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30/06/2017 | FRANCE | N°15PA00443,15PA00445

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 30 juin 2017, 15PA00443,15PA00445


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Citelum et le préfet de Paris ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le marché de performance énergétique relatif aux installations d'éclairage public, d'illumination et de signalisation lumineuse conclu le 8 février 2011 entre la ville de Paris et le groupement ETDE - Satelec - Vinci énergies - Aximum.

Par deux jugements n° 1102779 et n° 1102796 du 10 juin 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 11PA03638 du 13 mai 20

13, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Citelum...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Citelum et le préfet de Paris ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le marché de performance énergétique relatif aux installations d'éclairage public, d'illumination et de signalisation lumineuse conclu le 8 février 2011 entre la ville de Paris et le groupement ETDE - Satelec - Vinci énergies - Aximum.

Par deux jugements n° 1102779 et n° 1102796 du 10 juin 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 11PA03638 du 13 mai 2013, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Citelum contre le jugement n° 1102779. Par un arrêt n° 11PA03639 du 13 mai 2013, la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, a annulé le jugement n° 1102796 en tant qu'il avait statué sur les moyens tirés de la modification de la définition des besoins de la Ville de Paris au cours du dialogue compétitif et de l'irrégularité de l'offre de la société Citelum et, d'autre part, a rejeté la requête de la société Citelum.

Par deux décisions n° 3711991 et n° 371992 du 7 janvier 2015, le Conseil d'Etat a annulé les arrêts n° 11PA03638 et n° 11PA03639 rendus par la cour administrative d'appel de Paris le 13 mai 2013 et renvoyé le jugement de ces affaires devant la cour.

Procédure devant la Cour :

I, sous le n° 15PA00443 :

Par des mémoires, enregistrés les 13 novembre 2015 et 21 novembre 2016, la

société Citelum, représentée par la SCP Lyon-Caen-Thiriez, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n°1102796 du tribunal administratif de Paris du 10 juin 2011 ;

2°) d'annuler et, à défaut, de résilier avec effet différé le marché contesté ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris et de la société Evesa, à due concurrence, une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Citelum soutient que :

- les premiers juges ont écarté de manière inintelligible ses moyens tirés de la modification des besoins en cours de dialogue compétitif et du rejet illégal de son offre et ont ainsi entaché le jugement attaqué d'une insuffisance de motivation ;

- elle est recevable à invoquer tout moyen de légalité et pas seulement les vices qui ont pu léser ses intérêts ;

- elle est en tout état de cause lésée par les vices qu'elle invoque et en particulier ceux tirés de la méconnaissance, par la ville de Paris, de son obligation d'information relative à la masse salariale à reprendre et de l'article 35 du code des marchés publics ;

- la question de l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail présente une difficulté sérieuse, de sorte qu'il y a lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce que la cour de cassation puis, le cas échéant, la cour d'appel de renvoi se soit prononcée ;

- l'article L. 1224-1 du code du travail étant applicable au marché en litige, la ville de Paris a méconnu le principe d'égalité de traitement des candidats ainsi que ses obligations de publicité et de mise en concurrence en ne communiquant pas aux candidats d'informations sur le coût de la masse salariale à reprendre ;

- son offre n'était pas irrégulière ;

- la ville de Paris a méconnu l'article 10 du code des marchés publics et n'a pas défini, avec une précision suffisante, ses besoins ;

- l'offre du groupement ETDE était irrégulière.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 octobre 2015 et 17 août 2016,

la société Evesa, venant aux droits de la société ETDE, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et ce que soit mise à la charge de la société Citelum une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Evesa soutient que :

- les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas applicables ;

- l'offre présentée par la société Citelum ayant été éliminée en raison de son irrégularité, cette dernière ne justifie pas de la lésion de ses intérêts ;

- le défaut d'information relative à la reprise du personnel n'a, en tout état de cause, eu aucun incidence sur le choix de l'attributaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2015, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, demande à la Cour :

1°) à titre principal de rejeter la requête de la société Citelum ;

2°) à titre subsidiaire de prononcer la résiliation du contrat avec effet deux ans et six mois après la notification du présent arrêt ;

3°) de mettre à la charge de la société Citelum une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La ville de Paris soutient que :

- les vices soulevés par la société Citelum à l'encontre du contrat litigieux n'ont pas été en l'espèce susceptibles de la léser ;

- les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas applicables ;

- l'obligation d'information des candidats relative à la masse salariale à reprendre ne constituant pas un élément essentiel du marché, l'absence d'information n'a en tout état de cause eu aucune incidence sur la validité du marché.

