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04/10/2017 | FRANCE | N°16PA03501

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 04 octobre 2017, 16PA03501


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle la Banque de France a implicitement refusé de requalifier son contrat de travail en contrat à durée indéterminée.

Par un jugement n° 1504933/5-2 du 29 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision susmentionnée et mis à la charge de la Banque de France une somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 29 novembre 2016, la Banque de France, représentée par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle la Banque de France a implicitement refusé de requalifier son contrat de travail en contrat à durée indéterminée.

Par un jugement n° 1504933/5-2 du 29 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision susmentionnée et mis à la charge de la Banque de France une somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2016, la Banque de France, représentée par la SCP C...et Trichet, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 septembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande de M.D... ;

3°) de mettre à la charge de M. D...la somme de 12 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions du rapporteur public n'ont pas été mises en ligne dans un délai raisonnable et étaient en outre incomplètes ;

- le recrutement de M. D...s'est inscrit dans un contexte particulier et exceptionnel qui justifiait le recours à des agents ayant des compétences exceptionnelles ;

- la personne qui l'a remplacé n'avait pas le même profil que l'intéressé ;

- le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2017, M.D..., représenté par la SCP Lyon-Caen et Thiriez conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la Banque de France la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la Banque de France ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 avril 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 3 mai 2017.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code monétaire et financier,

- le code du travail,

- le statut du personnel de la Banque de France,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la Banque de France, et de MeA..., représentant M.D....

1. Considérant que, le 15 décembre 2009, M. D...a été recruté en contrat à durée déterminée par la Banque de France en qualité de chargé de mission sur un poste de gestionnaire de portefeuille senior ; que, par avenant du 14 décembre 2011, ce contrat a été prorogé jusqu'au 14 décembre 2014 inclus ; que, par lettre du 11 décembre 2014,

M. D...a sollicité la requalification de ce contrat de travail en contrat à durée indéterminée ; que la Banque de France relève appel du jugement n° 1504933/5-2

du 29 septembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision par laquelle elle a implicitement refusé de faire droit à cette demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'alinéa 1er de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne." ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le rapporteur public a mis en ligne le sens de ses conclusions le 13 septembre 2016 pour l'audience du 15 septembre 2016, soit dans un délai raisonnable ; que le rapporteur public n'était pas tenu de préciser la réponse qu'il entendait apporter à chacun des moyens soulevés ; que, dès lors, la Banque de France n'est pas fondée à soutenir que le jugement est irrégulier pour méconnaissance des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

4. Considérant en deuxième lieu que la Banque de France soutient que le tribunal a entaché son jugement d'un défaut de motivation, en ne répondant pas au moyen tiré de ce que la personne qui a remplacé M. D...n'avait pas le même profil que l'intéressé ; que les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments développés par les parties à l'appui de leurs moyens, ont analysé les conditions dans lesquelles il a été pourvu au remplacement de M.D... ; que le jugement est par suite régulier à cet égard ;

Sur la légalité de la décision de la Banque de France :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 142-2 du code monétaire et financier : " Le conseil général administre la Banque de France (...) Il délibère des statuts du personnel. Ces statuts sont présentés à l'agrément des ministres compétents par le gouverneur de la Banque de France. " ; qu'aux termes de l'article 113 du statut du personnel de la Banque de France :

" Il peut être pourvu aux emplois de la Banque de France par voie contractuelle. Les agents contractuels sont soumis aux dispositions générales du titre I du statut du personnel, à l'exception des articles 109 et 114./ Ils ne font pas partie du personnel titulaire et auxiliaire de la Banque " ; qu'aux termes de l'article 301 de ce statut : " Le personnel auxiliaire comprend tous les agents non titulaires recrutés sans engagements de durée, à l'exception de ceux qui effectuent un apprentissage ou un stage en vue de leur admission en qualité de titulaire " ; qu'aux termes de l'article 114 du même statut : " Le Gouverneur peut confier des missions exceptionnelles et temporaires à des collaborateurs de son choix pris en dehors du personnel de la Banque . / Ces missions donnent lieu à des engagements contractuels limités à une durée maximum de cinq années. / La rémunération afférente à ces engagements est imputée sur des crédits spécialement votés, à cet effet, par le Conseil général " ;

