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21/12/2017 | FRANCE | N°16PA01237

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 21 décembre 2017, 16PA01237


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Marley a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 2008 au 31 décembre 2011 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1428022 du 9 février 2016, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Marley

des majorations pour manquement délibéré qui lui ont été infligées sur le fondement des dis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Marley a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 2008 au 31 décembre 2011 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1428022 du 9 février 2016, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Marley des majorations pour manquement délibéré qui lui ont été infligées sur le fondement des dispositions du a de l'article 1729 du code général des impôts, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 avril 2016 et 23 décembre 2016, la société Marley, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1428022 du 9 février 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 et des rappels

de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 2008 au 31 décembre 2011 ;

3°) de condamner l'Etat au versement des intérêts prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Marley soutient que :

- le produit de la cession du stock de marchandises à la société Aldebert, décidée par une convention du 1er juillet 2005, qui emportait vente ferme du stock malgré l'emploi du conditionnel, a été régulièrement comptabilisé, la créance correspondante étant inscrite au crédit du compte client en attendant le règlement ; elle a acquitté les impositions dues ; l'administration ne pouvait requalifier les règlements intervenus entre 2009 et 2011 en recettes non comptabilisées, dès lors qu'au 31 mars 2006, la vente était parfaite au sens de l'article 1583 du code civil ; en outre, au sens de l'article 2276 du même code, elle n'était plus en possession des marchandises, ainsi qu'il ressort de l'inventaire des stocks à la clôture de l'exercice ; la vente a été confirmée par l'acquéreur, qui a pris en charge toutes les obligations du propriétaire au jour du transfert ; les encaissements constatés entre 2009 et 2011 ne sont que des remboursements d'une créance née de la vente du stock ; la position du service revient à imposer deux fois le prix de cession ;

- les modalités de calcul de l'impôt sur les sociétés sont de surcroît erronées, seuls les encaissements ayant été retenus, à l'exclusion du prix d'achat des marchandises, qui ont été cédées à prix coûtant avec une remise ;

- l'administration a considéré les avoirs pratiqués en faveur du client comme injustifiés, alors qu'elle devait appliquer la convention, conformément aux articles 1101 et 1134 du code civil ; la déductibilité fiscale des avoirs est fondée, dès lors qu'elle détient une créance sur la société Aldebert et que le contrat de vente prévoit le prix de cession initial, la remise et les marchandises concernées et les modalités de règlement ;

- sur la valeur de l'actif, l'administration considère à tort que le stock n'a pas été vendu et qu'elle possède toujours un stock de marchandises à la clôture de l'exercice 2011 valorisé à partir du solde débiteur du compte client à cette date ; le service ne prend pas en compte le coût d'achat, alors qu'elle établit la cession du stock ; l'administration retient de nouveau à l'actif de l'exercice clos en 2011 les articles en stock au 31 mars 2005 et vendus en mars 2006 ; en tout état de cause, le service aurait dû parallèlement minorer le solde client.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens invoqués par la société Marley ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier ;

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., pour la société Marley.

1. Considérant que la société par actions simplifiée Marley, qui a cédé le 30 juin 2005 son fonds de commerce de bijouterie et d'horlogerie ainsi qu'une partie de son stock à la société Edilys, exerce depuis une décision de l'assemblée générale extraordinaire du 22 décembre 2005, une activité de holding et de gestion de participations de sociétés ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er avril 2008 au 31 décembre 2011, ainsi qu'à des majorations pour manquement délibéré sur le fondement des dispositions du a.) de l'article 1729 du code général des impôts ; que la société Marley fait appel du jugement du 9 février 2016 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions ci-dessus mentionnées ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les recettes non comptabilisées :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel " ; qu'aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) La taxe est exigible : (...) a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b, c, d et e du 1, lors de la réalisation du fait générateur (...);" ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. (...) Le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que lors de la vérification de comptabilité de la société, le service a constaté que le compte 411 " client " de la société Marley comportait au 1er avril 2008 un solde débiteur de 271 527,50 euros qui diminuait lors de chacun des exercices contrôlés en raison de la comptabilisation au crédit de ce compte de versements émanant de la société Aldebert et d'autres clients ; que la société Marley soutient qu'elle a vendu, par une convention du 1er juillet 2005, le reliquat de son stock de montres et de bijoux à la société Aldebert et que les versements effectués par cette dernière au cours des exercice clos aux 31 décembre 2009, 2010 et 2011 constituent le règlement du prix des marchandises cédées ; qu'elle fait également valoir que le montant de cette vente a été comptabilisé au titre de l'exercice clos en 2006 et qu'elle a acquitté l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée correspondants de sorte que les rectifications en litige aboutiraient à une double imposition ; que, toutefois, la lettre en date du 1er juillet 2005 adressée par le président du conseil d'administration de la société Marley à la gérante de la société Aldebert ne peut être regardée comme présentant le caractère d'un contrat de vente en l'absence en particulier d'identification précise de la marchandise vendue et de son prix ; que le courrier daté du 19 février 2013 de la société Aldebert en réponse au droit de communication exercé par le service et l'attestation du commissaire aux comptes du 1er octobre 2015 remise par la société requérante sont insuffisants, à défaut de production de toute autre pièce justificative et, en particulier, de la facture de vente du stock et des pièces comptables de l'exercice clos en 2006, à attester de la réalité de la cession au cours de cet exercice du reliquat de stock de la société Marley à la société Aldebert et de l'existence d'une créance détenue par la société Marley sur la société Aldebert à raison de cette cession ; que, de même, la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée du mois de mars 2006 et l'avis de virement de la banque HSBC attestant de son règlement en avril 2006, produits par la requérante, ne permettent pas d'établir que la taxe mentionnée dans cette déclaration et réglée par la société Marley correspondrait à l'opération de cession alléguée ; que, dans ces conditions, le service a pu estimer que les crédits bancaires relatifs aux paiements de la société Aldebert et " autres clients " constituaient des recettes imposables ; que, par suite, c'est à bon droit que ces recettes, non comptabilisées par la société requérante, ont été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et prises en compte pour la détermination du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés ; qu'enfin, si la société Marley soutient que le service n'a pas tenu compte lors de la réintégration du montant de ces recettes du " coût d'achat des marchandises vendues ", elle ne justifie d'aucune charge déductible au titre des exercices en cause ;

