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12/06/2018 | FRANCE | N°14PA04839

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 12 juin 2018, 14PA04839


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, de condamner la commune de Villeneuve-le-Roi et la société Axa à lui verser la somme de 5 000 euros, à titre d'indemnité provisionnelle, en réparation du préjudice subi à la suite de l'accident dont il a été victime le 23 février 2007, d'autre part, de désigner un expert afin de déterminer les conséquences de cet accident et d'évaluer les différents préjudices qu'il a subis.

Par un jugement n° 1003627/2 du 9 octobre 2014,

le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun, d'une part, de condamner la commune de Villeneuve-le-Roi et la société Axa à lui verser la somme de 5 000 euros, à titre d'indemnité provisionnelle, en réparation du préjudice subi à la suite de l'accident dont il a été victime le 23 février 2007, d'autre part, de désigner un expert afin de déterminer les conséquences de cet accident et d'évaluer les différents préjudices qu'il a subis.

Par un jugement n° 1003627/2 du 9 octobre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2014, M.D..., représenté par la SELARL Cabinet Champol Conseil, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 octobre 2014 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision implicite du maire de Villeneuve-le-Roi de rejet de sa demande d'indemnisation ;

3°) de désigner, avant dire droit, un expert sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, afin de déterminer l'étendue de son préjudice ;

4°) de condamner la commune de Villeneuve-le-Roi à l'indemniser de ses préjudices personnel et professionnel ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-le -Roi le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le défaut d'élagage des arbres constitue un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public et, en l'espèce, son accident a été provoqué par les branches d'un arbre surplombant la chaussée et ayant soulevé la caisse de son camion ;

- l'interdiction par arrêté municipal du 1er août 1994 de circulation des véhicules de plus de 3,5 tonnes rue Guy Môcquet exclut les livraisons ;

- la circonstance que le rapport de la police municipale ne mentionne pas de défaut d'entretien normal ne saurait suffire de preuve à la commune à qui il revient d'établir un réel entretien de la voie ;

- le jugement attaqué cite l'article R. 225 du code de la route qui n'est plus en vigueur ;

- il justifie par la production de sa feuille de route que la livraison de son client à Villeneuve-le -Roi impliquait qu'il emprunte la rue Guy Môcquet ;

- contrairement aux énonciations du jugement attaqué, la visibilité de la signalisation n'est pas établie, en particulier par le constat amiable signé par le représentant de la commune ;

- la responsabilité de la commune dans la survenue de l'accident sera retenue et la Cour devra désigner un expert pour évaluer ses préjudices.

Par un mémoire, enregistré le 10 mars 2015, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne, représentée par MeC..., s'en rapporte à la justice sur les mérites de l'appel interjeté par M. D...et sur sa demande d'expertise judiciaire et, dans le cas où la Cour retient la responsabilité de la commune de Villeneuve-le-Roi, conclut à la condamnation solidaire de cette dernière et de la société Axa à lui verser la somme de 38 160,69 euros assortie des intérêts au taux légal, à titre de provision, au titre du remboursement des débours exposés pour le compte de M.D..., sous réserve des prestations non connues à ce jour et qui pourraient être remboursées ultérieurement compte tenu de l'expertise sollicitée, ainsi qu'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de 1 037 euros par application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Elle soutient qu'elle dispose d'un recours subrogatoire sur les sommes versées à la victime en réparation de son préjudice corporel, en application de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale.

Par un mémoire, enregistré le 12 août 2016, la commune de Villeneuve-le-Roi, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. D... le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que M. D... ne justifie pas d'une livraison dans la rue Guy Môquet ni d'un défaut d'entretien de l'ouvrage public.

Par un arrêt avant dire droit du 30 septembre 2016, la Cour de céans a ordonné une expertise confiée au docteur Azorin, rhumatologue, dont le rapport a été déposé le 1er février 2017.

Par un mémoire, enregistré le 17 août 2017, M. D...conclut, par les mêmes moyens que la requête, à la condamnation de la commune de Villeneuve-le-Roi à lui verser les sommes de 820 euros au titre de la gêne temporaire, 5 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 1 000 euros au titre du préjudice esthétique, 4 000 au titre des souffrances endurées, 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément, et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de ladite commune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 16 mai 2018, la commune de Villeneuve-le-Roi conclut, par les mêmes moyens que précédemment, au rejet de la requête et à la mise à la charge de

M. D...de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la route ;

- la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.

