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15/03/2018 | FRANCE | N°17PA01877

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 15 mars 2018, 17PA01877


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Invitation à la Vie a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, l'annulation de la décision implicite du ministre de l'économie et des finances rejetant sa demande du 12 février 2001 tendant au retrait de la décision du 25 janvier 2000 du directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine refusant de la faire bénéficier d'une mesure d'abandon des redressements auxquels elle a été assujettie, en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, au titre des

années 1985 à 1990, d'autre part, la condamnation de l'Etat à lui verser les ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Invitation à la Vie a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, l'annulation de la décision implicite du ministre de l'économie et des finances rejetant sa demande du 12 février 2001 tendant au retrait de la décision du 25 janvier 2000 du directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine refusant de la faire bénéficier d'une mesure d'abandon des redressements auxquels elle a été assujettie, en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, au titre des années 1985 à 1990, d'autre part, la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 222 991,90 euros en réparation de son préjudice économique et de 30 489,82 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 0111051/1-3 du 5 juin 2007, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par une décision n° 308098 du 20 décembre 2011, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a attribué le jugement de la requête formée par l'association contre ce jugement à la Cour administrative d'appel de Paris.

Par un arrêt n° 12PA00137 du 16 mars 2015, la Cour a annulé ce jugement en tant qu'il avait rejeté les conclusions en annulation, rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions en indemnisation du préjudice lié au paiement des droits d'enregistrement, rejeté la demande de l'association tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'économie et des finances née du silence conservé sur la demande du 12 février 2001 et le surplus des conclusions de la requête de l'association Invitation à la Vie.

Par une décision n° 390235 du 29 mai 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 16 mars 2015 en tant qu'il a statué sur les conclusions de la requête de l'association Invitation à la Vie tendant à l'indemnisation du préjudice moral consécutif aux redressements dont elle a fait l'objet au titre des années 1985 à 1987 et 1988 à 1990 et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er août 2007, 15 octobre 2007, 13 mars 2012, 9 janvier 2013, 11 mars 2013, 24 octobre 2013, 4 février 2014, 25 octobre 2017 et 15 novembre 2017, l'association Invitation à la Vie, représentée par la SELAFA Chaintrier Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0111051 du 5 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en annulation de la décision implicite de rejet opposée par le ministre de l'économie et des finances à sa demande d'abandon des redressements auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos de 1985 à 1990 et en réparation de son préjudice économique qu'elle évalue à 222 991,90 euros et de son préjudice moral qu'elle évalue à 30 489,82 euros ;

2°) de lui accorder une indemnisation pour le préjudice subi, à hauteur du montant des redressements restant dus soit 698 951 euros ainsi qu'une indemnisation pour le préjudice moral qu'elle a subi du fait des agissements fautifs de l'administration fiscale d'un montant de 300 000 euros ;

3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas l'analyse des conclusions et mémoires échangés et que n'a pas été communiqué préalablement aux parties le moyen d'ordre public retenu par le tribunal pour rejeter sa demande ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en retenant que le régime de garantie prévu aux articles L. 80 A du livre des procédures fiscales n'était pas applicable et en considérant qu'une décision refusant d'appliquer une instruction fiscale n'était pas susceptible d'être soumise à sa censure ;

- l'administration fiscale a commis une faute en refusant de lui accorder les dégrèvements qu'elle sollicitait dès lors qu'elle est de bonne foi et qu'elle remplit les conditions pour bénéficier des abandons de redressements prévus par le communiqué du premier ministre du 15 septembre 1998 et par la réponse de M. A...à l'Assemblée nationale (JO 22/02/1999, p 1062 n° 22.297) ;

- elle a subi un préjudice matériel et moral dont elle doit obtenir réparation ;

- sa requête ne présente pas le caractère uniquement de plein contentieux dès lors qu'elle demande également l'annulation des décisions de rejet de la direction des services fiscaux des Hauts de Seine Sud et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

- ni la compétence de l'ordre judiciaire, ni l'exception de recours parallèle ne peuvent être retenues ; on ne peut lui opposer l'irrecevabilité de ses conclusions nouvelles ;

- doivent être prises en compte les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme en date du 30 juin 2011 et du 5 juillet 2012, ainsi que l'évolution de la jurisprudence de la Cour de Cassation sur la taxation des dons manuels ;

- la décision porte atteinte à la liberté d'association ;

- la réévaluation de son préjudice moral à 300 000 euros en appel est justifiée par la durée de l'instance et par l'importance du préjudice occasionné par le redressement en matière de droits d'enregistrement, qui l'a privée de la plus grande partie de ses ressources et a eu un impact sur le refus de la demande de reconnaissance d'utilité publique ;

- la position de l'administration est contraire au principe d'espérance légitime.