En ce qui concerne les avoirs non justifiés :

5. Considérant que la société Marley soutient qu'elle a accordé des remises de 30% à la société Aldebert sur les ventes de marchandises provenant du reliquat de son stock conformément aux stipulations de la " convention " du 1er juillet 2005 et qu'elle a ainsi comptabilisé des avoirs au titre des exercices clos les 31 mars 2009, 31 mars 2010 et 31 mars 2011 pour les montants hors taxe respectifs de 3 666,64 euros, 4 400,31 euros et 6 319,53 euros ; que, toutefois, comme il a déjà été dit, la lettre du 1er juillet 2005 ne saurait être regardée comme un contrat de vente ; que la société requérante ne produit aucune pièce justifiant de la réalité de ces remises de 30 % consenties à la société Aldebert ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a considéré que les avoirs litigieux n'étaient pas justifiés ;

En ce qui concerne la minoration d'actif :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 3 (...) les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient " ; que selon l'article 38 nonies de l'annexe III audit code, " 1. Les marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, emballages perdus, produits en stock et productions en cours au jour de l'inventaire sont évalués pour leur coût de revient " ;

7. Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la société Marley, le service a estimé qu'à la clôture de l'exercice 2011, la contribuable possédait toujours un stock de marchandises ; que la société requérante soutient qu'elle ne disposait plus de ce stock depuis sa cession à la société Aldebert au cours de l'exercice clos en 2006, conformément aux stipulations de la convention précitée du 1er juillet 2005 ; que, toutefois, ainsi qu'il a déjà été dit, la lettre en date du 1er juillet 2005 ne saurait, en l'absence de précisions sur la nature, la quantité et le prix des marchandises cédées, être regardée comme ayant le caractère d'un contrat de vente ; que, par ailleurs, la société Marley ne produit aucune autre pièce de nature à établir la réalité de la vente alléguée ; que, dès lors, c'est à bon droit que le service a estimé que la société Marley était toujours propriétaire d'un stock de marchandises à la clôture de l'exercice 2011 dont la valeur, estimée par le service à partir du solde débiteur du compte client à la clôture de l'exercice 2011, n'est pas sérieusement contestée par l'intéressée ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Marley n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

Sur les conclusions tendant au versement des intérêts moratoires :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) " ;

10. Considérant qu'en l'absence, tant devant le tribunal administratif qu'en appel, de litige né et actuel relatif à un refus de paiement des intérêts moratoires dus au contribuable au titre de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, les conclusions de la société Marley tendant au paiement de ces intérêts sont sans objet et, par suite, irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

12. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Marley demande au titre des frais qu'elle a exposés en première instance et en appel ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Marley est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Marley et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 2).

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Poupineau, président,

- Mme Lescaut, premier conseiller,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 décembre 2017.

Le rapporteur,

V. LARSONNIER Le président,

V. POUPINEAU

Le greffier,

N. ADOUANE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 16PA01237


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01237
Date de la décision : 21/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUPINEAU
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : PAILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-12-21;16pa01237 ?
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