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10/07/2018 | FRANCE | N°17PA02667

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 juillet 2018, 17PA02667


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Jayama a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2016 par lequel le maire de Paris a refusé de lui accorder une autorisation de terrasse ouverte au droit de l'établissement qu'elle exploite, situé 3 rue Surcouf à Paris (75007).

Par un jugement n° 1616011 du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2017, la société Jayama, représentée

par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1616011 du 29 juin 2017 du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Jayama a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2016 par lequel le maire de Paris a refusé de lui accorder une autorisation de terrasse ouverte au droit de l'établissement qu'elle exploite, situé 3 rue Surcouf à Paris (75007).

Par un jugement n° 1616011 du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2017, la société Jayama, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1616011 du 29 juin 2017 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 26 juillet 2016 par laquelle le maire de Paris a refusé de lui accorder une autorisation de terrasse ouverte ;

3°) d'enjoindre à la ville de Paris de statuer à nouveau sur sa demande et, à titre principal, d'y faire droit dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de lui accorder une tolérance spécialement motivée par la taille réduite de sa terrasse ;

4°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas suffisamment motivé les raisons pour lesquelles il a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle ne justifie pas des raisons pour lesquelles d'autres établissements voisins placés dans une situation identique bénéficient d'autorisations de voirie ;

- le maire de Paris n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation individuelle ;

- la décision attaquée constitue une rupture d'égalité entre les commerçants en méconnaissance de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dès lors que des restaurants voisins bénéficient d'un droit de terrasse en violation de la réglementation applicable ;

- la décision attaquée porte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, dès lors qu'une terrasse ouverte représente un intérêt économique et commercial ;

- la décision attaquée porte atteinte à la libre concurrence, dès lors qu'elle favorise les anciens commerçants qui bénéficient d'un droit de terrasse reconduit tous les ans et leur procure une position dominante ;

- elle pourrait bénéficier d'une tolérance compte tenu de la petite taille de son mobilier extérieur qui laisse un passage praticable pour les piétons.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er juin 2018, la ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité est inopérant ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nguyên Duy,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- les observations de Me Schaeffer, avocat de la société Jayama et de Me Falala, avocat de la ville de Paris.

1. Considérant qu'à la suite de l'acquisition, le 18 septembre 2015, d'un fonds de commerce appartenant à la société Jasmin, situé 3 rue de Surcouf dans le 7ème arrondissement de Paris, en vue de l'exploitation d'un restaurant dénommé " Bistrot Jaïs ", la société Jayama a sollicité auprès du maire de Paris le renouvellement de l'autorisation d'installation de la terrasse ouverte qui avait été précédemment délivrée à la société Sethor ; que le maire de Paris a opposé un refus à sa demande par un arrêté du 26 juillet 2016, contre lequel la société a formé un recours en annulation devant le tribunal administratif de Paris ; que la société Jayama interjette appel du jugement du 29 juin 2017 par lequel les premiers juges ont rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il résulte du point 8 du jugement attaqué que le tribunal administratif de Paris a suffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité, en indiquant qu'il était inopérant à l'encontre de la décision attaquée ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 7° Refusent une autorisation (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

4. Considérant que l'arrêté attaqué, qui vise l'arrêté municipal du 6 mai 2011 portant règlement des étalages et des terrasses installés sur la voie publique, relève, d'une part, que le trottoir au droit du restaurant de la société Jayama mesure entre 1,96 mètres et 2,03 mètres de large, alors que l'article 3-2 du titre II du règlement interdit l'installation de terrasses sur les trottoirs de moins de 2,20 mètres de large, et d'autre part, que la terrasse envisagée ne ménage pas une zone contiguë d'au moins 1,60 mètres pour la circulation piétonne, en méconnaissance de l'article DG 10 du même règlement ; qu'il comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le maire de Paris s'est fondé pour rejeter la demande de la requérante et doit donc être regardé comme satisfaisant à l'exigence de motivation résultant des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, quand bien même il n'aurait pas indiqué les raisons pour lesquelles d'autres établissements voisins placés dans une situation identique bénéficient d'autorisations de voirie en méconnaissance de la réglementation applicable ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit donc être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Paris n'aurait pas procédé à un examen particulier de la demande de la société Jayama ;

6. Considérant, en troisième lieu, que les autorisations d'occuper le domaine public ont en principe un caractère personnel, ne sont que temporaires et présentent un caractère précaire et révocable, ainsi que le rappellent les articles L. 2122-2 et L. 2122-3 du code général de la propriété des personnes publiques ; que l'article DG 3 de l'arrêté du 6 mai 2011 du maire de Paris portant règlement des étalages et terrasses installés sur la voie publique dispose également que : " Les autorisations régies par le présent règlement constituent des occupations du domaine public accordées à titre temporaire, précaire et révocable. (...) Les autorisations sont délivrées à titre personnel pour les besoins du commerce exercé par le bénéficiaire. Elles ne sont pas transmissibles à des tiers, notamment en cas de changement d'activité ou de cession de fonds ; une nouvelle demande doit alors être formulée (...) " ;