6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions et de l'ensemble des statuts du personnel que les emplois permanents de la Banque de France sont pourvus d'une part, par les personnels permanents constitués des agents titulaires et auxiliaires, d'autre part, par les agents contractuels recrutés sur la base de l'article 113 du statut du personnel de la Banque de France et que tous bénéficient d'une rémunération et d'un déroulement de carrière organisés par ce statut ; que l'article 114 du statut ouvre la possibilité de recruter temporairement pour des missions exceptionnelles des personnels extérieurs à la Banque de France, soumis pour l'essentiel aux règles du code du travail et financés par des crédits spécifiques, mais non de pourvoir des emplois permanents régulièrement budgétés ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les tâches pour lesquelles

M. D...a été recruté en septembre 2009 sont, en substance, identiques à celles qu'accomplissent les autres gestionnaires de portefeuille seniors affectés au service de gestion des réserves de change de la direction générale des opérations ; que si la Banque de France soutient que le contexte économique international prévalant en 2009 et jusqu'en 2011 justifiait un renforcement des équipes d'agents permanents par des gestionnaires plus spécialisés et plus expérimentés capables d'apporter leur expertise, leur maîtrise des situations de stress et d'assurer la formation des gestionnaires juniors, l'accomplissement de ces tâches ne correspond pas à une mission exceptionnelle ou temporaire mais au fonctionnement normal d'un service composé de gestionnaires de portefeuille en charge de la gestion des réserves de change ; que

M. D...a d'ailleurs remplacé en 2009 un agent contractuel de même profil recruté en 2004 avant l'intervention de la crise financière ; que les modalités de formation des gestionnaires juniors n'apparaissent d'ailleurs pas comme liées aux circonstances particulières, la Banque de France reconnaissant dans ses écritures que le recrutement par concours ne garantit pas la sélection de personnes ayant une " sérieuse expérience du marché " ; qu'il est constant qu'un contrat à durée indéterminée a été proposé en décembre 2011 à M.D..., sans qu'il ne soit ni allégué, ni établi par la Banque de France que cette proposition soit liée à une évolution sensible des fonctions occupées par l'intéressé ; qu'il est également constant que M. D... a été muté en avril 2014 sur un poste de gestion de portefeuille précédemment occupé par un autre agent, poste dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il était relatif à la gestion de situations de crise particulières ; qu'en outre, il ne ressort pas du courriel par lequel le supérieur hiérarchique de M. D...lui a indiqué qu'il ne lui paraissait pas souhaitable de prolonger une nouvelle fois son contrat ou de le transformer en contrat à durée indéterminée que ce refus ait pu être motivé par la fin des missions exceptionnelles de l'intéressé ; que d'ailleurs la Banque de France a publié en novembre 2014 une offre d'emploi concernant le poste précédemment occupé par M.D... ; qu'ainsi, alors même que cette offre a été annulée par la suite, et quelles que soient les compétences particulières des agents recrutés par le Banque de France après le départ de M. D..., l'emploi occupé par ce dernier ne saurait être regardé comme relevant, à la date où il y a été mis fin, des dispositions de l'article 114 précité du statut du personnel ; que par suite, c'est à tort que la Banque de France a refusé de faire droit à la demande de M. D... tendant à la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée au motif que son emploi était régi par lesdites dispositions ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Banque de France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite de refus née du silence gardé par la Banque de France sur la demande de M. D...du 11 décembre 2014 tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de la Banque de France, partie perdante, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.D..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme sur le fondement de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Banque de France est rejetée.

Article 2 : La Banque de France versera à M. D...une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et à la Banque de France.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

Mme Appèche, président,

M. Magnard, premier conseiller,

Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 octobre 2017.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative

S. APPECHE

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16PA03501


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03501
Date de la décision : 04/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : SCP DELVOLVE-TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-10-04;16pa03501 ?
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