Par des mémoires, enregistrés les 25 septembre 2012, 17 juillet 2013, 9 janvier 2014, 12 février 2014, 12 septembre 2017 et 7 novembre 2017, le ministre de l'économie et des finances puis le ministre de l'action et des comptes publics concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- à titre liminaire, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement sont inopérants dès lors que la requête présente exclusivement le caractère d'un plein contentieux ;

- à titre principal, l'action en dommages et intérêts est irrecevable ; la recherche de la mise en cause de la responsabilité de l'Etat à raison du caractère non fondé des droits d'enregistrement mis à sa charge relève de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; les conclusions en ce qu'elles tendent au versement d'une indemnité équivalente au montant des impositions qu'elle estime avoir indûment payées se heurtent à l'exception de recours parallèle ; la demande en réparation du préjudice moral en ce qu'elle excède la demande présentée devant le tribunal administratif constitue des conclusions nouvelles, irrecevables en appel ;

- à titre subsidiaire, les conditions d'engagement de la responsabilité de l'Etat ne sont pas réunies ; l'administration n'a commis aucune faute et le préjudice moral n'est ni certain dans son principe, ni établi dans son montant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dalle,

- et les conclusions de M. Platillero, rapporteur public.

1. Considérant que l'association Invitation à la Vie a fait l'objet de trois vérifications de comptabilité au titre, respectivement, des années 1985 à 1987, 1988 à 1990 et 1995 à 1997, à l'issue desquelles l'administration a remis en cause son caractère non-lucratif et l'a, en conséquence, assujettie aux impôts commerciaux ; que la troisième vérification de comptabilité a également donné lieu à des redressements en matière de droits d'enregistrement sur le fondement de l'article 757 du code général des impôts ; que l'association, après avoir sollicité la décharge de ces impositions auprès des juridictions compétentes a, ultérieurement, demandé l'indemnisation des préjudices en résultant ; qu'elle a relevé régulièrement appel du jugement du 5 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions indemnitaires ; que, par un arrêt n° 12PA00137 du 16 mars 2015, la Cour a, d'une part, rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions en indemnisation résultant du paiement des droits d'enregistrement et, d'autre part, s'agissant du préjudice lié aux deux premières vérifications de comptabilité, rejeté les conclusions indemnitaires de l'association, qui concernaient tant son préjudice matériel que son préjudice moral ; que par une décision n° 390235 du 29 mai 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 16 mars 2015 de la Cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il a statué sur les conclusions de la requête de l'association Invitation à la Vie tendant à l'indemnisation du préjudice moral consécutif aux redressements dont elle a fait l'objet au titre des années 1985 à 1987 et 1988 à 1990 et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à ladite Cour ;

2. Considérant que l'association Invitation à la Vie reproche à l'administration fiscale de ne pas avoir donné suite à ses demandes tendant à l'abandon des redressements mis à sa charge alors que dans un communiqué de presse publié à l'occasion de la parution de l'instruction 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 de la direction générale des impôts, exposant les nouveaux critères à prendre compte pour apprécier si une association doit être soumise aux impôts commerciaux, le premier ministre avait déclaré " pour contribuer à rétablir des relations de confiance, le gouvernement a décidé de l'abandon des redressements en cours relatifs aux associations de bonne foi " et que, dans une réponse à l'Assemblée nationale le 22 février 1999, le ministre de l'économie avait précisé " Compte tenu des incertitudes qu'ont pu éprouver les associations pour déterminer leur situation au regard des impôts commerciaux, l'abandon des rappels résultant de la remise en cause du caractère non lucratif, non définitifs et non acquittés, a été décidé pour les associations de bonne foi. Celle-ci est présumée et doit être appréciée de façon libérale. Toutefois, elle ne saurait être admise en particulier en cas de récidive des défaillances de l'organisme ou bien lorsque la structure associative a été sciemment utilisée pour exercer des activités para-commerciales ou illicite ou encore lorsque la gestion est manifestement intéressée " (JO 22/02/1999, p 1062 n° 22.297) ; qu'elle sollicite à ce titre la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité, chiffrée à 30 489,80 euros en première instance et qu'elle réévalue devant la Cour à 300 000 euros ;

3. Considérant que, à supposer même que le refus de l'administration fiscale d'abandonner les redressements mis à la charge de l'association Invitation à la Vie, malgré ce communiqué de presse et malgré cette réponse du ministre de l'économie, soit constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, l'association requérante ne fait état d'aucun élément de nature à établir l'existence d'un préjudice moral, procédant des impositions supplémentaires mises à sa charge à la suite des deux premières vérifications de comptabilité ; qu'elle se borne à soutenir que la réévaluation à 300 000 euros de son préjudice moral est justifiée par la longueur de l'instance et à faire état des difficultés entraînées par les rappels en matière de droits d'enregistrement, qui l'auraient privée d'une grande partie de ses ressources et auraient eu un impact sur le refus de la demande de reconnaissance d'utilité publique ; que, cependant, le préjudice résultant d'une durée excessive de l'instance est, en tout état de cause, sans lien avec la faute qu'elle invoque ; que les rappels en matière de droits d'enregistrement procèdent de la troisième vérification de comptabilité et la Cour n'est saisie que du préjudice moral éventuellement causé par les deux premières vérifications de comptabilité ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association Invitation à la Vie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui répond aux exigences de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en ce qu'elle portait sur l'indemnisation du préjudice moral résultant des deux premières vérifications de comptabilité ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de l'association Invitation à la Vie tendant à l'annulation du jugement n° 0111051 du 5 juin 2007 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice moral résultant des deux premières vérifications de comptabilité sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de l'association Invitation à la Vie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Invitation à la Vie et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2018 à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 mars 2018.

Le rapporteur, Le président,

D. DALLE C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01877
Date de la décision : 15/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services économiques. Services fiscaux.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: M. PLATILLERO
Avocat(s) : CHAINTRIER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-15;17pa01877 ?
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