7. Considérant que si l'arrêté attaqué est intitulé à tort " refus de reconduction d'une terrasse ouverte ", il résulte des dispositions citées au point 6 que les autorisations d'installation de terrasse sont délivrées à titre personnel et ne sont pas transmissibles à des tiers ; qu'il s'ensuit que, dès lors que l'autorisation de terrasse détenue par les précédents propriétaires du restaurant n'a pu être transmise à la société Jayama lors de l'acquisition par celle-ci en 2015 du fonds de commerce correspondant, la décision attaquée doit être regardée comme portant refus d'une première demande d'autorisation de terrasse et non d'une demande de renouvellement d'une telle occupation du domaine public ; que la requérante ne peut donc utilement se prévaloir de ce qu'une autorisation similaire à celle qu'elle sollicitait a été délivrée aux précédents propriétaires du fonds de commerce qu'elle exploite ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que, pour contester la décision attaquée, la société Jayama fait valoir qu'elle porte atteinte au principe d'égalité et constitue une discrimination injustifiée, dès lors que d'autres établissements implantés rue Surcouf disposent d'autorisations d'installation de terrasses ouvertes alors que la largeur utile du trottoir au droit de ces retaurants est la même qu'au droit de l'établissement qu'elle exploite ; que pour regrettable que soit la pratique consistant à renouveler à leur échéance annuelle de telles autorisations, pourtant précaires, en méconnaissance des dispositions du règlement des étalages et des terrasses installés sur la voie publique, cette circonstance est toutefois sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que l'autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine en vue d'y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation soit compatible avec l'affectation et la conservation de ce domaine ; que la décision de délivrer ou non une telle autorisation, que l'administration n'est jamais tenue d'accorder, n'est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, dont le respect implique que les personnes publiques n'apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;

10. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 3.2 du titre II du règlement des étalages et des terrasses installés sur la voie publique : " - Caractéristiques des terrasses ouvertes. / L'obtention d'une autorisation d'implantation d'une terrasse ouverte est soumise au respect des règles ci-après : / - les dimensions des terrasses ouvertes doivent respecter les règles définies au Titre 1 - Dispositions générales, et en particulier les dispositions relatives aux personnes en situation de handicap, / - le dispositif autorisé peut être fractionné pour tenir compte des caractéristiques particulières du lieu sur lequel il est implanté (accès, vannes d'arrêt, bouche incendie, etc.), / - les conditions d'accès et de circulation des personnes à mobilité réduite doivent être garanties à l'intérieur des terrasses ouvertes, / - il ne peut être autorisé de terrasse ouverte d'une largeur inférieure à 0,60 mètres. En conséquence, sur les trottoirs d'une largeur utile inférieure à 2,20 mètres, les terrasses ouvertes sont interdites (...) " ; qu'en vertu de l'article DG 10 du titre I de ce règlement, une zone d'au moins 1,60 mètres de largeur, contigüe à la terrasse, doit être réservée à la circulation des piétons ;

11. Considérant que si la requérante fait valoir que l'installation d'une terrasse représente un intérêt économique et commercial pour l'exploitation de son restaurant, l'arrêté attaqué a été pris en application des articles 3.2 et DG 10 du règlement des étalages et des terrasses installés sur la voie publique qui poursuivent l'objectif d'intérêt général de " ménager dans les meilleurs conditions possibles un espace de circulation réservé au cheminement des piétons, en particulier des personnes en situation de handicap " ; que dès lors qu'il est constant que le trottoir au droit de la terrasse du " Bistrot Jaïs " n'excède pas 2,03 mètres de large, l'installation d'une terrasse aurait été de nature à entraver la libre circulation sur le domaine public viaire des piétons, en particulier des personnes en situation de handicap ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué porterait une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

12. Considérant, en septième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, la largeur du trottoir au droit du restaurant de la société Jayama est insuffisante pour permettre l'installation d'une terrasse au regard des prescriptions des articles 3.2 et DG 10 du règlement des étalages et des terrasses installés sur la voie publique ; que, par suite, la requérante ne peut utilement soutenir qu'elle aurait pu bénéficier d'une tolérance compte tenu de la petite taille de son mobilier extérieur qui laisserait un passage praticable pour les piétons ;

13. Considérant, en huitième lieu, que la personne publique ne peut délivrer légalement une autorisation d'occupation du domaine public lorsque sa décision aurait pour effet de méconnaître le droit de la concurrence, notamment en plaçant automatiquement l'occupant en situation d'abuser d'une position dominante, contrairement aux dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce ;

14. Considérant que la requérante fait valoir que la décision attaquée porte atteinte à la libre concurrence, dès lors qu'elle favorise les anciens commerçants qui bénéficient d'un droit de terrasse reconduit tous les ans et leur procure une position dominante ; que si les restaurants autorisés à installer une terrasse dans la rue Surcouf en dépit de la méconnaissance de la réglementation applicable bénéficient d'un avantage certain par rapport à l'établissement de la société requérante, cet avantage ne résulte pas de la décision de refus attaquée, qui est légale, mais des autorisations illégales dont eux-mêmes bénéficieraient ; qu'ainsi la requérante ne peut utilement invoquer l'atteinte au droit de la concurrence, qui ne résulte pas de la décision qu'elle conteste ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Jayama n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction doivent par suite être rejetées ;

Sur les frais liés au litige :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Jayama demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Jayama est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Jayama et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- Mme Nguyên Duy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 10 juillet 2018.

Le rapporteur,

P. NGUYÊN DUY La présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA02667


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02667
Date de la décision : 10/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-02-01-01-01 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine. Autorisations unilatérales.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Pearl NGUYÊN-DUY
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : D'HAUTEVILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-07-10;17pa02667 ?
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