La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2018 | FRANCE | N°16PA03026

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 21 mars 2018, 16PA03026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fédération nationale du personnel de l'encadrement de l'informatique, des études, du conseil et de l'ingénierie (FIECI) CFE CGC, le SNEPSSI CFE CGC et le syndicat CGT Sopra Stéria ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 juillet 2015 de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Ile-de-France, d'une part, en ce qu'elle considère que la société Sopra Stéria Group ne justifie d'auc

un établissement distinct et considère que cette société forme un seul étab...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fédération nationale du personnel de l'encadrement de l'informatique, des études, du conseil et de l'ingénierie (FIECI) CFE CGC, le SNEPSSI CFE CGC et le syndicat CGT Sopra Stéria ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 juillet 2015 de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Ile-de-France, d'une part, en ce qu'elle considère que la société Sopra Stéria Group ne justifie d'aucun établissement distinct et considère que cette société forme un seul établissement pour les élections du comité d'entreprise et d'autre part, fixe à six le nombre d'établissements distincts pour la mise en place de comités d'établissement, ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Par une ordonnance n°1601938 du 9 août 2016, la vice-présidente de la troisième section du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 octobre 2016, et des pièces complémentaires enregistrées le 4 juillet 2017, la fédération nationale du personnel de l'encadrement de l'informatique, des études, du conseil et de l'ingénierie (FIECI) CFE CGC, le SNEPSSI CFE CGC et le syndicat CGT Sopra Stéria, représentés par le cabinet Brihi Koskas et associés demandent à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 9 août 2016 de la vice-présidente de la troisième section du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 30 juillet 2015 de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Ile-de-France en ce qu'elle considère que la société Sopra Stéria Group ne justifie d'aucun établissement distinct et considère que cette société forme un seul établissement pour les élections du comité d'entreprise.

Les requérants soutiennent que :

- la juridiction administrative est compétente pour connaitre du litige ;

- la loi du 6 aout 2015 ne peut s'appliquer rétroactivement aux décisions intervenues avant son entrée en vigueur ;

- les voies de recours mentionnées dans le corps de la décision mentionnaient que la juridiction administrative était compétente ;

- le tribunal d'instance s'est déclaré incompétent pour connaitre du litige ;

- sur le fond, la société Sopra Stéria Group est formée de six établissements distincts qui répondent aux critères posés par la jurisprudence.

Par un mémoire enregistré le 22 décembre 2016, la société Sopra Stéria Group SA représentée par la SCP La Garanderie demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 9 août 2016 de la vice-présidente de la troisième section du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande des requérants.

Elle soutient que :

- le tribunal d'instance du 16eme arrondissement, par jugement du 29 janvier 2016, s'est déclaré à bon droit incompétent ;

- la loi du 6 août 2015 n'est applicable qu'aux décisions administratives postérieures ;

- elle ne précise pas d'ailleurs si la compétence est attribuée au tribunal de grande instance ou au tribunal d'instance ;

- les délais de recours sont différents selon que l'affaire est portée devant le tribunal administratif ou le tribunal d'instance ;

- sur le fond, les moyens des requérants ne sont pas fondés.

Le ministre du travail n'a pas produit de mémoire malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 5 décembre 2017 en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 29 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le loi du 24 mai 1872 ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bernier,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 771-1 du code de justice administrative : " Les difficultés de compétence entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire sont réglées par le Tribunal des conflits conformément aux dispositions de la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits et du décret n° 2015-233 du 27 février 2015. " ; qu'aux termes de l'article 32 du décret du 27 février 2015 : " Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que le litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision du tribunal. ", qu'aux termes de l'article 33 du même décret : " La juridiction saisie en second lieu transmet sa décision et les conclusions des parties ainsi que, s'il y a lieu, celles du ministère public au secrétariat du Tribunal des conflits ".

En ce qui concerne la procédure suivie devant les juridictions de l'ordre judiciaire :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2327-7 du code du travail dans sa rédaction issue de l'article 267 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 : " Dans chaque entreprise le nombre d'établissements distincts et la répartition des sièges entre les différents établissements et les différentes catégories font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées, conclu selon les conditions de l'article L. 2324-4-1. Lorsqu'au moins une organisation syndicale a répondu à l'invitation à négocier de l'employeur et que l'accord mentionné au premier alinéa du présent article ne peut être obtenu, l'autorité administrative dans le ressort duquel se trouve le siège de l'entreprise décide de ce nombre et de cette répartition. (...) En cas de contestation, le recours à l'encontre de la décision de l'autorité administrative relève de la compétence du juge judiciaire. " ; qu'avant l'intervention de cette loi, le recours relevait de la compétence du juge administratif ;

3. Considérant que par une décision du 30 juillet 2015, notifiée le 3 août 2015, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a notamment considéré que les dix sites de la société Sopra Stéria Group ne formant pas des établissements distincts, il y avait lieu de considérer l'ensemble de cette société comme un seul établissement pour les élections du comité d'entreprise ;

4. Considérant que le 30 septembre 2015, la fédération nationale du personnel de l'encadrement de l'informatique, des études, du conseil et de l'ingénierie (FIECI) CFE CGC, le SNEPSSI CFE CGC et le syndicat CGT Sopra Stéria ont formé un recours hiérarchique contre cette décision ; que ce recours a été implicitement rejeté ;