II, sous le n° 15PA00445 :

Par des mémoires, enregistrés les 13 novembre 2015 et 21 novembre 2016,

la société Citelum, représentée par la SCP Lyon-Caen-Thiriez, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1102779 du tribunal administratif de Paris du 10 juin 2011 ;

2°) d'annuler et, à défaut, de résilier avec effet différé le marché contesté ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris et de la société Evesa, à due concurrence, une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Citelum soutient que :

- les premiers juges ont écarté de manière inintelligible ses moyens tirés de la modification des besoins en cours de dialogue compétitif et du rejet illégal de son offre et ont ainsi entaché le jugement attaqué d'une insuffisance de motivation ;

- elle est recevable à invoquer tout moyen de légalité et pas seulement les vices qui ont pu léser ses intérêts ;

- elle est en tout état de cause lésée par les vices qu'elle invoque et en particulier ceux tirés de la méconnaissance, par la ville de Paris, de son obligation d'information relative à la masse salariale à reprendre et de l'article 35 du code des marchés publics ;

- la question de l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail présente une difficulté sérieuse, de sorte qu'il y a lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce que la cour de cassation puis, le cas échéant, la cour d'appel de renvoi se soit prononcée ;

- l'article L. 1224-1 du code du travail étant applicable au marché en litige, la ville de Paris a méconnu le principe d'égalité de traitement des candidats ainsi que ses obligations de publicité et de mise en concurrence en ne communiquant pas aux candidats d'informations sur le coût de la masse salariale à reprendre ;

- son offre n'était pas irrégulière ;

- la ville de Paris a méconnu l'article 10 du code des marchés publics et n'a pas défini, avec une précision suffisante, ses besoins ;

- l'offre du groupement ETDE était irrégulière.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 octobre 2015 et 17 août 2016,

la société Evesa, venant aux droits de la société ETDE, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et ce que soit mise à la charge de la société Citelum une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Evesa soutient que :

- les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas applicables ;

- l'offre présentée par la société Citelum ayant été éliminée en raison de son irrégularité, cette dernière ne justifie pas de la lésion de ses intérêts ;

- le défaut d'information relative à la reprise du personnel n'a, en tout état de cause, eu aucun incidence sur le choix de l'attributaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2015, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, demande à la Cour :

1°) à titre principal de rejeter la requête de la société Citelum ;

2°) à titre subsidiaire de prononcer la résiliation du contrat avec effet deux ans et six mois après la notification du présent arrêt ;

3°) de mettre à la charge de la société Citelum une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La ville de Paris soutient que :

- les vices soulevés par la société Citelum à l'encontre du contrat litigieux n'ont pas été en l'espèce susceptibles de la léser ;

- les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas applicables ;

- l'obligation d'information des candidats relative à la masse salariale à reprendre ne constituant pas un élément essentiel du marché, l'absence d'information n'a en tout état de cause eu aucune incidence sur la validité du marché.

Par des lettres du 16 mai 2017, les parties ont été informées, en application de l'article

L. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.

Le 15 juin 2017, postérieurement à la clôture de l'instruction, la société Citelum a produit un mémoire dans les dossiers n° 15PA00443 et n° 15PA00445.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code du travail ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Boissy, rapporteur,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- les observations de Me Thiriez, avocat de la société Citelum,

- les observations de Me Michelin, avocat de la société Evesa venant aux droits de la société ETDE,

- et les observations de Me Froger, avocat de la ville de Paris.

