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22/06/2017 | FRANCE | N°16PA03128

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 22 juin 2017, 16PA03128


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

2 septembre 2016 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné ainsi que l'arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1613562/8 du 6 septembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal adm

inistratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du 2 septembre 2016 en tant qu'il refuse d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

2 septembre 2016 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné ainsi que l'arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1613562/8 du 6 septembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du 2 septembre 2016 en tant qu'il refuse d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire et l'a placé en rétention administrative, d'autre part, rejeté le surplus de la demande de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2016, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1613562/8 du 6 septembre 2016 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il prononce l'annulation de sa décision de refuser à M. A... un délai de départ volontaire et le place en rétention administrative et met à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné s'est fondé sur la circonstance que M. A...a produit tardivement, soit lors de l'audience du 6 septembre 2016, un passeport en cours de validité pour annuler sa décision, fondée sur le f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de lui refuser un délai de départ volontaire et pour annuler, par voie de conséquence, sa décision de le placer en rétention administrative ;

- en tout état de cause, sa décision peut être fondée sur le c) du 3° du II de l'article L. 511-1 du même code ;

- la décision de placement en rétention administrative ne méconnaît pas, par voie de conséquence, les dispositions des articles L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 27 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Amat a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. A..., ressortissant guinéen né le 19 décembre 1986, est entré en France en 2014, selon ses déclarations, sous couvert d'un visa de long séjour valable du

20 août 2014 au 20 août 2015 ; qu'à la suite d'un contrôle d'identité, le préfet de police a, par un arrêté du 2 septembre 2016, obligé M. A... à quitter le territoire français sans délai et fixé le pays de destination ; que, par un arrêté du même jour, il a par ailleurs ordonné son placement en rétention administrative ; que le préfet de police relève appel du jugement du 6 septembre 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire et sa décision de placement en rétention administrative ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...) " ;

3. Considérant que pour annuler la décision de refus de départ volontaire, le tribunal a estimé que le préfet s'était à tort fondé sur les dispositions précitées du f) du 3°) de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que l'intéressé a produit un passeport guinéen en cours de validité ainsi qu'une attestation d'hébergement à compter du

3 juin 2016 ;

4. Considérant, toutefois, que la décision contestée, par laquelle le préfet de police a refusé d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire, aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'une disposition autre que celle dont la méconnaissance est invoquée ; qu'ainsi, l'administration demande, en cause d'appel, une substitution de base légale tendant à fonder désormais la décision de refus de délai de départ volontaire sur les dispositions

ci-dessus rappelées du c) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes desquelles l'autorité préfectorale peut refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire à l'étranger s'étant maintenu sur le territoire plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour sans en avoir demandé le renouvellement ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français plus d'un an après l'expiration, le 20 août 2015, de son visa valant titre de séjour en qualité d'étudiant sans en avoir demandé le renouvellement ; que, dans ces conditions, la décision contestée trouve son fondement légal dans les dispositions du c) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code précité, qui peuvent être substituées à celles du f) du 3° du II du même article, dès lors que la substitution demandée n'a pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces dispositions et que l'intimé, à qui la requête d'appel du préfet de police a été communiquée, a été ainsi mis à même de présenter ses observations sur cette demande de substitution de base légale ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé, pour annuler sa décision de refuser un délai de départ volontaire à M. A..., sur le motif tiré de ce que l'intimé n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code précité, eu égard à la demande de substitution de base légale à laquelle le présent arrêt fait droit ; que, par ailleurs, le préfet de police est également fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision de placer M. A... en rétention administrative par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant un délai de départ volontaire ;

7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens qui, invoqués par M. A...devant le tribunal administratif de Paris, sont dirigés contre la décision portant refus de lui octroyer un délai de départ volontaire et celle prononçant son placement en rétention administrative ;

En ce qui concerne les moyens soulevés à l'encontre des deux décisions :

8. Considérant, en premier lieu, que par arrêté n° 2016-00591 en date du 22 juin 2016, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 23 juin 2016, le préfet de police a donné délégation à MmeC..., attachée d'administration de l'État, pour signer notamment les obligations de quitter le territoire français sans délai et les arrêtés de placement en rétention administrative ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire des deux décisions litigieuses doit être écarté ;

9. Considérant, en second lieu, que les décisions attaquées visent les dispositions du " II alinéa 3 " de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les dispositions de l'article L. 551-1 du même code ; qu'elles font état du risque que le requérant se soustraie aux mesures prises à son encontre dès lors qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes à défaut d'avoir présenté un document d'identité ou de voyage en cours de validité et d'avoir déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation des deux décisions litigieuses doit ainsi être écarté ;

En ce qui concerne la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire :

10. Considérant, en premier lieu, que M. A...soutient que la décision du préfet de police de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire compte tenu de la méconnaissance par celle-ci des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., célibataire et sans charge de famille, n'est entré en France qu'en 2014 alors qu'il était âgé de 27 ans et n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine ; qu'ainsi compte tenu des conditions et de la durée de son séjour en France la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée compte tenu des buts en vue desquels elle a été prise ; que, pour les mêmes motifs les moyens tiré de ce que l'intéressé ne pourrait faire l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire dans la mesure où il remplirait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour de plein droit au titre de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A...ne peuvent qu'être écartés ;

13. Considérant qu'il suit de ce qui a été dit au point 12 que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté ;

14. Considérant, en second lieu, que si M. A... soutient que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il présente des garanties de représentation suffisantes, un tel moyen est inopérant compte tenu de la substitution de base légale à laquelle le présent arrêt fait droit à la demande du préfet de police, comme il est dit au point 5 ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 2 septembre 2016 en tant qu'elle refuse à M. A... un délai de départ volontaire ;

En ce qui concerne la décision de placement en rétention administrative :

16. Considérant, en premier lieu, que l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, compte tenu de ce qui a été dit au point 12, le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de cette décision, que M. A... invoque à l'encontre de la décision le plaçant en rétention administrative, ne peut qu'être écarté ;

17. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 de ce code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard d'un étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il ne se soustraie à cette obligation (...) " ;

18. Considérant, ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 5, que M. A... disposait d'un document d'identité en cours de validité à la date de la décision contestée et était hébergé durablement par un ami employé par la ville de Paris auprès de laquelle, ainsi qu'il en est attesté par le responsable de l'action éducative périscolaire le 5 septembre 2016, M. A... avait effectué des vacations en tant qu'animateur à compter de 2014 ; que, dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme présentant des garanties de représentation effectives ; que, par suite, M. A... est fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet de police l'a placé en rétention administrative est entachée d'erreur d'appréciation ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 2 septembre 2016 en tant qu'elle place M. A... en rétention administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1613562/8 du 6 septembre 2016 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il annule la décision du 2 septembre 2016 par laquelle le préfet de police a refusé à M. A... un délai de départ volontaire.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation de la décision du 2 septembre 2016 par laquelle le préfet de police a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de police est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'État, ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président,

- M. Gouès, premier conseiller,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juin 2017.

Le rapporteur,

N. AMATLe président,

S. DIÉMERTLe greffier,

A. LOUNIS La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 16PA03128


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03128
Date de la décision : 22/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-22;16pa03128 ?
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