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14/03/2018 | FRANCE | N°17PA03148

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 14 mars 2018, 17PA03148


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI du Père Lachaise a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1502359/3 du 31 juillet 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 septembre 2017, la SCI du Père Lachaise, représentée par MeB..., demande à la C

our :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 31 juillet 2017 ;

2°) de pron...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI du Père Lachaise a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1502359/3 du 31 juillet 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 septembre 2017, la SCI du Père Lachaise, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 31 juillet 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a fait l'objet d'investigations prématurées de la part de l'administration fiscale et a été ainsi privée du bénéfice des garanties prévues par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- la vérification de comptabilité a duré plus de trois mois ;

- la société a été privée d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur dès lors que celui-ci a eu pour interlocuteur une personne qui ne disposait d'aucun mandat explicite pour la représenter en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

- la doctrine administrative invoquée à cet égard est opposable à l'administration ;

- la société a été privée d'un débat oral et contradictoire faute d'un dialogue effectif, évolutif et constructif avec le vérificateur ;

- la proposition de rectification n'a pas été adressée au gérant, à l'adresse de celui-ci ;

- l'administration fiscale ne lui a pas communiqué l'intégralité des pièces versées dans son dossier fiscal, en particulier un rapport de la direction de contrôle fiscal de la Seine-Saint-Denis, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- les sommes versées par la société Malt Optic n'entrent pas dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- les documents relatifs au bail consenti à la société Kastoori auraient été fournis à l'administration si elle les avait demandés :

- le tribunal n'a pas statué sur cet argument ;

- s'agissant du local situé 9 rue de la Bastille à Paris, la somme de 400 000 euros n'est pas représentative d'un supplément de loyer imposable à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- la réponse ministérielle A...du 27 septembre 1984, reprise au BOI-RFPI-BASE-10-10 n° 240 prévoit que le versement d'une indemnité destinée à dédommager le bailleur d'une dépréciation de son capital n'est pas constitutive d'un complément de loyer et ne doit pas être pris en compte dans les revenus fonciers de ce dernier ;

- l'administration fiscale ne pouvait pas regarder la somme de 400 000 euros comme incluant de la taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 65 552 euros en 2010 dès lors que, la taxe n'ayant pas été versée, elle ne peut être regardée comme ayant été collectée ;

- les travaux mentionnés sur les factures établies par la société BBC ont été engagés dans l'intérêt de l'activité de la société du Père Lachaise aux fins de location et sont sans rapport avec l'exploitation de la société Sun Bastille ;

- les modalités ultérieures de détention de la société BBC sont sans incidence ;

- aucun élément ne permet de constater que les travaux n'ont pas été réalisés ;

- le montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée, rehaussé par le vérificateur au titre de l'exercice clos en 2010, doit être diminué du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ses dépenses déductibles ;

- s'agissant de la pénalité de 40 % qui lui a été infligée sur le fondement

de l'article 1729 du code général des impôts, elle n'est pas suffisamment motivée et n'est pas justifiée ;

- l'administration fiscale a méconnu la documentation de base référencée 13 N-1223 du 14 juin 1996.

Le président de la 2ème chambre de la Cour a, en application des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, dispensé la présente requête d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la SCI du Père-Lachaise.

1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, l'administration fiscale a assigné à la SCI

du Père-Lachaise, qui exerçait une activité de location de logements et de locaux commerciaux, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2010 selon la procédure de taxation d'office ; que la SCI du Père-Lachaise relève appel du jugement du

31 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en décharge, en droits et pénalités, de cette imposition ;