1. Considérant que les requêtes n° 15PA00443 et n° 15PA00445 ont été présentées par la même société, concernent un même marché, comportent des moyens identiques et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a dès lors lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le

11 décembre 2009 au Journal officiel de l'Union européenne (JOUE) et au bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP), la ville de Paris a lancé une procédure de dialogue compétitif, sur le fondement des articles 36, 40 et 67 du code des marchés publics, alors applicable, en vue de l'attribution d'un marché de performance énergétique d'une durée de

dix ans, relatif aux installations d'éclairage public, d'illumination et de signalisation lumineuse sur le territoire de Paris intra-muros, des voies sur berges et du boulevard périphérique ; que ce marché, qui portait essentiellement sur des prestations d'assistance à maîtrise d'ouvrage, de travaux de performance énergétique, de traitement de la vétusté, du vandalisme, de renforcement, de remplacement d'installations accidentées, d'entretien, de fournitures de matériel et de service exploitation maintenance, avait vocation à substituer aux trente-cinq contrats alors en vigueur relatifs aux prestations d'éclairage public et de signalisation lumineuse un contrat unique visant à atteindre les objectifs du " plan climat " parisien ; que quatre candidats ont été admis à participer au dialogue compétitif dont le groupement momentané constitué par les sociétés Satelec, Vinci énergie Ile-de-France, Aximum et ETDE, par ailleurs mandataire de ce groupement (ci-après " le groupement ETDE ") et le groupement constitué par les sociétés GDF Suez Energie Service, Ineo et Citelum, par ailleurs mandataire du groupement (ci-après le " groupement Citelum ") ; que la commission d'appel d'offres de la ville de Paris, après avoir déclaré que l'offre présentée par le groupement Citelum était irrégulière, a attribué le marché au groupement ETDE le 11 janvier 2011 ; que le contrat a été signé le 8 février suivant ; que le groupement attributaire a ensuite créé une structure dédiée à l'exécution de ce contrat, la société Evesa ;

3. Considérant que, par un premier jugement du 10 juin 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté le déféré exercé par le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, contre ce contrat ; que, par un arrêt du 13 mai 2013, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la société Citelum, intervenant volontaire en première instance ; que, par un second jugement du 10 juin 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté le recours en contestation de la validité de ce contrat exercé par la société Citelum ; que, par un arrêt du 13 mai 2013, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé ce jugement en tant qu'il avait statué sur les moyens tirés de la modification de la définition des besoins de la Ville de Paris au cours du dialogue compétitif et de l'irrégularité de l'offre de la société Citelum, a ensuite rejeté l'appel formé par la société Citelum contre ce jugement ; que, par deux décisions du 7 janvier 2015, le conseil d'Etat a annulé ces arrêts et renvoyé à la Cour le jugement de ces deux affaires ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense ;

Sur la régularité des jugements attaqués :

4. Considérant que la société Citelum soutient que les premiers juges, d'une part, ont écarté de manière inintelligible ses moyens tirés de la modification des besoins en cours de dialogue compétitif et du rejet illégal de son offre et, d'autre part, ont méconnu leur office en s'abstenant de vérifier si les termes de l'offre finale du groupement ETDE faisaient, ou non, obstacle à la cession des droits de propriété prévue à l'article 18.2 du programme fonctionnel et ont ainsi entaché les jugements attaqués d'irrégularités ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers de première instance que les jugements attaqués ont été régulièrement notifiés à la société Citelum le 15 juin 2011 ; que le délai d'appel contre ces jugements expirait donc le 16 août 2011 ; que, dans ses requêtes sommaires enregistrées les 5 août 2011 sous les nos 11PA03638 et 11PA03639, la société requérante n'a présenté que des moyens se rattachant au bien-fondé des jugements ; que les moyens exposés au point 4, qui se rattachent à la régularité de ces jugements, n'ont été soulevés que dans les mémoires complémentaires de la société enregistrés au greffe de la cour le

7 octobre 2011 ; qu'ils reposent ainsi sur un cause juridique distincte de ceux invoqués avant l'expiration du délai d'appel et ne sont par suite pas recevables ;

Sur le bien-fondé des jugements attaqués :

