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31/05/2018 | FRANCE | N°17PA00892

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 31 mai 2018, 17PA00892


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'offre d'indemnisation de la ville de Paris du 25 novembre 2015 comportant décision de les évincer des baux dont ils sont bénéficiaires et des constructions qui leur appartiennent, situés 14 et 16 rue Mousset-Robert à Paris (12ème arrondissement).

Par un jugement n° 1601352 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregis

trée le 15 mars 2017, M. et MmeB..., représentés par Me E..., ont demandé à la Cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'offre d'indemnisation de la ville de Paris du 25 novembre 2015 comportant décision de les évincer des baux dont ils sont bénéficiaires et des constructions qui leur appartiennent, situés 14 et 16 rue Mousset-Robert à Paris (12ème arrondissement).

Par un jugement n° 1601352 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2017, M. et MmeB..., représentés par Me E..., ont demandé à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601352 du 19 janvier 2017 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'offre d'indemnisation de la ville de Paris du 25 novembre 2015 comportant décision de les évincer des baux dont ils sont bénéficiaires et des constructions qui leur appartiennent, situés 14 et 16 rue Mousset-Robert à Paris 12ème arrondissement ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que les premiers juges se sont estimés incompétents pour connaître de leur demande, dès lors que la décision de démolir les constructions leur appartenant et de les évincer des baux sur les terrains dont ils sont titulaires, prise sur le fondement de l'article L. 213-10 du code de l'urbanisme, constitue un acte administratif détachable des mesures de gestion relative au contrat de location du domaine privé de la ville de Paris ;

- à supposer même que la décision d'éviction prise par la ville de Paris constitue un acte de gestion de son domaine privé, celui-ci relèverait de la compétence de la juridiction administrative, dès lors qu'elle est motivée par le projet de créer des logements sociaux et qu'elle aurait pour effet d'étendre le périmètre et la consistance du domaine privé de la ville, puisque celui-ci porterait non plus seulement sur les terrains dont ils sont locataires mais également sur les constructions dont ils sont propriétaires ;

- la décision attaquée est illégale, dès lors qu'elle n'est pas suffisamment motivée en méconnaissance des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, faute de viser la décision par laquelle la ville de Paris a décidé de réaliser un programme de logements sociaux ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'elle ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article L. 213-10 du code de l'urbanisme, puisqu'ils ne sont locataires que de terrains et non de locaux à usage d'habitation, et que ces baux ne constituent pas des baux commerciaux.

Par deux mémoires enregistrés les 23 novembre 2017 et 26 mars 2018, Me E...a informé la cour du décès de M. B... survenu le 8 octobre 2017 et demandé qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la reprise d'instance par ses héritiers.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 novembre 2017, la ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des époux B...la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître de la requête, dès lors que seul le juge judiciaire est compétent pour connaître des actes pris par l'administration dans le cadre de la gestion de son domaine privé notamment pour mettre fin à une relation contractuelle, et de la contestation d'une offre d'indemnité d'éviction destinée aux occupants de biens acquis par voie de préemption ;

- l'acte attaqué ne comporte aucune décision autre que l'offre d'indemnité d'éviction, préalablement à l'éventuelle saisine du juge judiciaire ;

- l'acte attaqué ne révèle pas l'existence d'une décision de la ville de Paris de récupérer la jouissance des biens des épouxB..., laquelle a en tout état de cause été prise dès 2014 ;

- à supposer que l'acte attaqué puisse être regardé comme une décision implicite de mettre fin au bail des épouxB..., une telle décision constituerait un acte de gestion du domaine privé de la ville de Paris relevant du juge judiciaire ;

- à titre subsidiaire, si le juge reconnaissait l'existence d'une décision administrative d'éviction, les moyens soulevés par les requérants devraient être écartés comme inopérants dès lors que l'administration est tenue de faire évacuer les lieux préemptés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nguyên Duy,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- et les observations de Me Moreau, avocat de MmeB..., et Me Falala, avocat de la ville de Paris.