2. Considérant, en premier lieu, que si le dossier fiscal d'un contribuable et le rapport de vérification font partie des documents pouvant être communiqués au contribuable sur le fondement de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, la circonstance qu'ils n'aient pas été communiqués à l'intéressé avant la mise en recouvrement des impositions est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ; que notamment, dès lors qu'ils ne constituent pas par eux-mêmes des documents obtenus de tiers au sens des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, un tel défaut de communication n'entraine aucune méconnaissance de ces dispositions ; que le moyen tiré de ce que l'administration fiscale n'a pas communiqué à l'intégralité des pièces versées dans son dossier fiscal, en particulier un rapport de la direction de contrôle fiscal de la Seine-Saint-Denis, malgré les demandes de communication qu'elle a formées, ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 269 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où (...) la prestation de services est effectuée / (...) / 2. La taxe est exigible : / (...) / c) Pour les prestations de services (...), lors de l'encaissement (...) du prix (...) " ; qu'il résulte de l'instruction que la société " Malt Optic " louait en qualité de locataire, au cours de la période en cause, à la SCI du Père-Lachaise, un local situé 229 rue des Pyrénées à Paris ; que contrairement à ce qui est soutenu, et en l'absence d'éléments en sens contraire produit par la requérante, c'est à bon droit que le service a regardé, pour déterminer la base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée, les sommes versées mensuellement à la SCI du Père-Lachaise au cours de la période en cause comme constitutives du loyer versé à cette dernière à raison de ladite location ; que la seule circonstance que la SCI du Père Lachaise ait mentionné sur ses factures un montant de loyer inférieur aux sommes effectivement versées et un montant de taxe sur la valeur ajoutée inférieur à celui finalement retenu par le service sur la base des encaissements constatés ne saurait affecter le montant de la taxe sur la valeur ajoutée due par la société requérante ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'en se bornant à faire valoir qu'elle aurait été en mesure de fournir les documents relatifs au bail consenti à la société Kastoori si l'administration les avait demandés, la société requérante ne présente aucune argumentation permettant de remettre en cause le bien-fondé et le montant des impositions établies à ce titre ; que le tribunal n'était pas tenu de répondre à ce moyen, également invoqué devant lui, dès lors qu'il était inopérant ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SCI du Père-Lachaise a, par un acte notarié du 12 mars 2010, donné à bail à la société " Sun Bastille ", qui exerçait une activité de restaurant, un local à usage commercial, situé 9 rue de la Bastille à Paris, moyennant un loyer annuel de 240 000 euros hors taxes ; que les parties ont convenu que ce loyer " sera réduit à 156 000 euros si le preneur verse, au plus tard le 31 mai 2010, au bailleur une somme hors taxes de 400 000 euros à titre de remise de dépréciation " ; que le bail commercial stipule, par ailleurs, que " le bailleur optant pour l'assujettissement à la TVA conformément aux dispositions de l'article 260 2° du code général des impôts, le preneur acquittera également la TVA sur le loyer au taux en vigueur à savoir 19,60 % " ; que la SCI du Père-Lachaise a reçu de la société " Sun Bastille " la somme de 400 000 euros encaissée par chèque, le 10 juin 2010, sur son compte bancaire ;

6. Considérant d'une part qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel / (...) " ; qu'aux termes de l'article 266 de ce code, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " 1. La base d'imposition est constituée : / a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou

à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part

de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations / (...) " ; que le droit d'entrée perçu par le bailleur doit être en principe regardé comme un supplément de loyer ; qu'il ne peut en aller autrement que si, dans les circonstances particulières de l'espèce, il apparaît, d'une part, que le loyer n'est pas anormalement bas et, d'autre part, que le droit d'entrée constitue la contrepartie d'une dépréciation du patrimoine

du bailleur ou de la cession d'un élément d'actif ; que la seule circonstance que le bail commercial se traduise, pour le preneur, par la création d'un élément d'actif nouveau, compte tenu du droit au renouvellement du bail que celui-ci acquiert, ne suffit pas à caractériser une dépréciation du patrimoine du bailleur ou une cession d'actif de sa part ;

