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23/10/2017 | FRANCE | N°15PA00242

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 23 octobre 2017, 15PA00242


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Tenesol Location 5 a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre du troisième trimestre 2011, pour un montant de 202 110 francs CFP, ainsi que les intérêts correspondants et de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 15 099 085 francs CFP au titre de la même période ;

Par un jugement n° 1400127 du 21 octo

bre 2014, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Tenesol Location 5 a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre du troisième trimestre 2011, pour un montant de 202 110 francs CFP, ainsi que les intérêts correspondants et de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 15 099 085 francs CFP au titre de la même période ;

Par un jugement n° 1400127 du 21 octobre 2014, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 janvier 2015 et deux mémoires enregistrés les 28 septembre 2015 et 8 mars 2016, la SNC Tenesol Location 5, représentée par Me Message, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée supplémentaire au titre du troisième trimestre 2011 d'un montant de 15 099 085 francs CFP ;

3°) de prononcer la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée de 202 110 francs CFP et des intérêts de retard correspondants figurant sur l'avis de mise en recouvrement n° 20121002833 ;

4°) de mettre à la charge de la Polynésie française, conformément aux dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement de la somme de 750 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés dans la présente instance et en première instance.

La société requérante soutient que :

- l'administration a méconnu l'article LP 611-3 du code des impôts de Polynésie française en estimant que le fait de verser un complément de taxe sur la valeur ajoutée en paiement d'une facture rectificative émise par la société anonyme (SA) Tenesol Polynésie à la suite du redressement dont cette dernière avait fait l'objet ne constituait pas un évènement de nature à rouvrir le délai de réclamation ;

- elle a présenté une réclamation à l'administration dans le délai ouvert à compter de l'établissement de la facture rectificative ;

- le supplément de prix correspondant au redressement de taxe sur la valeur ajoutée relève d'une relation commerciale ordinaire.

Par un mémoire en défense et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 août et 2 décembre 2015, la Polynésie française, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande à ce que soit mis à la charge de la SNC Tenesol Location 5 le versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Polynésie française soutient que les moyens soulevés par la SNC Tenesol

Location 5 ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Heers, président-rapporteur,

- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,

- et les observations de Me Message, avocat de la SNC Tenesol Location 5.

1. Considérant que, dans le cadre d'une opération de défiscalisation des investissements outre-mer prévu à l'article 199 undecies B du code général des impôts, la société en nom collectif (SNC) Tenesol Location 5 a acquis auprès de la SA Tenesol Polynésie, le 26 novembre 2007, des chauffe-eaux et des panneaux solaires ainsi que leurs installations facturés à un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 10 % ; que la SA Tenesol Polynésie ayant fait l'objet, le 3 décembre 2010, d'un redressement de taxe sur la valeur ajoutée par application d'un taux de 16 % sur la vente des biens, elle a adressé à la

SNC Tenesol Location 5 une facture rectificative datée du 30 septembre 2011 incluant le complément de taxe sur la valeur ajoutée correspondant ; que la SNC Tenesol Location 5 a alors, en octobre 2011, sollicité le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 15 099 085 francs CFP, au titre du troisième trimestre de l'année 2011, correspondant à ce complément de taxe sur la valeur ajoutée réglé à son fournisseur ; que cette demande a été rejetée par la direction des impôts et des contributions publiques, qui a par ailleurs procédé à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la même période d'un montant de 203 625 francs CFP en refusant d'accepter le caractère déductible de ce complément de taxe sur la valeur ajoutée ; que la société Tenesol Location 5 fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif a rejeté sa demande de décharge de ce rappel et de remboursement de ce crédit ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 340-1 du code des impôts de la Polynésie française dispose : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti " ; qu'aux termes de l'article 345-4 du code des impôts : " (...) Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible chez le fournisseur ou en cas d'importation d'un bien, chez l'assujetti lui-même. Les clients des assujettis ayant opté pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée d'après les débits sont autorisés à opérer la déduction de la taxe dès réception des factures de leurs fournisseurs comportant mention du paiement de la taxe d'après les débits et sans attendre le paiement du prix. La déduction est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre de la période au cours de laquelle le droit à déduction a pris naissance " ; qu'en vertu de l'article 345-11, la déduction ne peut s'opérer que si l'assujetti est en possession des factures et documents exigés à l'article 345-10 et, si ceux-ci font l'objet d'une rectification, la régularisation des déductions initialement opérées doit intervenir au titre de la période au cours de laquelle l'assujetti a eu connaissance de cette rectification ; qu'en vertu de l'article LP 345-12, en cas de régularisation d'une omission de déclaration, la taxe dont la déduction a été omise peut figurer sur l'une des déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de l'année qui suit celle de l'omission ; qu'enfin aux termes de l'article LP 611-3 du code des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " Pour être recevables, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) c) de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. " ; que doivent être regardés comme de tels événements ceux qui sont de nature à exercer une influence sur le bien-fondé de l'imposition, soit dans son principe, soit dans son montant ;

