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21/06/2018 | FRANCE | N°16PA01151

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 21 juin 2018, 16PA01151


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeB...,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- les observations de Me Gaschignard, avocat, pour l'association Sing Sing Bis et de Me Pinet, avocat, pour la SARL Media Bonheur.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 18 mars 2015, le Conseil sup

rieur de l'audiovisuel (CSA) a lancé un appel à candidatures pour l'exploitation de services de radio par voie hertzi...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeB...,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- les observations de Me Gaschignard, avocat, pour l'association Sing Sing Bis et de Me Pinet, avocat, pour la SARL Media Bonheur.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 18 mars 2015, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a lancé un appel à candidatures pour l'exploitation de services de radio par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence à temps complet ou partagé dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Rennes, en vue de l'attribution de la fréquence radiophonique 96,7 MHz sur la zone de Saint-Malo. Par décisions du 20 janvier 2016, il a écarté la candidature de l'association Sing Sing Bis et délivré une autorisation à la société Media Bonheur pour la diffusion du service " Radio Bonheur ". L'association demande à la Cour l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité des décisions litigieuses :

2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa version applicable au litige : " Le conseil accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Il tient également compte : 1° De l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; 2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d'une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d'une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d'information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, l'honnêteté de l'information et son indépendance à l'égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; 6° Pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la variété des oeuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de leurs conditions de programmation. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille, sur l'ensemble du territoire, à ce qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l'expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l'environnement ou la lutte contre l'exclusion. Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part. Il s'assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale. ".

3. Par deux communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le CSA, faisant usage de la compétence qui lui a été conférée par l'article 29 précité de la loi du 30 septembre 1986, a déterminé cinq catégories de services en vue de l'appel à candidatures pour l'exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre. Ces cinq catégories sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l'article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (catégorie B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d'un réseau thématique à vocation nationale (catégorie C), services thématiques à vocation nationale (catégorie D), et services généralistes à vocation nationale (catégorie E).

4. Dans la zone de Saint-Malo où émettaient un service dans chacune des catégories A et B, deux services en catégorie C, cinq services en catégorie D et deux services en catégorie E et où une seule fréquence était disponible, le CSA a autorisé Radio Bonheur, radio de catégorie B proposée par la SARL Media Bonheur, aux motifs qu'elle s'adressait plus particulièrement à un public adulte et sénior, s'inscrivait, dans la zone concernée, dans la continuité territoriale directe de sa desserte actuelle et proposait une programmation musicale et d'intérêt local. Le CSA a rejeté la candidature de l'association Sing Sing Bis au motif qu'elle ne présentait dans son dossier que la diffusion d'informations nationales et internationales fournies par un prestataire sans proposer de journaux d'information locale et s'avérait en conséquence moins susceptible de contribuer à l'enrichissement de l'offre radiophonique que Radio Bonheur, et qu'en outre, en l'absence de précisions sur la part respective des divers genres musicaux proposés par Sing Sing Bis, il n'était pas possible d'apprécier sa contribution effective à l'enrichissement de l'offre radiophonique alors que le candidat retenu était, eu égard à sa programmation, susceptible de contribuer davantage à la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels.

5. Si l'association Sing Sing Bis soutient, pour contester le rejet de sa candidature que cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que le choix du CSA ne laisse survivre qu'une seule radio associative sur douze fréquences attribuées hors service public dans le secteur de Saint-Malo, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à faire regarder le choix du CSA comme entaché d'illégalité.

