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14/06/2018 | FRANCE | N°17PA01405

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 14 juin 2018, 17PA01405


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) de la Marne a demandé au tribunal administratif de Melun, d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2014 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a mise en demeure de procéder, dans un délai de trois mois, à l'évacuation de l'ensemble des déchets et produits chimiques présents sur le terrain dont elle est propriétaire, sis rue du Moulin Trochard à Mouroux, ainsi que la décision implicite du 14 octobre 2014 portant rejet de son recours gracieux contre cet arrêté.

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ar jugement n° 1408685 du 24 février 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) de la Marne a demandé au tribunal administratif de Melun, d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2014 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a mise en demeure de procéder, dans un délai de trois mois, à l'évacuation de l'ensemble des déchets et produits chimiques présents sur le terrain dont elle est propriétaire, sis rue du Moulin Trochard à Mouroux, ainsi que la décision implicite du 14 octobre 2014 portant rejet de son recours gracieux contre cet arrêté.

Par jugement n° 1408685 du 24 février 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de la SCI de la Marne.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réponse enregistrés le 27 avril 2017 et le 11 mai 2018, la SCI de la Marne, représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1408685 du 24 février 2017 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2014 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a mise en demeure de procéder, dans un délai de trois mois, à l'évacuation de l'ensemble des déchets et produits chimiques présents sur le terrain dont elle est propriétaire, ensemble la décision implicite du 14 octobre 2014 par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a rejeté son recours gracieux contre cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté litigieux du 31 juillet 2014 méconnaît les dispositions des articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement, dès lors qu'elle est étrangère à l'abandon de déchets par son ancien locataire, la société STREL ;

- l'arrêté litigieux ne pouvait être édicté dès lors que, par un arrêté du

20 mars 2010, le préfet de Seine-et-Marne a mis en demeure la société STREL, en sa qualité de producteur des déchets, de procéder à l'évacuation de ceux-ci, et que le préfet n'a entrepris aucune démarche en vue de l'exécution de cet arrêté ;

- le préfet ne pouvait la mettre en demeure de procéder à l'évacuation des déchets en cause, l'intervention de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie pour procéder à l'évacuation de ces déchets ayant été préalablement sollicitée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2018, le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête de la SCI de la Marne ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 20 avril 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 mai 2018 à douze heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- et les observations de Me Beccari, avocat de la SCI de la Marne.

1. Considérant que, le 17 août 2001, la SCI de la Marne a conclu avec la société de technologie et de réalisations électroniques (STREL) un bail commercial relatif à un site industriel sis Moulin Trochard à Mouroux en Seine-et-Marne ; que la STREL, qui exploitait sur ce terrain une activité de fabrication de composants électroniques autorisée par arrêté préfectoral du 30 mars 1989, a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Antibes le 2 octobre 2009 ; qu'à la suite d'une visite sur place, le 11 février 2010, de l'inspection des installations classées, le préfet de Seine-et-Marne a, par arrêté du 20 mars 2010, mis en demeure le liquidateur judiciaire de la STREL de lui notifier, dans un délai n'excédant pas deux mois, les mesures prises ou prévues pour assurer la mise en sécurité du site ; que le recours formé contre cet arrêté préfectoral par le liquidateur judiciaire a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Melun, en date du 31 octobre 2012, devenu définitif ; qu'à la suite d'une nouvelle visite sur place le 27 octobre 2010, l'inspection des installations classées a constaté qu'aucune mesure tendant à assurer la sécurité du site n'avait été mise en oeuvre, et le préfet de Seine-et-Marne a, par un arrêté du 3 janvier 2011, obligé le liquidateur judiciaire à consigner entre les mains d'un comptable public une somme de 81 000 euros correspondant au montant des mesures prescrites ; que, le 24 octobre 2011, la direction départementale des finances publiques de Seine-et-Marne a informé ledit préfet de ce que le titre de perception correspondant avait été soldé pour non valeur le 25 juillet 2011 ; qu'à la suite d'une nouvelle visite sur place le 1er juillet 2014, l'inspection des installations classées a, à nouveau, constaté la présence de nombreux déchets abandonnés, et le préfet de Seine-et-Marne a, par un arrêté du 31 juillet 2014, mis en demeure la SCI de la Marne, en sa qualité de détentrice des déchets en cause, de procéder à leur évacuation dans les trois mois ; que la SCI de la Marne a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de cet arrêté du 31 juillet 2014 et de la décision implicite du 14 octobre 2014 par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a rejeté son recours gracieux ; que, par jugement n° 1408685 du 24 février 2017 dont la SCI relève appel devant la Cour, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement " ; qu'aux termes de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement : " Au sens du présent chapitre, on entend par : / (...) Producteur de déchets : toute personne dont l'activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets) ; / Détenteur de déchets : producteur des déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 541-2 du même code : " Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre. Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. Tout producteur ou détenteur de déchets s'assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge. " ; qu'aux termes de l'article L. 541-3 dudit code : " I. - Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et, après l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai d'un mois, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, peut le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé. / (...) / V. - Si le producteur ou le détenteur des déchets ne peut être identifié ou s'il est insolvable, l'État peut, avec le concours financier éventuel des collectivités territoriales, confier la gestion des déchets et la remise en état du site pollué par ces déchets à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ou à un autre établissement public compétent. " ;

