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21/11/2017 | FRANCE | N°16PA00277

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 21 novembre 2017, 16PA00277


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 4 février 2014, par laquelle le ministre chargé du travail a accordé à la société entretien nettoyage industriel (SENI) l'autorisation de le licencier.

Par un jugement n° 1403396 du 18 novembre 2015, le Tribunal administratif de Melun a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2016, la Société entretien nettoyage industriel, représentée par la

SCP Wedrychowski et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403396 du 18 nov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 4 février 2014, par laquelle le ministre chargé du travail a accordé à la société entretien nettoyage industriel (SENI) l'autorisation de le licencier.

Par un jugement n° 1403396 du 18 novembre 2015, le Tribunal administratif de Melun a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2016, la Société entretien nettoyage industriel, représentée par la SCP Wedrychowski et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1403396 du 18 novembre 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Melun et de confirmer la décision du 4 février 2014 du ministre chargé du travail ;

3°) de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement déféré est insuffisamment motivé, en particulier en ce qui concerne les circonstances de fait ;

- la recherche de reclassement de M. B...a été loyale et suffisante ;

- la décision de licenciement est légalement fondée dès lors que le salarié inapte avait refusé les offres de reclassement compatibles avec son état de santé et aussi comparables que possible au précédent emploi occupé.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 avril 2016, M.B..., représenté par Me C..., conclut à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de la SENI à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre du travail, qui n'a pas présenté de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeD...,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de Me Wedrychowski, avocat, pour la Société entretien nettoyage industriel.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...a été engagé le 19 mai 2004 au sein de la Société d'entretien et de nettoyage industriel (SENI) où, à la date de la décision litigieuse, il exerçait les fonctions de décapeur et détenait le mandat de membre suppléant du comité d'entreprise. Il a été déclaré inapte à son poste en raison de l'inhalation de poussières ou dégagements de produits chimiques par deux avis des 30 janvier 2013 et 14 février 2014 du médecin du travail qui a préconisé un reclassement sur un poste de surveillance ou de gardiennage notamment. Après deux refus de reclassement externe par M.B..., la société a saisi d'une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude non professionnelle l'inspectrice du travail qui, par décision du 26 août 2013, a confirmé sa décision implicite de rejet de la demande d'autorisation sollicitée, aux motifs que seules deux propositions avaient été faites par la SENI pour des postes éloignés de plusieurs centaines de kilomètres du domicile de l'intéressé, que toutes les possibilités de reclassement tant internes qu'externes n'avaient pas été explorées et qu'aucun effort en matière de formation professionnelle n'avait été fourni. Saisi d'un recours hiérarchique du 2 octobre 2013, le ministre chargé du travail a, par décision du 4 février 2014, annulé la décision de l'inspection du travail et accordé l'autorisation de licenciement sollicitée motifs pris que la décision implicite de rejet de l'inspectrice du travail était illégale faute pour cette dernière d'avoir communiqué à la société qui les avait sollicités les motifs de sa décision implicite, que l'employeur de M. B...devait être regardé comme ayant satisfait à ses obligations en matière de reclassement dès lors que deux postes avaient été proposés au salarié, et qu'aucun lien avec le mandat ne pouvait être établi. La SENI relève appel du jugement du 18 novembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 4 février 2014.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité :

2. Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. ". En vertu des dispositions des articles L. 2411-1 et suivants du code du travail, le licenciement des représentants du personnel, qui bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle, est subordonnée à une autorisation de l'inspecteur du travail. Il en résulte que l'inspecteur du travail, saisi du cas d'un salarié protégé reconnu inapte à son emploi, doit vérifier, dans les conditions prévues par l'article L. 1226-2 précité et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, des caractéristiques de l'emploi exercé par le salarié à la date à laquelle son inaptitude est constatée et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise, notamment par des mutations ou transformations de postes de travail. La circonstance que l'avis du médecin du travail, auquel il incombe de se prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ou à exercer d'autres tâches existantes, déclare le salarié protégé " inapte à tout emploi dans l'entreprise " ne dispense pas l'employeur, qui connaît les possibilités d'aménagement de l'entreprise et peut solliciter le groupe auquel, le cas échéant, celle-ci appartient, de rechercher toute possibilité de reclassement dans l'entreprise ou au sein du groupe, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations des postes de travail ou aménagement du temps de travail.

