, entré en France le 22 avril 2009 selon ses déclarations, à quitter, sans délai, le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et l'a placé en rétention administrative ; que M. B... relève appel du jugement du 8 septembre 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en annulation de ces décisions ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu, par adoption des motifs suffisamment étayés retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen que M. B... se borne à reprendre en appel, tiré de ce que les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ; que contrairement à ce qu'il soutient, les éléments factuels énoncés dans la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ainsi que dans la décision de placement en rétention administrative, permettent de vérifier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, alors même que toutes les indications relatives à sa situation privée et familiale n'y sont pas mentionnées ;

3. Considérant, en deuxième lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour ; que, toutefois, il n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, sur le fondement d'une réquisition du procureur de la République du Tribunal de grande instance de Bobigny du 18 août 2016, M. B... a fait l'objet, le 5 septembre 2016, d'un contrôle d'identité suivi d'une interpellation pour défaut de présentation d'un titre de séjour en cours de validité et inscription sur le fichier des personnes recherchées pour non exécution d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours notifiée le 29 avril 2014 ; qu'avant l'intervention des décisions contestées portant obligation de quitter le territoire français et placement en rétention administrative, M. B... a été entendu par les services de police le 5 septembre 2016 entre 14h et 14h30 ; que le procès-verbal de retenue aux fins de vérification de situation administrative mentionne qu'il a été informé, dans une langue qu'il comprend, dès le début de sa retenue, des droits mentionnés à l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que n'ayant souhaité l'assistance ni d'un interprète ni d'un avocat, il a été en mesure de présenter ses observations ; qu'il a reconnu séjourner irrégulièrement sur le territoire français et a indiqué avoir fait l'objet de deux refus d'admission au séjour en 2013 et 2015 ainsi que d'une mesure de reconduite à la frontière notifiée le 19 juin 2015, à laquelle il ne s'est pas soumis ; qu'il a également précisé être célibataire sans charge de famille, avoir conservé des attaches familiales au Mali où résident sa mère et une partie de sa fratrie et ne pas vouloir quitter la France ; qu'il a refusé de signer le procès-verbal de fin de retenue l'informant de ce qu'il faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français avec rétention administrative au centre de rétention du Mesnil-Amelot ; que, dans ces conditions, M. B... qui a eu l'occasion de présenter ses observations dans la perspective d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a privé de la possibilité d'être entendu avant de prendre à son encontre la décision contestée de placement en rétention administrative ; que le moyen tiré du non respect du droit d'être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : / (...) / f. s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ; qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 de ce code, le risque que l'étranger ne se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, " (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;

6. Considérant, d'une part, que les dispositions des articles L. 551-1, L. 561-1 et

L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile définissent de façon suffisamment précise les cas dans lesquels un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement et qui ne peut quitter immédiatement le territoire national peut être, soit placé en rétention, soit assigné à résidence par l'autorité administrative ; que ces dispositions n'ont pas pour objet, et ne sauraient avoir pour effet, d'instaurer une quasi-automaticité du placement en rétention administrative ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B... ; que, dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, après examen de sa situation, décider de placer M. B... en rétention administrative plutôt que de l'assigner à résidence sans méconnaître les stipulations du paragraphe 1 de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant, d'autre part, que si M. B... fait valoir qu'il justifiait de garanties de représentation suffisantes pour être assigné à résidence, il ressort, toutefois, des pièces du dossier qu'il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement notifiée le 17 juin 2015 à laquelle il n'a pas déféré et qu'il ne justifiait pas être titulaire d'un document d'identité ou de voyage en cours de validité ; que, par suite, M. B... ne pouvait être regardé comme disposant de garanties effectives de représentation propres à prévenir le risque qu'il ne se soustraie à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français alors même qu'il justifiait d'une ancienneté de séjour en France et qu'une entreprise de nettoyage souhaitait l'embaucher en qualité d'agent de service ; que, par suite, la décision de placement en rétention administrative n'est pas entachée d'erreur d'appréciation ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que le requérant fait valoir qu'il est entré en France en 2009, qu'il s'y maintient depuis cette date, que le centre de ses intérêts se trouve désormais en France où il est inséré socialement et professionnellement ; que, toutefois, ni la durée de séjour sur le territoire français, ni l'occupation d'un emploi nécessitant peu de qualification, ne suffisent à ouvrir un droit au séjour ; que M. B... ne conteste pas avoir fait l'objet d'une précédente décision de refus d'admission au séjour notifiée le 19 juin 2015 ; que, célibataire et sans charge de famille en France, il ne démontre pas qu'il ne pourrait pas mener une vie privée ou familiale au Mali, où résident sa mère et une partie de sa fratrie ; que, dans ces conditions, ni l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination, ni la décision de placement en rétention ne portent au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris ; que ces arrêtés n'ont donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, en dernier lieu, que pour soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ", M. B... fait valoir que le Mali a été retiré de la liste des pays d'origine sûrs depuis décembre 2012, en application de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, cet argument ne suffit pas à démontrer qu'il encourrait un risque personnel pour sa vie et sa liberté en cas de retour dans ce pays ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2017 à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président de la formation de jugement,

M. Pagès, premier conseiller,

M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique le 6 juin 2017.

Le rapporteur,

A. LEGEAI

Le président,

B. AUVRAY

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 16PA03299


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03299
Date de la décision : 06/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : SHEBABO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-06;16pa03299 ?
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