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29/06/2017 | FRANCE | N°16PA02154

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 29 juin 2017, 16PA02154


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Harman France a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le ministre du travail a implicitement rejeté son recours hiérarchique contre la décision de l'inspectrice du travail du 19 janvier 2015 refusant le licenciement de Mme A...B..., ensemble ladite décision de l'inspectrice du travail.

Par un jugement n° 1515711/3-1 du 2 mai 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, e

nregistrée le 1er juillet 2016, la société Harman France, représentée par MeC..., demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Harman France a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le ministre du travail a implicitement rejeté son recours hiérarchique contre la décision de l'inspectrice du travail du 19 janvier 2015 refusant le licenciement de Mme A...B..., ensemble ladite décision de l'inspectrice du travail.

Par un jugement n° 1515711/3-1 du 2 mai 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2016, la société Harman France, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 2 mai 2016 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement en rejetant ses arguments quant à l'erreur de droit et à l'erreur de fait soulevées ; qu'ils n'ont notamment pas démontré en quoi le moyen tiré de l'erreur dans l'appréciation du rapport d'expertise était inopérant ;

- elle s'en remet, pour les autres moyens, à ses écritures déposées devant le Tribunal administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2016, M. B...conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Harman France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement indique également clairement que les explications données par la société Harman France pour contester le rapport n'étaient pas pertinentes ;

- il est sur le fond renvoyé aux écritures de première instance.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.

1. Considérant que M. B...a été embauché le 7 février 2000 en contrat à durée indéterminée par la société Harman France, occupant en dernier lieu les fonctions de chef d'équipe et exerçant, en outre, les mandats de membre titulaire du comité d'entreprise et de délégué du personnel titulaire ; que, dans le cadre de la réorganisation du groupe Harman auquel appartient la société requérante, il a été décidé la fermeture du site de Château-du-Loir et la suppression de douze postes de travail dont celui de M. B...; que la société Harman France a alors engagé une procédure de licenciement collectif pour motif économique et sollicité de l'inspection du travail, le 20 novembre 2014, l'autorisation de licencier M. B...; que, par une décision du 19 janvier 2015, l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser ce licenciement ; que la société a formé un recours gracieux contre cette décision le 18 mars 2015, reçu le 30 mars suivant, qui a été rejeté par une décision du 1er avril 2015 ; qu'elle a également formé un recours hiérarchique le 18 mars 2015, reçu le 23 mars suivant qui a été implicitement rejeté par une décision née le 23 juillet 2015 du silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois ; que la société Harman France a alors demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 19 janvier 2015 ainsi que de celle, implicite, du ministre du travail portant rejet de son recours hiérarchique ; que la société Harman France relève appel du jugement du 2 mai 2016 par lequel ledit tribunal a rejeté sa requête ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative " Les jugements sont motivés. " ; qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué qu'il énonce de manière suffisamment précise la raison pour laquelle les premiers juges ont considéré que la réalité du motif économique du licenciement en cause n'était en l'espèce pas suffisamment établie ; que le motif retenu n'est en rien contradictoire avec les dispositions légales applicables ; qu'ayant jugé que l'inspectrice du travail avait légalement pu, pour ce seul motif, refuser l'autorisation de licenciement sollicitée, c'est également à bon droit qu'ils ont pu considérer comme étant inopérant le moyen " tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise l'inspectrice du travail dans l'appréciation des critères d'ordres du licenciement " ; que, dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de ce jugement manque en fait ;

Sur le bien-fondé :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par l'employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. (...) " ; qu'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise constitue une cause économique autonome de licenciement ;

4. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis des fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en particulier, pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe, de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause ;

5. Considérant que, pour établir la réalité du motif économique d'un licenciement, l'employeur doit apporter des éléments tendant à attester de l'existence d'une menace pesant sur le secteur d'activité concerné et rendant nécessaire ce licenciement afin de sauvegarder sa compétitivité ; qu'en l'espèce, pour justifier la fermeture de son site de stockage et de son service client situé à Château-du-Loir au sein duquel est affectée M.B..., la société Harman France a invoqué la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'unité commerciale stratégique " Home et Multimédia " (HetMM) du groupe auquel elle appartient et qui constitue son activité exclusive, en raison d'une concurrence mondiale très vive et diversifiée sur ce secteur d'activité et afin de réduire les coûts en logistique pour investir dans une politique de recherche-développement et en ingénierie ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment du rapport " Projet de plan de sauvegarde de l'emploi " du cabinet Syndex mandaté par le comité d'entreprise, daté du 19 août 2014, que " le groupe Harman est un acteur leader et solide, profitable et en croissance " qui parvient à dégager des profits destinés au rachat d'actions et au versement de dividendes, s'inscrivant depuis 2012 dans le cadre d'une politique volontariste de rémunération des actionnaires ; que s'il est difficilement contestable que le secteur d'activité en cause (Hi-Fi et High Tech) au niveau du groupe est soumis à une forte concurrence engendrant inévitablement une pression sur les marges, la note économique fournie ne démontre aucunement en quoi la fermeture du site de Château du loir et la réduction des coûts qui s'en suivrait serait de nature à sauvegarder la compétitivité de la société et du groupe Harman alors que les experts indiquent que la compétitivité dans ledit secteur " n'apparaît aucunement menacée " ; qu'il est par ailleurs constant que la société requérante s'est gardée d'apporter des précisions notamment relatives au périmètre de son secteur d'activité au sein du groupe, lesquelles avaient pourtant été sollicitées en décembre 2014 par l'inspectrice du travail ; qu'elle n'a pas davantage justifié sa position par les réponses qu'elle a apportées au rapport Syndex, alors que le choix de fermeture du site de Château-du-Loir opéré trouve son origine, d'après lesdites conclusions, dans une stratégie, anticipée de longue date, de centralisation des services et plates-formes de pièces détachées aux Pays-Bas notamment ; que, dans ces conditions, l'inspectrice du travail a pu, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, estimer que le motif économique allégué du licenciement de M. B...n'était pas suffisamment établi et par suite légalement refuser l'autorisation sollicitée ; qu'il en est de même du ministre du travail, lequel, saisi d'un recours hiérarchique contre une décision refusant l'autorisation de licenciement et qui a créé des droits au profit du salarié intéressé, ne peut se prononcer qu'en tenant compte des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle s'est prononcé l'inspecteur du travail ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Harman France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 19 janvier 2015 et de celle, implicite, par laquelle le ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 et du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Harman France au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, en application de cet article, de mettre à la charge de la société Harman France la somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes frais exposés par M. B...;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Harman France est rejetée.

Article 2 : La société Harman France versera à M. B...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Harman France, au ministre du travail et à

M. A...B....

Délibéré après l'audience du 15 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- Mme Julliard, premier conseiller,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 juin 2017.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 16PA02154


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02154
Date de la décision : 29/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : SCP LEGENDRE-PICARD-SAADAT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-29;16pa02154 ?
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