3. Considérant que le responsable des déchets au sens des dispositions de l'article L. 541-3 du code de l'environnement s'entend des seuls producteurs ou autres détenteurs des déchets ; que, si en l'absence de tout producteur ou tout autre détenteur connu de déchets, le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés ces déchets peut être regardé comme leur détenteur au sens des dispositions de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, notamment s'il a fait preuve de négligence à l'égard d'abandons sur son terrain, et être de ce fait assujetti à l'obligation d'éliminer ces déchets, la responsabilité du propriétaire du terrain au titre de la police des déchets ne revêt qu'un caractère subsidiaire par rapport à celle encourue par le producteur ou les autres détenteurs de ces déchets et peut être recherchée s'il apparaît que tout autre détenteur de ces déchets est inconnu ou a disparu ;

4. Considérant que la STREL a exploité au Moulin Trochart à Mouroux une activité de commerce et d'industrie de tous appareils, pièces et composants entrant dans la réalisation des ensembles électroniques et leurs dérivés depuis le mois de janvier 1989, sur un terrain donné à bail commercial par la SCI de la Marne le 17 août 2001 ; que cette société a été dirigée jusqu'au 1er juillet 2006 par M. A...E..., puis par son fils, M. D...E... ; que la SCI de la Marne est dirigée par M. A...E...et a pour associés son épouse et ses deux enfants, Laurent et StéphaneE... ; que le courrier de la STREL du 9 décembre 2008 demandant la réactualisation de son autorisation d'exploiter est signé, au nom de cette société, par M. A...E...; que, dès lors, au regard des liens existant entre la STREL, qui doit être regardée comme productrice des déchets abandonnés sur le terrain, et la SCI de la Marne, celle-ci avait nécessairement connaissance des conditions dans lesquelles la STREL a exercé ses activités, et notamment des circonstances selon lesquelles elle a entreposé des déchets sur le site et les a abandonnés après la mise en liquidation judiciaire de cette société en 2009 ;

5. Considérant qu'à la suite du placement en liquidation judiciaire de la STREL le 6 novembre 2009, le préfet de Seine-et-Marne a rappelé à son liquidateur ses obligations réglementaires au titre du code de l'environnement ; qu'à l'issue d'une visite du site par l'inspection des installations classées le 11 février 2010, ce préfet a mis en demeure le mandataire liquidateur de la STREL de procéder à la mise en sécurité du site par un arrêté du 29 mars 2010 et a édicté le 3 janvier 2011 un arrêté portant consignation d'un montant de 81 000 euros correspondant aux frais relatifs au tri, au reconditionnement, à l'étiquetage, au transport et à la destruction ou la revalorisation dans des centres agréés de l'ensemble des déchets abandonnés sur le site ; que le préfet a ensuite été informé, le 24 octobre 2011, par la direction départementale des finances publiques de Seine-et-Marne, de l'impécuniosité de la liquidation ; qu'ainsi la SCI de la Marne n'est pas fondée à soutenir que le préfet n'a entrepris aucune démarche pour assurer l'exécution des arrêtés qu'il avait pris à l'encontre de la STREL ;

6. Considérant, dès lors, qu'au regard de la nécessaire complaisance dont la SCI de la Marne a fait preuve en ce qui concerne l'entreposage et l'abandon de déchets sur le terrain dont elle est propriétaire et eu égard à la circonstance qu'il n'existe plus ni producteur, ni autre détenteur de ces déchets, la SCI de la Marne doit être regardée comme détentrice de ceux-ci au sens des articles précités du code de l'environnement ; que, contrairement à ce que soutient la requérante aucune disposition du code de l'environnement ne fait obstacle à ce que le préfet de Seine-et-Marne prenne la mesure contestée, et en particulier au motif allégué qu'il reviendrait à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie de procéder à la dépollution du site ; que, par suite, doivent être écartés les moyens de la SCI de la Marne tirés de ce que les décisions contestées ont méconnu les dispositions précitées des articles L. 171-8, L. 541-1-1, L. 541-2 et L. 541-3 du code de l'environnement en la mettant en demeure, en sa qualité de détentrice des déchets abandonnés sur le terrain sis Moulin Trochard à Mouroux, de procéder à leur évacuation dans un délai de trois mois ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI de la Marne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 31 juillet 2014, ensemble la décision implicite du 14 octobre 2014 de rejet de son recours gracieux ; que par voie de conséquence la requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI de la Marne est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI de la Marne et au ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressé au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3

(1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- M. Legeai, premier conseiller,

- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 juin 2018.

Le rapporteur,

A. LEGEAI Le président,

S. DIÉMERT Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

2

N° 17PA01405


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01405
Date de la décision : 14/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : SCP PINSON SEGERS DAVEAU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-14;17pa01405 ?
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