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10/07/2018 | FRANCE | N°18PA00893

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 juillet 2018, 18PA00893


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2017 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination de la reconduite.

Par un jugement n° 1710109 du 2 février 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommai

re et un mémoire complémentaire enregistrés les 17 mars 2018 et 3 avril 2018, M.C..., représenté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2017 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination de la reconduite.

Par un jugement n° 1710109 du 2 février 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 17 mars 2018 et 3 avril 2018, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1710109 du 2 février 2018 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2017 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ et a fixé le pays de destination de la reconduite ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire est entaché d'une erreur de droit, dès lors que le préfet de l'Essonne n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté attaqué a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de l'Essonne ne pouvait se fonder sur le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'obliger à quitter le territoire, dès lors qu'il est entré régulièrement sur le territoire sous couvert d'un visa et qu'il a été mis en possession de titres de séjour régulièrement renouvelés jusqu'en 2011 ;

- l'arrêté en tant qu'il porte fixation du pays de destination est illégal, compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.

La requête sommaire et le mémoire ampliatif ont été communiqués au préfet de l'Essonne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Nguyên Duy a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, par arrêté du 21 novembre 2017, le préfet de l'Essonne a prononcé à l'encontre de M.C..., ressortissant de nationalité guinéenne né le 4 janvier 1985, une obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit ; que M. C...interjette appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., entré en France en 2004 sous couvert d'un visa de transit Schengen, a été mis en possession de cartes de séjour temporaires en qualité d'étudiant du 29 septembre 2004 au 29 septembre 2006, puis du 19 novembre 2010 au 19 novembre 2011 ; qu'à la suite du refus de renouvellement de son titre de séjour, il a fait l'objet d'un premier arrêté portant obligation de quitter le territoire le 19 mars 2012 ; que s'il ressort de l'arrêté attaqué que M. C...a été signalé pour troubles à l'ordre public pour des faits de coups et blessures volontaires et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents et son frère, il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des relevés bancaires et des courriers administratifs produits pour la première fois en appel, que M. C...vit en concubinage depuis 2013 avec une ressortissante de nationalité malienne, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 9 novembre 2027, avec laquelle il a eu une fille née le 3 octobre 2013 dont il est établi qu'il participe à l'éducation, et qui est enceinte d'un second enfant dont la naissance est prévue en juillet 2018 ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce et en l'absence de mémoire en défense de l'administration, le requérant est fondé à soutenir que l'arrêté du 21 novembre 2017 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, sans lui octroyer un délai de départ, et a fixé son pays de renvoi, a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et qu'il doit donc être annulé pour ce motif ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

Sur les frais liés au litige :

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C...pour sa requête ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1710109 du 2 février 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 21 novembre 2017 par lequel le préfet de l'Essonne a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ et a fixé le pays de destination de la reconduite est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à M. C...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- Mme Nguyên Duy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 10 juillet 2018.

Le rapporteur,

P. NGUYÊN DUY La présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00893


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00893
Date de la décision : 10/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Pearl NGUYÊN-DUY
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : MOUBERI

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-07-10;18pa00893 ?
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