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26/06/2018 | FRANCE | N°17PA02320

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 26 juin 2018, 17PA02320


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 juin 2017 par lequel le préfet de police a prononcé sa remise aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 1710003/8 du 23 juin 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 juillet 2017, M. C...B..., représenté par Me A...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;>
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de police du 8 juin 2017 ;

3°) à titre principal,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 juin 2017 par lequel le préfet de police a prononcé sa remise aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 1710003/8 du 23 juin 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 juillet 2017, M. C...B..., représenté par Me A...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de police du 8 juin 2017 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de police de l'autoriser à présenter une demande d'asile en France et, en conséquence, de lui délivrer une attestation de demande d'asile ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 20 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. B...soutient que :

- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;

- il ne mentionne pas son droit de se rapprocher de son consulat, en méconnaissance de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas bénéficié de l'assistance d'un interprète présent physiquement au cours de son entretien individuel en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- les informations prévues par l'article 29 du règlement (UE) n° 03/2013 du 26 juin 2013, qui lui auraient permis de comprendre les motifs et enjeux de cette prise d'empreinte ne lui ont pas été délivrées au moment où ses empreintes digitales ont été relevées ;

- le préfet de police ne pouvait, sans méconnaître le 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013, procéder à son transfert en raison des risques des défaillances de l'accueil des demandeurs d'asile en Allemagne et de la pratique de renvoi systématique des déboutés dans leur pays d'origine.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juin 2018, le préfet de police a conclu au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et précise à toutes fins utiles que M. B...a été reconduit en Allemagne le 23 octobre 2017.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 24 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

Le rapport de M. Bernier, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant afghan né le 2 avril 1994, relève appel du jugement du 23 juin 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juin 2017 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités allemandes ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du 28 juillet 1951, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il mentionne que M. B...est entré irrégulièrement en France et s'y est maintenu sans être muni des documents et visas exigés par les textes en vigueur, qu'une attestation de demande d'asile lui a été remise le 27 mars 2017, que sa demande d'asile relève de la compétence des autorités allemandes en application de l'article 18 (1) b du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que, le 3 avril 2017, ces autorités ont accepté de le prendre en charge, que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n° 604-2013 et qu'il ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France et n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner en Allemagne ; que l'arrêté litigieux énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de police a fondé sa décision ; que, par suite, la décision est suffisamment motivée en droit et en fait ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert " est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend " ;

4. Considérant que les conditions de notification d'une décision administrative n'affectent pas sa légalité et n'ont d'incidence que sur les voies et délais de recours contentieux ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral qui se borne à informer M. B...qu' " il peut présenter des observations, avertir un conseil ou une personne de son choix " ne précise pas qu'il a le droit de faire avertir son consulat ne saurait dès lors être utilement invoqué ; qu'en tout état de cause et pour le surplus, l'omission de cette précision, qui était sans incidence sur le sens de la décision, n'a pas eu pour effet de priver le requérant de l'accès au juge ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel " ; qu'aux termes de l'article L. 111-8 du même code : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que M. B... a bénéficié d'un entretien individuel avec les services de la préfecture de police le 27 mars 2017 ; que, s'il soutient avoir bénéficié du concours de l'interprète ISM en langue pachtoune uniquement par voie téléphonique, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce mode de traduction, qui n'a pas suscité d'objection de sa part au cours de l'entretien, aurait nuit à sa compréhension des informations qui lui ont été délivrées ou des questions qui lui ont été posées ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 doit, dès lors, être écarté ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. 2. Dans le cas de personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont relevées (...) " ;

8. Considérant que M. B...ne saurait utilement faire état à l'encontre de l'arrêté par lequel les autorités françaises ont décidé sa remise aux autorités allemandes, d'une violation de l'obligation d'information prévue par les dispositions citées ci-dessus de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, qui a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du 2. de l'article 3 du règlement (UE) n°603/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable (...) " ;

10. Considérant que si selon M.B..., l'afflux des migrants en Allemagne a nuit à la qualité du traitement des demandes d'asile et de l'accueil des réfugiés, il n'établit ni même n'allègue qu'il existerait dans cet Etat des défaillances systémiques ; qu'en se bornant à produire des articles de presse portant sur les expulsions par l'Allemagne des demandeurs d'asile d'origine afghane, l'intéressé ne démontre pas que les autorités allemandes, qui ont donné leur accord le 3 avril 2017 à la demande de reprise en charge par les autorités françaises, ne sont pas en mesure de traiter sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et qu'il courrait en Allemagne un risque réel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté méconnaitrait les dispositions précitées du 2 de l'article 3 du règlement (UE) du 26 juin 2013 doit être écarté ;

11. Considérant, en dernier lieu, que si le requérant soutient qu'en vertu d'un accord bilatéral conclu entre l'Union européenne et l'Afghanistan, l'Allemagne serait susceptible de l'éloigner, en cas de rejet de sa demande d'asile, vers l'Afghanistan, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision de transfert contestée ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M.B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise pour information au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 juin 2018.

Le rapporteur,

Ch. BERNIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 17PA02320


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02320
Date de la décision : 26/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : TROFIMOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-26;17pa02320 ?
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