5. Considérant que le 1er octobre 2015, les syndicats requérants ont saisi le tribunal d'instance du seizième arrondissement de Paris d'une requête tendant à l'annulation de la décision du 30 juillet 2015 ; que par un jugement du 29 janvier 2016, le tribunal d'instance, qui a fait droit aux conclusions des syndicats, de l'employeur et de l'administration, s'est déclaré incompétent pour connaitre du litige et a invité les parties à se pourvoir devant la juridiction administrative ; que le tribunal d'instance a en effet estimé qu'il convenait de faire application des dispositions applicables à la date à laquelle la décision avait été rendue ; qu'il a considéré que les dispositions introduites par la loi du 6 août 2015 ne pouvaient, en l'absence de dispositions transitoires spécifiquement prévues et sans méconnaitre les dispositions de l'article 2 du code civil, s'appliquer à des décisions rendues antérieurement dès lors d'une part qu'en instituant un recours devant le juge judiciaire, elles affectaient la substance du droit de former une action contre une décision administrative et d'autre part que les voies de recours contre une décision sont régies par la loi en vigueur à la date de celle-ci et non à la date à laquelle le recours est exercé ;

En ce qui concerne la procédure suivie devant les juridictions de l'ordre administratif :

6. Considérant qu'après que le juge judiciaire s'était déclaré incompétent, les syndicats requérants, le 7 février 2016, ont saisi le tribunal administratif de Paris d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation de la décision du 30 juillet 2015 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France en tant qu'il avait considéré qu'il y avait lieu de considérer l'ensemble de la société Sopra Stéria Group comme un seul établissement pour les élections du comité d'entreprise, ensemble la décision implicite de rejet, née le 30 décembre 2015, du recours hiérarchique qu'il avaient formé auprès du ministre chargé du travail ; que par une ordonnance n°1601938 du 9 août 2016, la vice-présidente de la troisième section du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

7. Considérant que les syndicats requérants qui relèvent appel de cette ordonnance, demandent à la cour de l'annuler et de trancher le litige ; que la société Sopra Stéria Group SA, dans ses conclusions d'intimée, conclut également à la compétence de la juridiction administrative ; que l'administration n'a pas produit d'écritures ;

8. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 2327-7 du code du travail dans leur version modifiée par l'article 267 de la loi du 6 août 2015, entrée en vigueur le 8, qu'en cas de contestation, le recours à l'encontre de la décision de l'autorité administrative statuant le nombre d'établissements distincts à prendre en compte pour les élections du comité d'entreprise relève de la compétence du juge judiciaire ; que ces dispositions ont pour effet de transférer à la juridiction judiciaire la compétence pour connaître des litiges relatifs aux actes administratifs préparatoires aux élections professionnelles ; que si le droit de former un recours contre une décision est définitivement fixé au jour où cette décision est rendue, les règles qui régissent les formes dans lesquelles le recours doit être introduit et jugé, y compris celles relatives à la compétence des juridictions et aux pouvoirs des juges, ne sont pas, à la différence des voies selon lesquelles ce droit peut être exercé ainsi que des délais qui sont impartis à cet effet aux intéressés, des éléments constitutifs de ce droit ; qu'ainsi, et à moins qu'une disposition expresse y fasse obstacle, un texte modifiant les règles qui déterminent la juridiction compétente s'applique, dès son entrée en vigueur, aux décisions prises et même aux recours introduits avant cette date ; que la circonstance que les indications relatives aux voies et délais de recours figurant sur la décision du 30 juillet 2015 étaient devenues caduques après l'intervention de la loi du 6 aout 2015, et celle que cette loi n'ait pas précisé si la contestation relevait du tribunal d'instance ou du tribunal de grande instance est indifférente à cet égard ; qu'ainsi les conclusions dirigées contre les décisions critiquées ne paraissent pas relever de la compétence de la juridiction administrative ;

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, la juridiction de l'ordre judiciaire a décliné sa compétence par un jugement du 29 janvier 2016, rendu conformément aux conclusions de l'ensemble des parties, et dont il ne ressort d'aucune autre pièce du dossier qu'il ne serait pas devenu définitif ; qu'il y a lieu, dès lors, en application des dispositions précitées de l'article R. 771-1 du code de justice administrative et des articles 32 et 33 du décret du 27 février 2015 susvisé, de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce Tribunal.

DÉCIDE :

Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.

Article 2 : Il est sursis à statuer jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour statuer sur la requête.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération nationale du personnel de l'encadrement de l'informatique, des études, du conseil et de l'ingénierie (FIECI) CFE CGC, au SNEPSSI CFE CGC et au syndicat CGT Sopra Stéria, au ministre du travail, à la société Sopra Stéria Group SA, et au secrétaire du Tribunal des conflits.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 mars 2018.

Le rapporteur,

Ch. BERNIERLe président,

M. BOULEAULe greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 16PA03026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03026
Date de la décision : 21/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : SOCIETE BRIHI-KOSKAS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-21;16pa03026 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award