3. Il ressort des pièces du dossier que par un courriel du 15 février 2013, le président de la SENI a adressé à plusieurs sociétés et établissements du groupe Samsic, auquel cette société appartient, une demande relative à la disponibilité éventuelle d'un poste pour M.B.... Cette demande, qui exposait la nature du poste recherché, de surveillance ou de gardiennage conformément à l'avis du médecin du travail, ainsi que les fonctions précédemment exercées par l'intéressé, son ancienneté et sa rémunération, était suffisamment précise sans qu'il soit nécessaire de préciser que M. B...était titulaire d'un permis de conduire et d'un diplôme " service de sécurité incendie et d'assistance à personne ", dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué que les postes de reclassement possibles auraient requis la détention de tels permis. En outre, si M. B... dresse la liste de diverses entreprises du groupe Samsic, il ne soutient pas que le courriel du 15 février 2013 n'aurait pas été adressé à l'ensemble de ces sociétés, alors que ce courriel, qui a été adressé à seize destinataires, a reçu vingt-huit réponses. Enfin, la circonstance que les deux postes qui lui ont été proposés étaient très éloignés de son domicile n'est pas, à elle seule, de nature à entacher la décision litigieuse d'illégalité. Ainsi, M. B...n'établit pas que la SENI n'aurait pas à son égard rempli les obligations qui lui incombent de recherche sérieuse et loyale de reclassement. Il en résulte que c'est à tort que le tribunal administratif a, pour ce motif, annulé la décision du ministre chargé du travail.

4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...tant devant le Tribunal administratif de Melun que devant elle.

5. Si M. B...soutient que la décision de l'inspecteur du travail était entachée d'illégalité, ce moyen est inopérant à l'encontre d'une décision qui a été annulée par la décision ministérielle litigieuse.

6. M. B...soutient que le comité d'entreprise, réuni le 30 mai 2013, n'a pas été consulté sur les propositions de reclassement qui lui ont été adressées ultérieurement, le 10 avril 2013. Toutefois, si M. B...entend ainsi se prévaloir des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans leur version applicable à la date de la décision contestée, aux termes desquelles : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. ", ces dispositions ne s'appliquent qu'aux salariés dont l'inaptitude a pour origine un accident du travail ou à une maladie professionnelle Tel n'est pas le cas de M.B.... Par suite, ce moyen devra être écarté comme inopérant.

7. M. B...soutient que le ministre chargé du travail n'a pas vérifié si son employeur s'était enquis du degré de mobilité géographique et de ses compétences. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la SENI a procédé à une recherche élargie d'offres de reclassement, portant sur les établissements du groupe sans limitation géographique et pour les postes envisagés par le médecin du travail. En outre, aucune norme ni aucun principe n'imposait la production des livres d'entrée et de sortie du personnel de la SENI et des différentes sociétés du groupe, ni celle de la liste des chantiers et des sites détenus par celles-ci. Par suite ce moyen ne peut qu'être écarté.

8. Si M. B...soutient également que son employeur n'a fait aucun effort d'adaptation ou de formation, ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé et doit, en conséquence, être écarté.

9. Enfin, la circonstance, postérieure à la décision attaquée, que M. B...n'aurait pas reçu de lettre de licenciement est sans incidence sur la légalité de cette décision.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SENI est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 4 février 2014 par laquelle le ministre chargé du travail lui a accordé l'autorisation de licencier M.B....

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SENI, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande M. B...au titre des frais liés à l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme que demande la SENI sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1403396 du 18 novembre 2015 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande de M. B...devant le Tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Société entretien nettoyage industriel, à M. A... B...et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- MmeD..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2017.

La rapporteure,

M. D...Le président,

J. LAPOUZADE Le greffier,

Y. HERBER La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA00277


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00277
Date de la décision : 21/11/2017
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SCP WEDRYCHOWSKI et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-21;16pa00277 ?
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