7. Considérant que la SCI du Père-Lachaise soutient que la somme de 400 000 euros n'est pas représentative d'un supplément de loyer imposable à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, toutefois, elle se borne à affirmer, sans apporter le moindre élément à l'appui de son allégation, que le loyer n'est pas anormalement bas et à se prévaloir de la signature d'un bail commercial ; que par cette seule argumentation, et quelles que soient les qualifications données à la somme litigieuse par le bail lui-même, la société requérante, qui n'exerçait pas elle-même l'activité de restaurant exploitée dans le local, et qui n'est devenue pleinement propriétaire du local commercial loué depuis le 16 février 1983 qu'à la date du 26 mars 2009, n'apporte pas d'éléments permettant d'identifier une dépréciation que la somme de 400 000 euros aurait vocation à compenser en tout ou partie ; que, par suite, cette somme, qualifiée à bon droit de complément de loyer, dès lors qu'elle constitue la rémunération du service rendu pour l'accès à la location du bien et présente un lien direct avec ce service en contrepartie notamment d'une minoration du loyer, doit être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions précitées des articles 256 et 266 du code général des impôts ; que les termes invoqués de la réponse ministérielle du 27 septembre 1984 à M.A..., sénateur, reprise

au BOI-RFPI-BASE-10-10 n° 240, ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède et ne peuvent par suite être utilement opposés à l'administration sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

8. Considérant d'autre part que l'administration a régulièrement pu considérer que la somme de 400 000 euros devait être regardée toutes taxes comprises et qu'ainsi elle comprenait une somme de 65 552 euros représentative de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6% ; qu'en faisant valoir que la somme de 400 000 euros correspond à un montant hors taxes et que la taxe sur la valeur ajoutée n'a pas été versée par le preneur, la SCI Père Lachaise ne soulève aucune argumentation susceptible de réduire le rappel mis à sa charge, dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée calculée sur une somme de 400 000 euros hors taxes s'élève à un montant supérieur à celui rappelé par le service, et que le non paiement par le preneur de la taxe sur la valeur ajoutée ne dispense pas le redevable de la taxe du versement au trésor de la taxe afférente aux montants encaissés à l'occasion d'opérations imposables ;

9. Considérant, enfin, que les autres moyens invoqués en appel par la société requérante, tirés de ce qu'elle a fait l'objet d'investigations prématurées de la part de l'administration fiscale et a été ainsi privée du bénéfice des garanties prévues par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, de ce que la vérification de comptabilité a duré plus de trois mois en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, de ce que la société a été privée d'un débat oral et contradictoire, de ce que la doctrine administrative invoquée à cet égard est opposable à l'administration, de ce que la proposition de rectification n'a pas été adressée au gérant, à l'adresse de celui-ci, de ce que la doctrine administrative invoquée à cet égard est également opposable à l'administration, de ce que les travaux mentionnés sur les factures établies par la société BBC ont été engagés dans l'intérêt de l'activité de la société requérante, sans que puissent lui être opposées les modalités ultérieures de détention de la société BBC, de ce qu'aucun élément ne permet de constater que les travaux n'ont pas été réalisés, de ce que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée, rehaussé par le vérificateur au titre de l'exercice clos en 2010, doit être diminué du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ses dépenses déductibles, de ce que la pénalité qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas suffisamment motivée et n'est pas justifiée et de ce que l'administration a méconnu la documentation de base référencée 13 N-1223 du

14 juin 1996, sont identiques à ceux figurant dans sa demande de première instance ; que la société requérante ne les assortit devant la Cour ni d'arguments de fait ou de droit nouveaux et pertinents, ni de pièces nouvelles probantes et utiles ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'écarter lesdits moyens renouvelés en appel, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Père Lachaise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en l'absence de dépens, les conclusions présentées à cet égard par la société requérante sont dépourvues d'objet ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Père Lachaise est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Père Lachaise.

Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 21 février 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 mars 2018.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17PA03148


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03148
Date de la décision : 14/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : JAULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-14;17pa03148 ?
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