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08/03/2018 | FRANCE | N°17PA01873

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 08 mars 2018, 17PA01873


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 19 septembre 2016 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1618231/1-2 du 5 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juin 2017, M. A..., représenté par MeC..., deman

de à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1618231/1-2 du 5 mai 2017 du Tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 19 septembre 2016 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1618231/1-2 du 5 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juin 2017, M. A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1618231/1-2 du 5 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 19 septembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle s'appuie sur l'avis du médecin chef du service médical de la préfecture de police de Paris qui ne mentionne pas si l'état de santé de l'intéressé lui permet de voyager ;

- la décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle expose sa fille au risque d'excision en cas de retour en Guinée.

Par un mémoire en défense produit le 31 janvier 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. Lapouzade a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité guinéenne, relève appel du jugement du 5 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 19 septembre 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / [...] ; / 11°: A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis [...] à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. [...] ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " [...] le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. [...] ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; la durée prévisible du traitement.[/] Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A...est suivi pour une pathologie sérieuse aux deux yeux et un risque de décollement bilatéral de la rétine pouvant entraîner la cécité. M. A...a été opéré en 2005 d'une cataracte avec mise en place d'un implant intra-oculaire. Le 3 septembre 2008, il a été évacué d'urgence de Conakry à Paris pour une intervention sur l'oeil droit (quasi cécité bilatérale liée à un décollement de rétine bilatéral) et a subi en décembre 2008 une nouvelle opération. Il a subi, sur l'oeil gauche, une ablation du corps vitré remplacé par de l'huile de silicone, et, depuis 2008, est en attente d'une nouvelle opération pour enlever l'huile de silicone, dont la présence à long terme est susceptible d'entraîner de graves complications comme le glaucome ou la perte de la cornée. Toutefois, par un avis du 26 mai 2016, le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, a estimé que si l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le requérant produit de nombreuses attestations médicales de médecins spécialisés en ophtalmologie en France et deux attestations du Dr B..., ophtalmologue au CHU de Conakry, faisant état de la nécessité où il se trouve d'être suivi régulièrement dans un environnement médical hyper spécialisé, qui ne serait pas disponible en Guinée, et du risque pour celui-ci d'un nouveau décollement de la rétine nécessitant une opération en urgence qui n'est pas pratiquée dans le pays d'origine. Ces documents récents, en particulier les certificats médicaux établis le 26 septembre 2016 et le 13 juillet 2016 respectivement par le Dr B...et le DrD..., rédigés en des termes précis, sont de nature à établir que l'état de santé de M. A...n'a pas évolué favorablement et qu'il serait exposé en cas d'interruption d'une surveillance fréquente, d'examens répétés et d'une prise en charge médicale en milieu spécialisé à une complication aigue entraînant une cécité brutale. Si le préfet de police soutient que M. A...n'apporte ainsi pas la preuve formelle de ce qu'il ne pourrait bénéficier d'un suivi et d'un traitement approprié en Guinée, et produit des documents établissant l'existence d'unités de soins ophtalmologiques en Guinée, il n'apporte, ainsi qu'il lui appartient de le faire, pas d'éléments suffisamment précis quant à l'existence de structures susceptibles d'assurer un suivi adéquat de M. A..., de le prendre en charge en urgence, et de pratiquer l'intervention que nécessite l'état de son oeil gauche. Par suite M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rejeté sa requête.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le jugement du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police doivent être annulés. En conséquence, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police, sauf changement dans les circonstances de fait ou de droit, de délivrer à M.A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt un titre de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de la somme de 1 200 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1618231/1-2 du 5 mai 2017 et l'arrêté du préfet de police du 19 septembre 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M.A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt, un titre de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 15 février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 mars 2018.

Le président rapporteur,

J. LAPOUZADE

Le président assesseur,

I. LUBEN

Le greffier,

C. POVSE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01873


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01873
Date de la décision : 08/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jacques LAPOUZADE
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SOCIÉTÉ SAINT GEORGES CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-08;17pa01873 ?
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