1. Considérant que le 23 février 2007, M. D..., qui exerçait la profession de chauffeur-routier et circulait à bord d'un véhicule poids lourd de livraison sur le territoire de la commune de Villeneuve-le-Roi, a heurté les branches d'un arbre bordant la rue Guy Môquet ; qu'il a été blessé et a demandé au Maire de la commune de l'indemniser des préjudices de cet accident ; que devant le refus de l'assureur de la commune, la société Axa et de la commune elle-même de l'indemniser, M. D... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant, d'une part, à la condamnation solidaire de la commune de Villeneuve-le-Roi et de la société Axa à lui verser la somme de 5 000 euros, à titre d'indemnité provisionnelle, d'autre part, à la désignation d'un expert afin de déterminer les conséquences de cet accident et d'évaluer les différents préjudices subis ; qu'il a alors relevé appel du jugement du 9 octobre 2014 par lequel ledit tribunal a rejeté cette demande ; que, par un arrêt avant-dire droit du 30 septembre 2016, la Cour a considéré que si la commune ne rapportait pas la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de l'ouvrage public dont elle a la charge, elle ne devait toutefois être condamnée à réparer que la moitié des conséquences dommageables de l'accident subi par M.D..., lequel devait être regardé comme ayant également commis une faute en n'anticipant pas la collision de son véhicule avec les branches d'un arbre dont il n'allègue pas que la visibilité aurait été mauvaise ; qu'ayant par ailleurs estimé que l'état du dossier ne lui permettait pas d'évaluer l'ensemble des préjudices dont M. D...se prévalait, la Cour a décidé de désigner un expert pour ce faire ; que le docteur Azorin, rhumatologue, a remis son expertise le 1er février 2017 ;

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les droits de M.D... :

Quant aux déficits fonctionnels temporaires et permanents :

2. Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise que M. D...a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel de 10 % du 22 février 2007 au 26 février 2008 et du 5 mai 2008 au 26 septembre 2008, soit sur une période de 145 jours pouvant être indemnisé sur la base de 2 euros par jour, un déficit fonctionnel total durant ses quatre jours d'hospitalisation en clinique du 27 février 2008 au 2 mars 2008 pouvant être indemnisé sur la base de 20 euros par jour, un déficit fonctionnel partiel de 50 % du 3 mars 2008 au 3 avril 2008 correspondant au port d'une attelle d'immobilisation pouvant être indemnisé sur la base de 10 euros par jour, un déficit fonctionnel partiel de 25 % du 4 avril 2008 au 4 mai 2008 correspondant à un mois de port d'une attelle aircast pouvant être indemnisé sur la base de 5 euros ; que, dans ces conditions, il sera fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 820 euros ;

3. Considérant que le déficit fonctionnel permanent dont est atteint M.D..., constitué d'une raideur de la cheville droite, a été évalué par l'expert à 9 % ; que ce dernier ayant toutefois indiqué que son antérieur à l'accident du 22 février 2007, constitué par une laxité chronique de la cheville droite pouvant correspondre à une IPP de 6 % il y a lieu, compte tenu de son âge à la date de consolidation de son état de santé et du taux de 3% directement imputable à l'accident déclaré, de l'évaluer à la somme de 3 000 euros ;

Quant aux souffrances endurées :

4. Considérant que les souffrances endurées par M. D...en raison de l'intervention réalisée, de l'immobilisation de sa cheville dans les suites et de la rééducation qu'il a dû subir, ont été évaluées à 3 sur une échelle de 7 ; qu'elles peuvent être évaluées au montant de 2 500 euros ;

Quant au préjudice esthétique :

5. Considérant que l'expert a relevé un préjudice temporaire constitué du port d'une orthèse pendant un mois évalué à 2 sur une échelle de 7, ainsi qu'un préjudice à caractère définitif constitué d'une cicatrice de 4 cm sur la face latérale externe de cheville, peu visible, évalué à 0,5 sur cette même échelle ; que, compte tenu de ces éléments, il y a lieu d'évaluer le préjudice esthétique global à la somme de 600 euros ;

Quant au préjudice d'agrément :