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article 10 du code des marchés publics :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 10 du code des marchés publics alors applicable : " Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues par le III de l'article 27. A cette fin, il choisit librement le nombre de lots, en tenant notamment compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause et, le cas échéant, des règles applicables à certaines professions. Les candidatures et les offres sont examinées lot par lot. (...) / Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s'il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu'elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations ou encore qu'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les prestations relatives à l'éclairage public et à la signalisation lumineuse exécutées sur le territoire de Paris intra-muros, des voies sur berges et du boulevard périphérique, qui faisaient auparavant l'objet de trente-cinq contrats conclus avec différents prestataires, n'avaient permis jusqu'alors de procéder qu'à des économies de consommations d'énergie très limitées au regard des objectifs élevés du " plan climat " parisien, et en particulier celui visant à réduire, pour l'année 2020, de 30 % la consommation d'énergie par rapport au niveau atteint en 2004 ; que, compte tenu de ces constats et de ces objectifs, et alors même que des prestations distinctes étaient identifiables, la ville de Paris a pu estimer que le recours à un marché global de performance énergétique développant des synergies entre, notamment, les fonctions d'études, de travaux, d'exploitation, de maintenance, et dans lequel le niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique était contractualisé, était, compte tenu de la complexité administrative et technique de l'opération, plus à même de rendre techniquement moins difficile et financièrement moins coûteuse l'exécution des prestations que si elle avait eu recours à l'allotissement ; que, par suite, elle n'a pas méconnu l'article 10 du code des marchés publics ;

En ce qui concerne les moyens tirés de l'insuffisante définition des besoins et de la modification substantielle des besoins au cours du dialogue compétitif :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 36 du code des marchés publics alors applicable : " La procédure de dialogue compétitif est une procédure dans laquelle le pouvoir adjudicateur conduit un dialogue avec les candidats admis à y participer en vue de définir ou de développer une ou plusieurs solutions de nature à répondre à ses besoins et sur la base de laquelle ou desquelles les participants au dialogue seront invités à remettre une offre (...) " ; qu'aux termes de l'article 67 du même code : " (...) Les besoins et exigences sont définis par le pouvoir adjudicateur dans cet avis et, le cas échéant, dans un projet partiellement défini ou dans un programme fonctionnel. (...) L'objet du dialogue est l'identification et la définition des moyens propres à satisfaire au mieux les besoins. Tous les aspects du marché peuvent être discutés avec les candidats sélectionnés. (...) Le dialogue se poursuit jusqu'à ce que soient identifiées, éventuellement après les avoir comparées, la ou les solutions qui sont susceptibles de répondre aux besoins, pour autant qu'il y ait un nombre suffisant de solutions appropriées " ; qu'aux termes de l'article 5 du même code : " I. - La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que si les prescriptions du programme fonctionnel peuvent être modifiées au cours du dialogue, ces modifications ne peuvent porter sur la nature et l'étendue des besoins de la personne publique, lesquelles peuvent seulement faire l'objet des précisions nécessaires pour répondre aux éléments d'information complémentaires apparus au cours de la procédure et à la condition que ces précisions soient portées en temps utile à la connaissance de tous les candidats ayant fait une offre pour leur permettre de l'adapter ;

9. Considérant, en premier lieu, que la société Citelum soutient que la ville de Paris, en laissant la possibilité aux candidats de répartir librement les prestations visant à atteindre l'objectif de réduction de consommation d'énergie entre la tranche ferme et la tranche conditionnelle du marché et en introduisant en cours de dialogue un plafond de performance énergétique à atteindre sous peine de pénalités, a procédé à une définition de ses besoins insuffisante ;

10. Considérant que la ville de Paris, en indiquant, à l'article 7.1.1 du programme fonctionnel que " (...) la consommation d'énergie en 2010 à périmètre constant (année 2004) est estimée à 150,02 GWh. Le titulaire devra proposer une diminution à périmètre constant (année 2004) de 41,76 GWh d'ici à la fin du contrat (...) ", doit être regardée comme ayant défini, avec une précision suffisante, ses besoins en matière de réduction de la consommation d'énergie ; qu'en offrant aux candidats la possibilité de répartir librement les prestations visant à atteindre l'objectif précité entre la tranche ferme et la tranche conditionnelle du marché, la ville de Paris a seulement laissé aux candidats le soin de proposer différentes modalités permettant d'atteindre cet objectif conformément à la procédure de dialogue compétitif ; que la circonstance qu'au cours du dialogue, la ville de Paris a introduit un mécanisme de pénalité n'est pas davantage de nature à établir que la ville de Paris aurait défini ses besoins de manière insuffisante ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du code des marchés publics doit être écarté ;