3. Considérant que, pour contester le droit à déduction qu'invoque la SNC Tenesol Location 5, l'administration soutient que la réclamation qu'elle a formulée était tardive dès lors que le droit à déduction de la taxe avait pris naissance à la livraison des biens, en décembre 2007, et que le délai dans lequel pouvait s'exercer ce droit en application des dispositions de l'article 345-12 précité était expiré à la date de la déclaration de chiffre d'affaires du 3ème trimestre 2011 ; que la requérante fait valoir toutefois que la facture " rectificative " du 30 septembre 2011 relative au complément de taxe sur la valeur ajoutée afférente à la vente des biens avait le caractère d'un événement au sens de l'article

LP 611-3 précité ;

4. Considérant que, contrairement à ce que soutient l'administration, le complément de taxe sur la valeur ajoutée payé par la SNC Tenesol Location 5 au vu de la facture du 30 septembre 2011 ne peut être regardé comme ayant été acquitté initialement dès lors que la facture initiale comportait l'indication expresse d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à cet égard, la circonstance que le taux alors appliqué était erroné, et inférieur au taux légalement applicable, ne saurait être assimilée au cas où aucun montant de taxe sur la valeur ajoutée n'est facturé ; que, par suite, la réception de la facture du 30 septembre 2011, émise à la suite du contrôle dont la SA Tenesol Polynésie avait fait l'objet et portant sur un complément de prix résultant de l'application d'un taux de taxe sur la valeur ajoutée supérieur, avait le caractère d'un évènement exerçant une influence sur le bien-fondé de l'imposition de nature à rouvrir le délai de réclamation en application du c) de l'article LP 611-3 du code des impôts ;

5. Considérant que la société a déposé une réclamation pour demander le remboursement de son crédit de taxe sur la valeur ajoutée enregistrée 13 octobre 2011, soit dans ce délai ;

6. Considérant enfin, que la Polynésie française se prévaut de ce qu'en vertu du contrat liant les deux sociétés, la SA Tenesol Polynésie et la SNC Tenesol Location 5, le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée a été supporté par la SA Tenesol Polynésie et non par la SNC, dès lors que la taxe sur les investissements outre-mer éligibles au régime de défiscalisation est entièrement supportée par l'exploitant en Polynésie qui devient locataire de la SNC lorsque les biens lui sont cédés ; qu'elle expose que les remboursements de crédit de taxe sur la valeur ajoutée effectués en faveur de la SNC sont, en application de ce contrat, reversés à la SA Tenesol Polynésie de sorte que le remboursement complémentaire en cause a pour seul objet de neutraliser le redressement opéré auprès de la SA et que seule cette circonstance a conduit la société requérante à honorer la facture rectificative qui ne l'aurait pas été dans une relation commerciale normale ; que, toutefois, le remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée ne saurait être regardé comme ayant pour effet de neutraliser le redressement supporté par la SA Tenesol Polynésie mais bien de rétablir le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'il est constant que la SNC Tenesol Location 5 s'est effectivement acquittée du complément de taxe qui lui était facturé ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Polynésie Française a rejeté sa demande ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Tenesol Location 5 au titre des frais exposés à raison de la présente instance par la Polynésie française ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SNC Tenesol Location 5 tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Polynésie Française du 21 octobre 2014 est annulé.

Article 2 : Il est accordé à la société Tenesol Location 5 le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 15 099 085 francs CFP au titre du troisième trimestre de l'année 2011.

Article 3 : La SNC Tenesol Location 5 est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée figurant sur l'avis de mise en recouvrement du 3 octobre 2012 n° 20121002833.

Article 4 : La Polynésie française versera à la société Tenesol Location 5 la somme

de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Tenesol Location 5 et à la Polynésie française.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- M. Auvray, président-assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 octobre 2017.

Le président-rapporteur,

M. HEERSL'assesseur le plus ancien,

B. AUVRAYLe greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la Réplique en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 15PA00242 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00242
Date de la décision : 23/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-09 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Affaires impayées ou annulées.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : CABINET FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-10-23;15pa00242 ?
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