6. Considérant que si M. D...fait valoir, qu'en tant que chauffeur-livreur, il ne peut plus exercer cette activité en raison de la pénibilité de la conduite et de l'obligation de porter des charges en se déplaçant à pied, l'expert indique néanmoins dans ses conclusions que l'intervention chirurgicale a amélioré la stabilité de la cheville droite de l'intéressé et donc sa fonctionnalité, et que la perte de mobilité très modérée n'a pas de réelle incidence sur la conduite en l'absence de déficit sensitivomoteur associé ; qu'il se borne à relever une certaine pénibilité professionnelle sans incapacité, dans la mesure où M. D...a conduit son véhicule avec une laxité chronique résiduelle entre 1997 et 2007 ; que, dans ces conditions, M. D...ne saurait solliciter une quelconque indemnisation à ce titre ;

Quant à l'incidence professionnelle

7. Considérant que M. D...fait valoir qu'il n'est plus en mesure, depuis son accident, de pratiquer régulièrement certains sports tels que le football en raison de douleurs, de la raideur de sa cheville et de sa perte d'amplitude ; que l'expert ayant indiqué, comme il vient d'être dit, que la stabilité de celle-ci ainsi que ses capacités fonctionnelles s'étant finalement trouvées améliorées par l'intervention chirurgicale réalisée, il n'y a pas davantage lieu d'indemniser ce chef de préjudice qui n'est en l'espèce aucunement établi ;

8. Considérant que, compte tenu du partage de responsabilité retenu, il y a lieu d'accorder à M.D..., en réparation de l'ensemble de ses préjudices, la somme de 3 460 euros ;

En ce qui concerne les droits de la CPAM du Val-de-Marne :

9. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'attestation de créance produite devant la Cour par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne qu'elle a été amenée à exposer, pour le compte de M.D..., des débours à hauteur de la somme totale de 38 160,69 euros ; que ce montant est constitué de frais hospitaliers pour la période allant du 26 au 29 février 2008, de frais médicaux pour celle du 1er mars 2007 au 18 septembre 2008, de frais pharmaceutiques pour celle du 1er mars au 9 mai 2007, de frais d'appareillage pour la période du 20 mars au

30 octobre 2007, de frais de transport pour la journée du 20 mars 2008, d'indemnités journalières pour la période du 25 février 2007 au 16 septembre 2008, enfin d'un capital rente accident du travail versé le 19 septembre 2008 ; que ni l'imputabilité de ces dépenses à l'accident subi par M.D..., ni leur montant n'étant contesté, il y a lieu de faire droit à la demande de leur remboursement à hauteur de 19 080,34 euros, après prise en compte du partage de

responsabilité ;

10. Considérant que la caisse a droit à ce que la somme versée soit assortie des intérêts au taux légal ; qu'il sera fait droit à cette demande en condamnant la commune de Villeneuve-le-Roi à verser les intérêts légaux sur la somme de 19 080,34 euros à compter du 21 février 2011, date de sa première demande ;

11. Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident peut demander une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie, dont le montant est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu par la caisse, dans les limites d'un plafond dont le montant est révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget ; qu'il y a lieu d'allouer à la CPAM du Val-de-Marne la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion actualisée ;

Sur les frais d'expertise :

12. Considérant qu'il y a lieu de laisser définitivement les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 560 euros par ordonnance du président de la Cour, à la charge de la commune de Villeneuve-le-Roi ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Villeneuve-le-Roi demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ladite commune une somme de 2 000 euros à verser à M. D...ainsi qu'une somme de 1 500 euros à verser à la CPAM du Val-de-Marne au titre de ces mêmes frais ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 9 octobre 2014 est annulé.

Article 2 : La commune de Villeneuve-le-Roi est condamnée à verser à M. D...la somme de 3 460 euros.

Article 3 : La commune de Villeneuve-le-Roi est condamnée à verser à la CPAM du Val-de-Marne la somme de 19 080,34 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du

21 février 2011. Elle est également condamnée à verser à ladite caisse, la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 4 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 560 euros sont mis à la charge définitive de la commune de Villeneuve-le-Roi.

Article 5 : La commune de Villeneuve-le-Roi versera à M. D...la somme de 2 000 euros et à la CPAM de Val-de-Marne la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., à la commune de Villeneuve-le-Roi, à la société Axa et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 juin 2018.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 14PA04839


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04839
Date de la décision : 12/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : LACAN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-12;14pa04839 ?
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