11. Considérant, en second lieu, que la société Citelum soutient que la ville de Paris, en imposant aux candidats un système de télégestion et en faisant de cette exigence une clause tangible lors de la remise de l'offre finale, en précisant que les droits de propriété intellectuelle seraient transférés au pouvoir adjudicateur et en indiquant, lors de la troisième audition, que les opérations du plan climat ne devaient pas concerner les parcs et jardins, a modifié la nature et l'étendue de ses besoins en cours de dialogue compétitif ;

12. Considérant, tout d'abord, qu'il ressort du programme fonctionnel, et en particulier du livre 15 de ce programme, que le système de télégestion était une simple faculté et non une obligation pour les candidats, qu'il ne constituait pas un besoin de la personne publique mais une solution susceptible d'y répondre ;

13. Considérant, ensuite, qu'en décidant, en cours de procédure, que les droits de propriété intellectuelle seraient transférés au pouvoir adjudicateur, la ville de Paris n'a pas modifié substantiellement ses besoins mais a simplement privilégié une solution lui permettant de s'assurer qu'elle pourrait intervenir sur les systèmes informatiques de maintenance du marché ;

14. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier de l'analyse de l'article 1.2.3 du programme fonctionnel, que les espaces verts n'ont pas été insérés dans la tranche ferme du marché mais seulement dans la tranche conditionnelle ; que, dès lors, la ville de Paris, en indiquant aux candidats, lors de la troisième audition, que, s'agissant de la réalisation de la tranche ferme, les opérations " plan climat " ne devaient pas concerner les parcs et jardins, s'est bornée à leur rappeler une information qui leur avait été communiquée dès le début de la procédure sans modifier l'étendue de ses besoins sur ce point ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article L. 1224-1 du code du travail :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise " ; que ces dispositions trouvent à s'appliquer, notamment lorsqu'à l'occasion de la perte d'un marché, s'opère un transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome, conservant son identité, et dont l'activité est poursuivie et reprise par le nouvel employeur ; que constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ;

16. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le périmètre du marché à performance énergétique (MPE) en litige ne regroupe que partiellement les activités exercées par la société Citelum dans le cadre des six contrats dont elle était titulaire ou associée alors que le marché regroupe trente-cinq contrats et que de nombreuses prestations figurant dans le MPE faisaient l'objet de contrats qui n'avaient auparavant pas été confiés à la société Citelum ; qu'il résulte également de l'instruction que la société Citelum s'est vue confier l'exécution de contrats, et en particulier les marchés d'éclairage public et de signalisation lumineuse pour les travaux du tramway et d'accompagnement du tramway ainsi que les lots nos 1 et 2 de la maintenance des mâts d'éclairage des établissements sportifs de la ville de Paris, qui n'ont pas été intégrés dans ce MPE ;

17. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, si certaines activités sont identiques à celles figurant dans les marchés jusqu'alors confiés à la société Citelum, l'une des prestations essentielles attendues du nouvel opérateur, pour ce MPE, est de garantir des économies d'énergie ; qu'une telle prestation ne figurait pas au nombre de celles incombant à la société Citelum ;

18. Considérant, en dernier lieu, que si la société Evesa a repris une partie des moyens humains, corporels et incorporels de la société Citelum, les seuls éléments repris ne suffisent pas, en l'espèce, à caractériser la reprise de l'activité par la société Evesa ; qu'ainsi, sur les 8 sites qui avaient été mis à disposition de la société Citelum, seul le site Bourdelle a été repris pour que la société Evesa y installe son siège social ;

19. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui a été dit aux points 15 à 18 qu'à supposer même que les activités exercées par la société Citelum constituaient une entité économique autonome, celle-ci n'a pas conservé son identité après l'attribution du marché en litige au groupement ETDE ; qu'en ne prévoyant pas le transfert des salariés de la société Citelum dans les obligations contractuelles du titulaire du MPE, la ville de Paris n'a dès lors pas méconnu les dispositions de 1'article L. 1224-1 du code du travail ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement des candidats et des obligations de publicité et de mise en concurrence caractérisée par l'absence de communication des informations sur le coût de la masse salariale à reprendre :

