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16/11/2017 | FRANCE | N°16PA02011

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 16 novembre 2017, 16PA02011


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 avril 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de changement de son nom de famille en " Azzouni ".

Par un jugement n° 1510970 du 21 avril 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2016, M. C... D..., représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement

n° 1510970 du 21 avril 2016 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision par l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 avril 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de changement de son nom de famille en " Azzouni ".

Par un jugement n° 1510970 du 21 avril 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2016, M. C... D..., représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1510970 du 21 avril 2016 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de changement de son nom de famille ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que le remboursement des droits de plaidoirie institués par l'article L. 723-3 du code de la sécurité sociale.

Il soutient que :

- la décision est entachée de l'incompétence de son signataire qui ne disposait pas d'une délégation de signature régulière ;

- il justifie d'un intérêt légitime à changer de nom au sens de l'article 61 du code civile car son père et lui-même souhaitent que soit officialisée la réalité de leur affection par la substitution au nom de sa mère du nom de son père et il est enregistré à l'état civil algérien sous le nom de son père.

Le garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas produit de mémoire en défense malgré la mise en demeure qui lui a été adressée en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative et dont il a accusé réception le 30 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, notamment son article 57 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008 ;

- l'arrêté du 15 février 1995 fixant la liste des audiences visées à l'article 2 du décret n° 95-161 du 15 février 1995 relatif aux droits de plaidoirie et à la contribution équivalente ;

- l'arrêté du 1er décembre 2014 fixant l'organisation en sous-directions de la direction des affaires civiles et du sceau ;

- l'arrêté du 1er décembre 2014 fixant l'organisation en bureaux de la direction des affaires civiles et du sceau ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public.

1. Considérant que M.D..., né à Toulouse le 21 juillet 1989, a été enregistré à l'état civil sous le nom de sa mère ; qu'il a noué des liens affectifs forts, selon les termes de sa requête, avec son père qui l'a reconnu le 23 décembre 2010 ; que M. D..., qui souhaite porter le nom de son père, " Azzouni ", afin d'affirmer sa filiation avec ce dernier, a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision du 28 avril 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de changement de nom ; que le tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 21 avril 2016 dont il relève appel devant la Cour ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la compétence du signataire de la décision litigieuse :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " À compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'État et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) / 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs (...) / Le changement de ministre ou de secrétaire d'État ne met pas fin à cette délégation (...) " ;

3. Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions combinées de l'article 2 de l'arrêté du 1er décembre 2014 fixant l'organisation en sous-directions de la direction des affaires civiles et du sceau et de l'article 2 de l'arrêté du 1er décembre 2014 fixant l'organisation en bureaux de la direction des affaires civiles et du sceau, la préparation des décrets relatifs aux changements de nom ressortit aux attributions de la sous-direction du droit civil ;

4. Considérant, d'autre part, que M. E...A..., signataire de la décision attaquée du 29 avril 2015, a été nommé en dernier lieu, par un arrêté du Premier ministre et de la garde des sceaux, ministre de la justice du 30 juillet 2012, publié au Journal Officiel du 1er août 2012, sous-directeur du droit civil à la direction des affaires civiles et du sceau à l'administration centrale du ministère de la justice à compter du 12 août 2012 ;

5. Considérant qu'il s'ensuit que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse aurait été signée par une autorité incompétente pour ce faire ;

En ce qui concerne la légalité interne de la décision litigieuse :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. / Le changement de nom est autorisé par décret. " ;

7. Considérant, en premier lieu, que des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ;

8. Considérant que M. D...fait valoir qu'il a noué des relations affectives avec son père et qu'il souhaite que sa filiation avec ce dernier soit " officialisée " par la substitution du nom de ce dernier à celui de sa mère, qui lui a été légalement donné à sa naissance ; que si le requérant produit un témoignage de son père, accompagné de la copie d'un document permettant de l'identifier et dont l'authenticité n'est pas en cause, par lequel ce dernier fait valoir qu'il rencontre régulièrement son fils et qu'il souhaite que ce dernier porte son nom, cet élément ne révèle aucune circonstance exceptionnelle permettant de regarder M. D... comme se prévalant d'un intérêt légitime à demander à changer de nom en application des dispositions précitées du code civil ;

9. Considérant, en second lieu, que l'inscription d'un ressortissant français à l'état civil d'un État étranger, sous un patronyme distinct de celui sous lequel est il enregistré à l'état civil français ne suffit pas, par elle-même, à fonder un intérêt légitime à changer de nom, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 61 du code civil ;

10. Considérant, par suite, que M.D..., qui fait valoir qu'il est enregistré à l'état civil algérien sous le nom de son père, Azzouni, et ne produit à l'appui de cette allégation qu'une attestation délivrée par l'autorité consulaire algérienne à Toulouse par laquelle son auteur certifie que Fouhad Azzouni né le 21 juillet 1989 et Fouhad D...né à la même date " sont une et même personne ", laquelle attestation ne constitue au demeurant pas un document d'état civil démontrant l'enregistrement de M. D...à l'état civil algérien, non plus d'ailleurs qu'elle ne démontre que l'intéressé est effectivement ressortissant algérien, n'est en tout état de cause pas fondé, par les seuls arguments qu'il invoque, à soutenir que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur d'appréciation ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. D... ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais de procédure :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

En ce qui concerne les frais d'avocat :

13. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. D..., qui est la partie perdante dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice ; que ses conclusions en ce sens doivent donc être rejetées ;

En ce qui concerne la demande de remboursement des droits de plaidoirie institués par l'article L. 723-3 du code de la sécurité sociale :

14. Considérant que le droit de plaidoirie est, conformément aux dispositions de l'article R. 723-26-2 du Code de la sécurité sociale, due à l'avocat pour chaque plaidoirie faite aux audiences dont la liste est fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice ; que l'article 2 de l'arrêté du 15 février 1995 fixant la liste des audiences visées à l'article 2 du décret n° 95-161 du 15 février 1995, devenu l'article R. 723-26-3 du code de la sécurité sociale, dispose que : " En matière administrative, le droit de plaidoirie est dû lorsque, dans le cadre de sa mission d'assistance ou de représentation, l'avocat intervient à l'audience dans le cadre d'une procédure juridictionnelle " ; que Me F... n'ayant pas effectivement plaidé, le 12 octobre 2017, lors de l'audience de la Cour durant laquelle a été examinée la requête de M. D..., le droit de plaidoirie n'est pas dû en l'espèce ; que, par suite, les conclusions de la requête qui tendent au remboursement de ce droit de plaidoirie, qui en outre relève des frais exposés et non compris dans les dépens au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 novembre 2017.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 16PA02011


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02011
Date de la décision : 16/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : SCP PRIOLLAUD - COHEN TAPIA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-16;16pa02011 ?
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