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09/05/2018 | FRANCE | N°17PA01301

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 09 mai 2018, 17PA01301


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2017 par lequel le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités italiennes, désignées responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police l'a assigné à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police d'examiner sa demande d'asile dans le délai d'un mois à compter de la date de la notification du jugement à intervenir sous

astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation prov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 6 janvier 2017 par lequel le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités italiennes, désignées responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police l'a assigné à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police d'examiner sa demande d'asile dans le délai d'un mois à compter de la date de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1700377/8 du 23 janvier 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du 6 janvier 2017, enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de

M. B...A...au regard de la détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement, mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros dur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 avril et 9 mai 2017, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700377/8 du 23 janvier 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... A...devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'il n'avait pas respecté les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et que M. B... A...avait, en conséquence, été privé d'une garantie dont il était en droit de bénéficier ;

- les autres moyens invoqués par M. B... A...à l'encontre des arrêtés pris à son encontre ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 août 2017, M. B...A..., représenté par Me Larroque, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à Me Larroque de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête du préfet de police n'est fondé.

S'agissant de l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :

- il est entaché d'incompétence ;

- il est insuffisamment motivé et révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- il est entaché de caducité en application de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il méconnaît les articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il méconnaît l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en l'absence de preuve de saisine des autorités italiennes pour la reprise en charge ;

- il méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 53-I de la Constitution ;

- il méconnaît l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il méconnaît l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

S'agissant de l'arrêté d'assignation à résidence :

- il est dépourvu de base légale du fait de l'illégalité de l'arrêté de transfert aux autorités italiennes ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par une ordonnance du 28 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au

12 octobre 2017.

M. B...A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jimenez,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

1. Considérant que M. B... A..., ressortissant soudanais, né le 1er janvier 1977, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; que, par arrêté du 6 janvier 2017, le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes après avoir relevé que l'examen de sa demande relevait de ces autorités et que celles-ci avaient accepté de le reprendre en charge ; que par un second arrêté du même jour, le préfet de police a prononcé l'assignation à résidence de l'intéressé ; que par un jugement n° 1700377/8 du 23 janvier 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé ces arrêtés préfectoraux du 6 janvier 2017, enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. B...A...au regard de la détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement, mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête ; que le préfet de police relève appel de ce jugement ;

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces produites par le préfet de police pour la première fois en appel que M. B... A...s'est vu remettre le 15 novembre 2016 les brochures " A " et

" B " contenant les informations sur la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen des demandes d'asile prévues par l'article 4 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 précité, ainsi que le guide du demandeur d'asile ; que ces documents lui ont été remis en langue arabe, langue qu'il a déclarée comprendre ; que, par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a retenu le motif tiré de ce que M. B... A...avait été privé de la garantie instaurée par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement 604/2013 du

26 juin 2013 pour annuler son arrêté ordonnant le transfert de M. B... A...vers l'Italie et, par voie de conséquence, son arrêté assignant l'intéressé à résidence ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... A...tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant la Cour ;

Sur la légalité des arrêtés du 6 janvier 2017 :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013: " 1. L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) no 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéas, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande a été introduite. / (...) / 3. Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2, la requête aux fins de prise en charge par un autre Etat membre est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend les éléments de preuve ou indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou les autres éléments pertinents tirés de la déclaration du demandeur qui permettent aux autorités de l'Etat membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement. La Commission adopte, par voie d'actes d'exécution, des conditions uniformes pour l'établissement et la présentation des requêtes aux fins de prise en charge. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2. " ; qu'aux termes de l'article 22 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. / (...) / 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. " ; qu'aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 4. (...) la requête aux fins de prise en charge par un autre Etat membre est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend les éléments de preuve ou indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou les autres éléments pertinents tirés de la déclaration du demandeur qui permettent aux autorités de l'Etat membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement. " ;

6. Considérant que M. B... A... soutient qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait saisi l'Italie d'une requête aux fins de prise en charge ; que le préfet de police se borne à produire un document intitulé " constat d'un accord implicite et confirmation de reconnaissance de la responsabilité " en date du 12 décembre 2016 établi par ses propres services ; que si ce document fait état d'une requête de prise en charge adressée aux autorités italiennes le 17 novembre 2016, le préfet de police ne produit pas l'accusé de réception édité automatiquement par le réseau de communication électronique " DubliNet " ; que, dans ces conditions, les autorités italiennes ne peuvent être regardées comme ayant été saisies par la France d'une requête aux fins de prise en charge de M. B... A... et, par suite, comme ayant implicitement donné leur accord à la prise en charge de la demande d'asile de l'intéressé ; que, dès lors, l'arrêté du 6 janvier 2017 de transfert aux autorités italiennes est entaché d'une erreur de droit et doit être annulé ; que, par conséquent, l'arrêté d'assignation à résidence du même jour, qui se trouve dépourvu de base légale, doit également être annulé ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés du 6 janvier 2017, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B...A...au regard de la détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que M. B...A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 octobre 2017 ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que, toutefois, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Larroque, avocat de M. B...A..., d'une somme à ce titre ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Les conclusions incidentes présentées par M. B...A...sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. C... B...A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2018.

Le rapporteur,

J. JIMENEZLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01301


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01301
Date de la décision : 09/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Julia JIMENEZ
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : LARROQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-05-09;17pa01301 ?
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