1. Considérant que, par un acte de cession de droit au bail et vente de constructions signé le 29 octobre 1987, M. et Mme B...ont acquis le droit au bail des terrains situés 14 et 16 rue Mousset-Robert à Paris 12ème, ainsi que la propriété des constructions édifiées sur ces parcelles ; qu'en vue de la réalisation de logements sociaux, la ville de Paris a fait usage de ses pouvoirs de préemption et a acquis, par acte notarié du 12 septembre 1990, la propriété du sol des parcelles correspondant aux numéros 6 à 16 rue Mousset ; que la ville a été substituée à l'ancienne propriétaire dans les baux de location des terrains conclus entre les époux B...et celle-ci ; que, le 25 novembre 2015, la ville de Paris leur a notifié, sur le fondement de l'article L. 213-10 du code de l'urbanisme et de l'article R. 311-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, un mémoire valant offre d'indemnisation d'éviction à hauteur de 350 850 euros ; que M. et Mme B..., qui ont contesté le montant de cette offre auprès du juge de l'expropriation, ont également demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler ce mémoire en tant qu'il révèle, selon eux, la décision de les évincer des baux dont ils sont titulaires ; que, par un jugement du 19 janvier 2017, les premiers juges ont rejeté leur demande, au motif que la juridiction administrative n'était pas compétente pour connaître du litige qui porte sur un acte de gestion du domaine privé de la ville de Paris qui n'a pour effet ni d'en affecter le périmètre ni la consistance ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 213-10 du code de l'urbanisme : " Nonobstant toutes dispositions ou stipulations contraires, les preneurs de biens ruraux, les locataires ou occupants de bonne foi de locaux à usage d'habitation ainsi que les locataires de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal situés dans un bien acquis par la voie de la préemption (...) ne peuvent s'opposer à l'exécution des travaux de restauration ou de transformation intérieure ni à la démolition de ces locaux. / Si l'exécution des travaux l'exige, ils sont tenus d'évacuer tout ou partie de ces locaux ; le nouveau propriétaire du bien est alors tenu aux obligations prévues aux articles L. 314-1 et suivants. / (...) En cas de litige, ces indemnités sont fixées par la juridiction compétente en matière d'expropriation " ; que l'article L. 314-1 du code de l'urbanisme dispose que : " La personne publique qui a pris l'initiative de la réalisation de l'une des opérations d'aménagement définies dans le présent livre ou qui bénéficie d'une expropriation est tenue, envers les occupants des immeubles intéressés, aux obligations prévues ci-après (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 314-2 du code de l'urbanisme : " Si les travaux nécessitent l'éviction définitive des occupants, ceux-ci bénéficient des dispositions applicables en matière d'expropriation (...) " ; que l'article R. 311-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose que : " Lorsque l'expropriant dispose des éléments d'information suffisants pour rédiger le mémoire de saisine du juge prévu à l'article R. 311-9, il n'est pas tenu de notifier ses offres dans les formes et conditions mentionnées aux articles R. 311-4 et R. 311-5. Il fait alors connaître ses propositions à l'exproprié en lui notifiant copie de ce mémoire. Toutefois, il ne peut, dans ce cas, saisir le juge qu'à l'expiration du délai d'un mois suivant cette notification. " ; que l'article R. 311-9 de ce code prévoit que : " A défaut d'accord dans le délai d'un mois à compter (...) de la notification du mémoire prévue à l'article R. 311-6 (...), le juge peut être saisi par la partie la plus diligente " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que l'acte du 25 novembre 2015 par lequel l'avocat de la ville de Paris a notifié aux épouxB..., en application de l'article R. 311-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'offre proposée par cette collectivité en vue de les indemniser de l'éviction des baux dont ils sont titulaires, constitue un préalable à la saisine du juge chargé d'évaluer le montant de cette indemnité, à défaut d'accord amiable entre les parties ; qu'un tel acte doit donc être regardé comme étant inséparable d'une procédure judiciaire, dont il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître ;

4. Considérant, d'autre part, que la circonstance qu'une commune a acquis un immeuble en faisant usage de son droit de préemption dans le but de réaliser une opération ou action prévue par l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, n'a pas pour effet, tant que ce bien n'a pas été affecté à l'usage direct du public ni n'a fait l'objet d'aménagement indispensable à l'exercice de missions d'un service public, de le faire entrer dans le domaine public de cette collectivité ; que si la décision par laquelle une collectivité préempte un bien immobilier constitue une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif, les mesures subséquentes prises par la collectivité, notamment en application des articles L. 213-10 et L. 314-2 du code de l'urbanisme, pour libérer l'immeuble ainsi acquis de ses locataires et occupants constituent des décisions prises dans le cadre de la gestion de son domaine privé et qui ne mettent en cause que des rapports de droit privé, dès lors qu'elles s'inscrivent dans le cadre d'une procédure à l'issue de laquelle il appartient au seul juge judiciaire de fixer le montant de l'indemnité d'éviction, lorsque celle-ci n'a pu être fixée de façon amiable ; qu'ainsi, en engageant, par l'acte du 25 novembre 2015, la procédure d'éviction des locataires et occupants des terrains situés 14 et 16 rue Mousset-Robert dont elle était devenue propriétaire en 1990 par voie de préemption, et alors même que le but de celle-ci est la réalisation, à terme, de l'une des opérations d'intérêt public qui peuvent être poursuivies par la voie de la préemption, la ville de Paris n'a pris aucune décision susceptible de recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tord que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les frais liés au litige :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la ville de Paris présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la ville de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 mai 2018.

Le rapporteur,

P. NGUYEN DUY La présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M. D...La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA00892


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00892
Date de la décision : 31/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

17-03-02 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Pearl NGUYÊN-DUY
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : GOMEZ-VARONA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-05-31;17pa00892 ?
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