6. En effet, il appartenait au CSA d'examiner le service proposé en catégorie B par la SARL Media Bonheur au regard des dispositions précitées de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 en tenant compte des différents objectifs poursuivis et en assurant leur conciliation de façon optimale. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, selon les chiffres fournis par l'INSEE, que dans la zone considérée, les plus de 60 ans représentent 35,6 % de la population, soit une proportion supérieure à la moyenne nationale qui se situe à 23,6 %. Il existait, avant l'appel à candidatures, de nombreux services musicaux s'adressant à un public jeune (C..., Fun Radio, NRJ ou Skyrock), à un public adulte (RFM) et à tous types de publics (Radio Classique) avec une offre musicale très diversifiée (pop-rock, dance-électro, musique de variétés française et internationale récente, groove-rap, musique classique, musiques de films). Outre ces services, les radios généralistes, diffusant des programmes de divertissement, et Radio Paroles de vie, radio confessionnelle promouvant le jazz celtique, s'adressent à un public très diversifié en termes de tranches d'âge. Quant à Radio Caroline, elle ne vise pas le public concerné des plus de 60 ans. Seule Radio Nostalgie pouvait être regardée comme plus spécifiquement destinée à un public adulte-sénior avec une programmation musicale de variétés (des années 1960, 70 et 80). Or, il ressort des pièces du dossier que Radio Bonheur, radio musicale populaire, diffuse des titres de musique exclusivement française des années 1950 à 1989, des morceaux d'accordéon et des artistes peu connus et non diffusés par les autres radios déjà autorisées. Dès lors, eu égard à la spécificité de sa programmation destinée à une population fortement représentée dans la zone considérée et nonobstant la circonstance que Radio Nostalgie ou des radios généralistes à vocation nationale diffusées sur la zone puissent également s'adresser à un public âgé quoique non exclusivement, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le CSA a pu considérer que Radio Bonheur était, plus que le service proposé par l'association requérante, susceptible de contribuer à l'enrichissement de l'offre radiophonique et répondre à l'intérêt du public.

7. L'association requérante soutient que l'appréciation portée par le CSA sur sa candidature passe entièrement sous silence la dimension d'information locale. Toutefois, il ressort des pièces du dossier de candidature de Sing Sing Bis que s'il mentionne des programmes d'information locale d'une durée de 2h15 du lundi au samedi et d'1h10 le dimanche, il n'en détaille ni le contenu ni les modalités de réalisation, alors qu'il indique que ces programmes peuvent être produits par des tiers et que toute l'information consiste en une rediffusion des programmes de RFI. Il ressort, en revanche, des pièces du dossier que le programme de Radio Bonheur présente un fort ancrage local comportant quatre rendez-vous quotidiens dédiés à l'information locale avec des décrochages spécifiques selon les départements, quinze rendez-vous quotidiens d'informations sur les loisirs, la retransmission des matchs de football et de grands concerts avec une part spécifique importante à la zone représentant trente-quatre minutes dont dix d'informations locales. Ainsi, le choix de Radio Bonheur était conforme à l'objectif assigné au CSA par les dispositions précitées, de veiller à une offre de services de communication sociale de proximité et à la contribution à la production de programmes réalisés localement.

8. Si l'association requérante soutient également qu'il appartenait au CSA de tenir compte de l'expérience locale préexistante dont la radio Sing Sing Bis, qui poursuit l'activité de la radio Sing Sing, peut se prévaloir grâce à ses liens étroits avec les milieux culturels et associatifs et avec un public qui a témoigné son soutien à sa candidature à travers une pétition et de nombreuses lettres de soutien, cette circonstance, dès lors en particulier que radio Sing Sing Bis est une entité différente de la radio Sing Sing qui a cessé d'émettre et n'a pas été candidate à sa propre succession à l'échéance de son autorisation d'émettre le 27 janvier 2016, n'est, en tout état de cause, pas de nature à établir que le CSA a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

9. Enfin, si l'association Sing Sing Bis soutient que le dossier présenté par la société Media Bonheur était irrégulier en ce qu'il ne faisait pas apparaître la composition de son capital et de ses actifs en méconnaissance des exigences de l'article 29 de la loi du 30 septembre 2006, qu'il ne faisait état ni de ses prévisions de recettes et de dépenses, ni de l'origine et du montant du financement et que n'y étaient joints ni les comptes des trois dernières années ni les accords liant la société aux autres entreprises du secteur de la communication et de la publicité, il ressort des pièces du dossier produites par le CSA devant la Cour, extraites du dossier de candidature de la société Media Bonheur et comportant l'ensemble des éléments mentionnés, que ce moyen manque en fait.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Sing Sing Bis n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 20 janvier 2016 par laquelle le CSA a, d'une part, rejeté sa candidature à l'attribution d'une fréquence dans la zone de Saint-Malo et, d'autre part, retenu la candidature de la société Media Bonheur pour l'attribution de cette même fréquence.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'association Sing Sing Bis une somme de 2 500 euros à verser à la SARL Media Bonheur sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Sing Sing Bis est rejetée.

Article 2 : L'association Sing Sing Bis versera à la SARL Media Bonheur une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Sing Sing Bis, à la SARL Media Bonheur et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- MmeB..., première conseillère,

- MmeA..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 21 juin 2018.

La rapporteure,

M. B...Le président,

J. LAPOUZADE La greffière,

Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA01151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01151
Date de la décision : 21/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SCP DAVID GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-21;16pa01151 ?
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