20. Considérant, ainsi qu'il vient d'être dit au point 19, que l'article L. 1224-1 du code de travail n'était pas applicable au marché en litige ; que, dès lors, la ville de Paris, en ne communiquant pas d'informations sur le coût de la masse salariale à reprendre, n'a pas méconnu le principe d'égalité de traitement des candidats et ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la violation de l'article 35 du code des marchés publics :

21. Considérant qu'aux termes de l'article 35 du code des marchés publics alors applicable : " (...) I. 1° (...) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation. Une offre est inacceptable si les conditions qui sont prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur (...) " ; qu'aux termes de l'article 53 du même code : " (...) III. - Les offres inappropriées, irrégulières ou inacceptables sont éliminées (...) " ;

S'agissant de l'offre du groupement ETDE :

22. Considérant, en premier lieu, que, dès lors que l'article L. 1224-1 du code de travail n'était pas applicable au marché en litige, ainsi qu'il a été dit au point 19, l'offre du groupement ETDE n'était, en tout état de cause, pas inacceptable, au sens de l'article 35 du code des marchés publics ;

23. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 18.2. du programme fonctionnel : " Le titulaire du marché cède, à titre exclusif, pour un euro, l'intégralité des droits ou titres de toutes natures afférents aux résultats permettant au pouvoir adjudicateur de les exploiter librement pour les destinations précisées dans les documents particuliers du marché " ;

24. Considérant que la société Citelum soutient que l'offre du groupement EDTE était irrégulière au regard de ces stipulations dès lors que ce groupement avait proposé de recourir au logiciel " Packweb " développé par la société Citégestion, filiale de la société ETDE, et que, la société Citegestion conservant la propriété exclusive du logiciel, il était fait obstacle à toute cession des droits de propriété intellectuelle à la ville de Paris ;

25. Considérant que, si le groupement a proposé d'utiliser dans un premier temps ce logiciel " Packweb " pendant une phase transitoire, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que, dans sa proposition ou dans tout autre pièce du contrat en litige, il aurait imposé d'utiliser ce logiciel pendant la durée du marché et aurait refusé de livrer les codes sources et de céder les droits de propriété intellectuelle sur le logiciel utilisé jusqu'à la fin du contrat ; que, dès lors, la société Citelum n'est pas fondée à soutenir que l'offre du groupement était irrégulière ;

S'agissant de l'offre du groupement Citelum :

26. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de la commission d'appel d'offres (CAO) du 11 janvier 2011 et de la lettre du 19 janvier 2011, que la

société Citelum a remis une version " papier " signée de l'acte d'engagement qui était incomplète et une version " informatique " complète mais non signée ; que les pages manquantes dans la version " papier " comportaient les engagements du candidat relatives à la durée du contrat, au nombre de tranches conditionnelles et à leur contenu ; que la société requérante a également omis de préciser la durée de validité de son engagement et n'a pas davantage produit l'annexe à l'acte d'engagement ni les annexes 1 et 2 du mémoire technique ; qu'enfin, les documents produits comportaient plusieurs discordances et incohérences ; que, par suite, la société Citelum n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la CAO de la ville de Paris a, en application des articles 35 et 53 précités, éliminé comme irrégulière son offre dès lors que celle-ci ne comprenait pas, au sens du VII de l'article 67 du code des marchés publics, " tous les éléments requis et nécessaires pour la réalisation du marché " ;

27. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Citelum n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ainsi que celle du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, tendant à l'annulation du contrat en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris et de la société Evesa, qui ne sont pas, dans la présente instance les parties perdantes, le versement de la somme que demande la société Citelum au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Citelum une somme de 1 500 euros à verser respectivement à la ville de Paris et à la société Evesa au titre de ces mêmes frais ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes n° 15PA00443 et n° 15PA00445 sont rejetées.

Article 2 : La société Citelum versera à la Ville de Paris une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Citelum versera à la société Evesa une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Citelum, au préfet de la région

d'Ile-de-France, préfet de Paris, à la société Evesa venant aux droits de la société ETDE et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Mosser, président-assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2017.

Le rapporteur,

L. BOISSYLe président,

M. HEERSLe greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 15PA00443, 15PA00445 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00443,15PA00445
Date de la décision : 30/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN-THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-30;15pa00443.15pa00445 ?
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